Actualités économiques
Bernard Jomard – Les bonnes résolutions de la rentrée
Chaque année, vous prenez pendant les vacances de bonnes résolutions. Mais chaque année dès septembre à cause du rythme effréné de l’économie mondialisée ou à cause du rythme familial vous perdez à nouveau le contrôle de votre vie personnelle et professionnelle. Car, quelle que soit votre position, vos bonnes résolutions se sont évaporées face à ce que la famille ou votre boss attendaient de vous.
En permanence tous connectés
Sans nous rendre en compte, en fait depuis quelques années, nous sommes en permanence tous connectés. Lorsqu’on quitte son lieu de travail, ou sa famille, la plupart d’entre nous continuent néanmoins de travailler soit sur un PC, soit de ruminer dans leurs têtes. Cela génère au quotidien un malaise souvent lié à la difficulté de s’adapter ou de relativiser face aux systèmes numérisés ou face aux SMS personnels et autres news en continu.
D’autres se créent du stress à cause de l’absence de Likes ou de Partages de leurs posts ou paroles, car devenus accros au besoin de “briller” en permanence.
Enfin, dans l’éducation des enfants dans les entreprises, et même dans les relations affectives, tout est de plus en plus rapide, transparent, relié, tissé, emmêlé. En fait, tout est analysé, numérisé, et surtout, ce qui le plus dangereux, tout se corrèle.
Qu’est-ce qu’une bonne résolution
Remarquez tout d’abord que ces bonnes résolutions ne se sont jamais attachées à vous délivrer du rythme effréné de la vie professionnelle et familiale et surtout à changer votre comportement mental.
En fait sans vous en rendre compte vous êtes devenus addict à l’ »Happycracie ». Soit heureux, brille dans ta famille et dans ton job, et soit épanoui. Une injonction permanente au bonheur, considérée comme un aboutissement. Car, les personnes les plus heureuses feraient non seulement de bons citoyens conformistes et obéissants, mais aussi les meilleurs salariés ou chefs, et en même temps les meilleurs consommateurs.
Dans notre monde devenu manichéen seuls deux choix restent possibles.
Être dedans ou être en dehors de ce système indifférent et impassible. Être un bon petit soldat, qui doit sans cesse s’adapter et perdre alors le charme d’être singulier.
Comment devenir alors enfin bienveillant avec soi-même
C’est assez simple, il faut tout d’abord cesser d’être dans cette ère de compétition brutale, cesser de culpabiliser et de regretter les actes ou paroles de la journée. Oublier cette compétition qui fait ressentir une responsabilité permanente de ne pas assez bien réussir. Prendre conscience de cette force tyrannique qu’on nomme le « surmoi » et qui est dans ce monde de compétition permanente, de plus en plus exigeant. Un surmoi qui répète à foison, tu es nul(le) ou moins « bien » que ton frère, ton collègue, ton voisin. En résumé ce surmoi qui ne fait que créer de plus en plus d’inhibitions. Être aussi conscient que le « moi » est en fait une façade, qui ment sur les désirs profonds. C’est une construction, qui se bâtit sur différents modèles, à savoir le père, la mère, un concurrent, un professeur, des collègues, un film. Ces modèles qui peuvent être très éloignés de ce que chacun est vraiment.
Prendre conscience qu’on est aussi de plus en plus confrontés à des systèmes
Depuis quelques années, le management humain a en fait été remplacé par des objectifs créés par les logiciels qui analysent et corrèlent les données des salariés, des élèves, des entreprises, des écoles, des pays, et affichent des objectifs à atteindre. Résultat, tous tentent alors aujourd’hui d’être de plus en plus performants, de surpasser les autres, au travail, dans l’éducation des enfants et même dans les relations amoureuses.
Alors, quelles résolutions prendre ?
Tout d’abord refuser d’être prisonniers d’une image surdimensionnée qu’il serait insupportable de ternir face à d’éventuels échecs.
Et aussi apprendre à s’aimer avec ses failles, pour cesser de vivre avec un sentiment permanent de précarité professionnelle et sentimentale.
Et surtout, cessez d’hésiter toujours, à tenter des changements drastiques. Car bien sûr, ne rien tenter, c’est aussi éliminer le risque d’échouer et de se faire rappeler à l’ordre par son surmoi.
Redevenir un « individu unique », et oublier le super-système, et ces forces ou infrastructures qui orientent le futur de tous. L’individu unique qui lui peut supporter les failles, les contradictions et la discussion, alors que le groupe (entreprise, famille, groupe d’amis) ne le peut pas.
Refuser d’être encerclés, submergés par des objectifs à atteindre, sortir un peu chaque jour de cette force numérique dite transparente.
Redevenir relativiste, comme lors des premières années de l’existence. Souvent le problème d’aujourd’hui s’estompera ou aura été oublié demain ou après-demain. Relativiser permet de prioriser ce qui est important : santé, amours, enfants, familles, chiffre d’affaires, profit, vacances. Cela permet surtout de reprendre la vie professionnelle ou sentimentale en main.
Privilégier l’action ou l’inaction qui amènera chaque jour une petite réussite ou un petit plaisir. « Life is short, so have fun » et » je suis moi ». Une personne unique, pas totalement « formatée » dans la vie personnelle ou professionnelle.
Relire Gustave Le Bon. L’anthropologue, psychologue et sociologue français qui a très bien analysé les mouvements de groupes. Car nos followers ou familles nous ont fait appartenir à des groupes. Les GAFA et autres systèmes nous ont en fait rendu grégaire et addict, systèmes dans lesquels on accepte ce qui nous est imposé sans discussion ou négociation.
Relire aussi le paradoxe d’Abilene, qui analyse très bien comment plusieurs personnes peuvent prendre une décision d’un commun accord alors qu’aucune ne la trouve appropriée.
Respecter ces quelques conseils permet d’obtenir un vrai changement à court terme, par rapport aux principes théoriques et autres bénéfices éventuels à long terme.
Conclusion : Notre pire ennemi c’est toujours nous ! Alors, relativisez et mémorisez ce proverbe keynésien : « A court terme on est souvent perdants, et, à long terme on est toujours morts ».
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