Un article du Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris :
La firme américaine Google s’est vu infliger plus de huit milliards d’euros d’amende pour pratiques commerciales abusives sous la Commission Juncker. Par trois fois en deux ans, l’exécutif européen aura fait trembler les murs de l’empire californien à l’aide d’amendes records à dix chiffres. Retour sur ce choc des titans…
En l’espace de deux ans, Google a été contraint de verser plus de huit milliards d’euros sous la forme d’amendes à l’Union européenne (UE). Depuis quelques années, le géant américain se retrouve régulièrement dans le viseur de la Commission européenne. En cause, ses pratiques commerciales abusives, faussant la concurrence au sein de l’UE et desservant de ce fait les intérêts des quelques 500 millions de consommateurs européens.
Entre le colosse californien et l’exécutif européen, la bataille fait rage. Lequel de ces titans parviendra finalement à faire respecter sa loi ? Les paris sont ouverts…
> Google : 0 – Commission : 3
Avec des parts supérieures à 90% sur le marché européen des moteurs de recherche, Google s’est incontestablement imposé comme le maître du jeu sur le vieux continent. Portée par ce succès, la firme de Mountain View a également su imposer nombre de ses outils et services connexes aux consommateurs européens. Inutile de nos jours de présenter Google Maps, Google Play ou encore Google Shopping, qui sont, pour la majorité d’entre eux, en situation de position dominante sur leur marché respectif.
Face à ce géant américain des technologies, détenteur d’un pouvoir financier et économique titanesque, parfois supérieur à certains Etats, la Commission Juncker a pourtant par trois fois en deux ans osé sortir l’artillerie lourde.
En juin 2017 déjà, jugeant que Google avait abusé de sa position dominante en conférant un avantage illégal à son service de comparaison des prix, Google Shopping, la Commission lui avait infligé une amende de 2,42 milliards d’euros.
Un an plus tard, en juillet 2018, la Commission dégainait à nouveau. Cette fois, c’est contre Android, le célèbre système d’exploitation pour smartphone de Google, que l’exécutif européen avait lancé une contre-attaque. Google s’était arrangé afin d’y favoriser ses autres outils et services en exigeant des fabricants leur pré-installation comme condition à l’octroi d’une licence pour sa boutique d’applications en ligne, Play Store. A la clé de ce comportement jugé abusif au regard du droit européen, une amende faisant l’effet d’une bombe : 4,2 milliards d’euros.
En mars dernier, intraitable et infatigable, l’exécutif européen infligeait une nouvelle amende à dix chiffres à Google. En cause, son service de placement publicitaire, AdSense for Search. Le géant américain était accusé d’avoir introduit dans ses contrats des clauses d’exclusivité empêchant toute concurrence. Ces clauses lui permettaient entre autres de se réserver les espaces commerciaux les plus intéressants sur les sites web afin d’y insérer ses publicités contextuelles. Si ces abus ont perduré plus de dix ans, la sanction a été à la hauteur de l’infraction : 1,46 milliards d’euros. De quoi ouvrir un troisième rapport de force costaud entre le géant américain et l’exécutif européen…
> Quand l’Union fait la force
Depuis, Google a mis fin à ces pratiques jugées illégales par la Commission. Pour ses représentants, c’est bien parce que la firme de Mountain View tient à se maintenir au sein de l’UE et de son marché de 500 millions de consommateurs, qu’elle accepte de se soumettre aux injonctions de la Commission… Une capitulation inespérée qu’une simple autorité nationale de la concurrence, à l’influence et aux moyens dérisoires face aux géants de l’internet, aurait sûrement eu du mal à obtenir.
Alors qu’il y a peu, le Parlement européen rendait obligatoire une utilisation plus contrôlée de nos données personnelles sur l’internet, la Commission n’est pas restée bras ballants afin de protéger les consommateurs européens. Portée depuis 2014 par sa Commissaire en charge de la concurrence, Margrethe Vestager, elle a fait de la lutte contre les abus de position dominante des géants de la mondialisation son cheval de bataille.
> Margrethe Vestager, la « Tax Lady » de l’Union européenne ?
Figure forte de la Commission Juncker, honnie par Donald Trump, Margrethe Vestager aura su rester insensible aux considérations politiques que peuvent engendrer de tels affronts envers les empires que sont les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Elle représente aujourd’hui une vitrine avantageuse d’une Europe qui sait tenir bon face aux géants de la mondialisation.
Pressentie comme possible future Présidente de la Commission, l’intraitable « Tax Lady » continuera-t-elle à faire trembler les murs de ces empires mondiaux depuis le sommet de l’exécutif européen ? Réponse dans les prochains mois…