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L’Europe au bord de la crise de nerfs

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Racisme, migrants, repli sur soi, protectionnisme, arrivée au pouvoir des extrémistes en Italie et en Pologne, poussée des populismes en Suède et en Autriche… De quels maux souffre donc l’Europe ? Comment la réenchanter ? Le sursaut viendra-t-il des urnes au printemps prochain ? Ou de la mobilité internationale des jeunes, de plus en plus encouragés à sauter les frontières ? Dialogue croisé entre Pieyre-Alexandre Anglade, député des Français établis hors de France – Benelux (également vice-président de la commission des Affaires européennes et membre de la commission de la défense nationale et des forces armées), et Lucas Chevalier, chargé de l’information et de la communication de l’agence Erasmus +.

Comment en est-on arrivé là ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Depuis 2005 et le non des Français et des Néerlandais à la Constitution, l’Europe n’a connu presque que des crises. Cette décennie noire s’est terminée par un véritable cataclysme : le Brexit. Au sortir de cette période nous sommes en Europe dans un contexte de doutes et de divisions. Un contexte où les menaces géopolitiques et les grandes mutations liées au numérique, à l’urgence environnementale et à ses conséquences, bouleversent les équilibres qui fondaient nos sociétés. Ces bouleversements, les dirigeants européens n’ont pas su les appréhender, créant parmi les citoyens européens un sentiment d’éloignement, d’abandon et de perte de contrôle. C’est sur ces peurs que les mouvements nationalistes, parfois xénophobes ont su prospérer pour imputer à l’Europe tous les maux de notre temps. Leur seul objectif est simple : la déconstruction du projet européen. Mais ne nous y trompons pas. Ce n’est pas l’Europe en tant que telle qui est responsable. Ce n’est pas le projet européen qui est la cause des maux que nous connaissons. Ce ne sont pas non plus les peuples européens qui ont abandonné l’idée européenne. Les responsables, au-delà des mutations que nous évoquions, ce sont celles et ceux qui, au pouvoir dans les différents États membres, ont délaissé les enjeux européens, ont cessé de nourrir une ambition pour l’Europe.

Comment réenchanter l’Europe ? Redonner aux citoyens l’envie de s’y intéresser ? Les rapprocher des institutions ? Strasbourg et Bruxelles, c’est loin et abstrait !
Lucas Chevalier : La marque Erasmus est un vecteur puissant de mobilisation des citoyens pour 2019 ; le programme européen Erasmus + (2014-2020) avec ses 15 milliards d’euros a produit des effets considérables à l’échelle de l’Union européenne en termes d’insertion professionnelle et d’acquisition de la citoyenneté européenne. Nos études d’impact montrent que les jeunes qui partent avec Erasmus reviennent plus autonomes, plus sûrs d’eux, plus compétents et que cette expérience est toujours un bagage en plus pour trouver un emploi de façon rapide et durable. Que ce soit dans l’imaginaire collectif ou dans leur quotidien, les citoyens perçoivent ces résultats concrets de l’Europe. On vient de célébrer les 30 ans d’Erasmus et la nouvelle fête européenne des Erasmus Days qui a rassemblé près de 1 000 événements dans plus de 27 pays.

P-A. A : Beaucoup ont pensé que l’Europe pouvait se construire à l’abri des peuples. Ce fut une erreur. Nous devons, au contraire entendre les inquiétudes, la colère parfois et proposer aux Européens un nouveau projet. C’est ce qu’a fait Emmanuel Macron lors de son intervention à la Sorbonne en proposant une Europe plus unie, solidaire et démocratique. Ici, deux convictions nous animent. La première, c’est que la refondation du projet européen passe par une exigence démocratique beaucoup plus forte. C’est la raison pour laquelle nous faisons vivre à travers des consultations citoyennes le débat sur l’Europe en créant un espace public européen afin de permettre à l’ensemble des citoyens de s’engager, de venir exprimer leurs attentes, leurs idées, leurs réussites et parfois leurs déceptions face à l’Europe. La seconde, c’est l’urgence de construire une véritable souveraineté européenne qui permettra de répondre aux grandes migrations, aux transformations économiques, sociales et environnementales et aux grands conflits qui entourent l’Europe. À cet égard, ne tombons pas dans le piège des nationalistes ! La souveraineté européenne est un complément à notre souveraineté nationale et en aucun un substitut. Si nous ne construisons pas cette souveraineté européenne, alors ce seront d’autres grandes puissances qui, demain, décideront pour nous. Et nous ne serons alors plus souverains.

Comment les agences et les institutions européennes peuvent-elles aller plus loin pour faire aimer l’Europe à ses citoyens ?
L. C. : Le succès des Erasmus Days tient à l’engagement massif des acteurs de la formation, de l’éducation, de la jeunesse et du sport sur le terrain : ces événements locaux rassemblent la société civile, les professionnels, les décideurs et les élus pour montrer les résultats concrets de l’Union européenne. Ainsi, le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a-t-il invité par écrit les 751 députés européens à y participer dans leurs pays et circonscriptions. Les candidats aux élections européennes de 2019 doivent aussi être informés de la réalité de ce programme et de ses résultats pour en faire des arguments de campagne. Les institutions européennes ont intérêt à communiquer à travers les expériences réussies des Européens plutôt qu’à évoquer les processus décisionnels complexes qui éloignent les citoyens d’une Europe jugée complexe. Les consultations citoyennes sur l’Europe, initiées par Emmanuel Macron, ont cette ambition et souhaitent aussi recueillir l’avis des eurosceptiques pour ouvrir le débat et démonter les idées fausses.

