Portraits de Hong Kong, par Emmanuel Langlois
Avec des manifestations prodémocratie qui se succèdent chaque dimanche dans l’ancienne colonie britannique et des autorités qui semblent parier sur l’essoufflement du mouvement, l’activité montre des signes de ralentissement. Les entrepreneurs français commencent à le ressentir.
Vivian Mériguet a monté il y a huit ans sa société de marketing digital à Hong Kong. Ses principaux clients sont de grandes marques européennes et américaines de spiritueux ou du luxe qui veulent se développer en Asie. « On les aide à améliorer leurs performances, leurs ventes et leur visibilité sur les moteurs de recherche, détaille-t-il. On travaille aussi sur le design de leurs sites web. » Mais avec les manifestations qui s’enchaînent depuis juin, le Français constate que l’impact du mouvement sur l’économie est de plus en plus fort : « Certains clients baissent leurs budgets, d’autres ont vu leur chiffre d’affaires réduire de 30, voire 50%, il y a des magasins fermés. Je n’aurais jamais pensé que cela durerait si longtemps. Je pensais que les Hongkongais seraient retournés aux affaires plus rapidement que cela. » Né à Lyon il y a trente-cinq ans, employé pendant deux ans comme directeur juridique dans un cabinet d’assurance, Vivian Mériguet monte avec plusieurs associés en 2006, au tout début de Google, une agence de référencement sur internet. Cinq ans plus tard, à la fois pour des raisons d’optimisation fiscale et par soif d’aventure, la petite troupe s’installe à Hong Kong. Son agence, « Wild at heart », emploie aujourd’hui une quinzaine de personnes, moitié Européens, moitié Hongkongais et Chinois. « Ici, c’est le même écosystème et les mêmes outils qu’en France : Google, Facebook, Linkedin et Instagram, explique-t-il. Mais dès que vous passez la frontière, en Chine, tous ces sites sont censurés. Les outils ne sont pas les mêmes, même si la censure se limite aux sujets politiques. »
Spécificités du marché
La concurrence est forte à Hong Kong. La plus-value du Français, c’est le lien entre sa culture native européenne et celle de l’Asie qu’il a appris à connaître après huit ans passés ici : « Sur la région, le marché est très éclaté du fait de la géographie et des langues différentes. Les usages et les comportements liés au marketing sur Internet peuvent vraiment différer du Nord au Sud de l’Asie. On aide nos clients à s’adapter à toutes les spécificités du marché. » Si la majorité sont Européens et Américains, l’agence réalise aussi 20% de son chiffre d’affaires avec des groupes locaux : « L’un de nos plus gros clients est un fabricant chinois de jouets pour qui l’on se charge du marketing en allemand, en anglais et en français puisque ses produits sont distribués par les enseignes JouéClub ou King Jouet. »
Cinq ans après la « révolution des Parapluies », Vivian Mériguet raconte qu’il a senti peu à peu monter la colère : « Il y a une partie de la population qui a peur de la Chine, certes, mais une autre est au contraire absolument satisfaite d’être devenue chinoise et de bénéficier de l’économie chinoise. Deux millions sur sept millions, c’est énorme mais il y a quand même les deux points de vue. » Chacun s’interroge ici sur la suite du mouvement et sur l’attitude de Pékin, qui se contente aujourd’hui d’observer. « Il ne va rien se passer d’exceptionnel dans les prochaines semaines ou prochains mois, prédit Vivian Mériguet. Il faut voir les prochaines années. Hong Kong est en train de jouer son avenir à moyen terme. » Cela n’entame en tout cas pas ses projets : faire grandir son agence de Hong Kong, ouvrir un bureau à Singapour et un autre en Europe, peut-être en France, pour y recruter de nouveaux clients.
Lui écrire : vivian.meriguet@wild-at-heart.net
Son agence : www.wild-at-heart.net