Une Europe à 28 est-elle encore audible ?
P.-A. A. : Je suis très attaché à l’unité européenne, mais l’unité ne signifie pas l’uniformité. Et aujourd’hui nous devons accepter que l’Europe est composée de plusieurs niveaux d’intégrations. Certains diraient de plusieurs cercles. Il y a une Europe à 28, demain à 27 et dans cet espace, nous devons permettre une intégration plus forte entre certains pays, ceux qui veulent avancer. L’histoire de l’Europe nous enseigne qu’elle a toujours progressé par l’ambition de quelques pays, que d’autres ont ensuite suivis. Ces dernières années, les Européens ont parfois cherché le plus petit dénominateur commun. Cela a entravé la capacité de réaction de l’Europe dans les crises et sa faculté d’adaptation aux grands changements du monde. C’est pourquoi il est important que les pays qui le souhaitent puissent avancer dans les domaines où ils ont envie de développer de nouveaux projets, mais en restant ouverts à ceux qui voudraient pouvoir les rejoindre ensuite. L’immobilisme est le plus grand danger pour les Européens et c’est pour cela que la France propose aujourd’hui à ceux qui veulent avancer de le faire.

Emmanuel Macron souhaite augmenter, voire doubler le budget d’Erasmus +. Sentez-vous un élan à travers l’Europe qui pourrait soutenir son idée ?
L. C. : Ce que l’on perçoit, c’est la demande toujours croissante de séjours d’études et de stages, de projets de coopération entre professeurs, associations, entreprises, etc. Aujourd’hui, nous finançons effectivement une demande sur deux : nous pourrions faire partir 100 000 personnes par an au lieu de la moitié. Les Français veulent plus d’expériences européennes de vie, de formation et de travail. Les États européens doivent soutenir le Parlement européen et la Commission européenne pour porter le budget de 15 à 30 milliards d’euros pour la programmation 2021-2027. On remarque d’ailleurs que, malgré le contexte politique actuel en Hongrie, les acteurs de l’éducation se sont fortement mobilisés pour les Erasmus Days avec plus de 60 événements… Erasmus est une arme pour cultiver et montrer l’attachement à l’Europe et à ses valeurs démocratiques.

En mai 2019 auront lieu les élections européennes. Le taux de participation n’a cessé de baisser au fil des scrutins (42,43% en France en 2014). De quels leviers disposez-vous pour tenter d’inverser la tendance ?
P.-A. A. : En 2019, l’approche de ce scrutin dans notre pays, et notamment au sein des partis politiques, doit changer pour en faire un rendez-vous électoral majeur, car les enjeux sont considérables. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons donner à ce scrutin une meilleure lisibilité et faciliter ainsi sa compréhension. Pour ce faire, nous proposons le rétablissement d’une circonscription nationale unique. Les circonscriptions régionales, mises en place en 2003, avaient pour ambition prétendue de rapprocher les députés européens des Français. Il n’en fut rien. Ce fut un échec. Mais la modification du scrutin, à elle seule, ne suffira pas à créer une mobilisation plus importante. Nous aurons tous notre responsabilité dans la mobilisation de l’opinion. À nous, politiques, de convaincre, en allant au plus près des Françaises et des Français et en faisant preuve d’une grande exigence démocratique. C’est ce que la République en Marche a fait en lançant une grande marche pour l’Europe. À nous encore de restituer les idées qui seront exprimées lors des consultations citoyennes afin de nourrir une feuille de route pour l’Europe de demain. Aux médias, enfin, d’offrir un traitement pédagogique de cette campagne et des différentes sensibilités politiques qui s’y affronteront.

Comment voyez-vous l’Europe dans cinq ans, dix ans ? Éclatée ? Rassemblée autour d’un noyau dur de quelques pays ?
P.-A. A. : Pour la première fois depuis longtemps, la France, par ses propositions, est au rendez-vous de l’histoire européenne et il faut s’en féliciter car les enjeux européens sont considérables. Ils le sont pour l’Europe, qui doit devenir une véritable puissance politique capable de peser sur les grands enjeux du XXIe siècle. Ils le sont également pour la France et son influence au sein de l’Union. Mais nous voyons bien le contexte politique dans lequel évolue l’Europe, le retour des égoïsmes nationaux, les propos de certains leaders européens que nous ne pensions plus pouvoir entendre sur notre continent. La haine qui réapparaît dans certaines rues d’Europe, au grand jour, là aussi dans des pays où nous pensions que c’était impossible de les voir réapparaître. Et nous voyons enfin la fascination, pour les pouvoirs forts, par les démocraties « illibérales » (sans libéralisme constitutionnel qui produit des régimes centralisés, l’érosion de la liberté, des compétitions ethniques, des conflits et la guerre et les menaces géopolitiques qui entourent l’Europe, ndlr). Ce moment nous donne donc une responsabilité particulière. Il nous faut porter une volonté claire, celle de la souveraineté européenne, la seule qui peut apporter la réponse à beaucoup de nos défis.

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