L’ambition affichée par le gouvernement de doubler les effectifs des élèves suivant un enseignement français vous paraît-il réaliste ? Quels sont les enjeux d’un tel développement ?
Laurence Auer : L’objectif fixé par le président de la République de doubler le nombre d’élèves scolarisés dans les établissements d’enseignement français à l’étranger se fonde sur des observations de terrain. Nos ambassadeurs s’en font l’écho depuis plusieurs années : de nombreuses familles étrangères désirent offrir à leurs enfants un enseignement international, et notamment français. Elles y voient une porte vers l’excellence universitaire internationale et vers l’emploi. Nous recevons également de nombreux témoignages qui montrent une appétence pour notre langue, mais aussi pour ce qu’incarne notre pays et son système éducatif à l’étranger. Nous n’oublions pas les familles françaises, toujours plus nombreuses à faire le choix de l’expatriation et que nous accompagnons en assurant une scolarisation des enfants qui s’inscrit dans la continuité avec leur scolarité en France.
Par ailleurs, cette dynamique se retrouve également du côté de l’offre d’enseignement français à l’étranger : le nombre de demandes d’homologation de la part de nouveaux établissements est en forte augmentation.
Pour notre pays, les enjeux sont importants : il s’agit de créer un réseau toujours plus dense et vaste. Les anciens élèves possèdent plus que le français en partage, leur francophonie se double d’une francophilie et d’un socle commun de références culturelles qui en font des partenaires naturels de notre pays.
Pour réussir le défi du doublement, les ministres de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Education nationale ont présenté un plan de développement de l’enseignement français à l’étranger. Les mesures de ce plan nous permettront de conquérir de nouveaux publics en adaptant notre offre pédagogique, dans le respect absolu des règles de l’homologation et de la qualité bien sûr. La place des professeurs dont le professionnalisme fait la renommée de nos établissements est centrale, ils sont les garants de la continuité de la qualité de l’enseignement. Aussi de nombreuses mesures du plan portent elles sur la formation. Enfin, nous souhaitons que les parents d’élèves puissent davantage être associés à la marche des établissements. Je sais leur rôle, les responsabilités qu’ils assument dans les comités de gestion, en particulier. Cet engagement doit être mieux reconnu.
La portée de ces mesures serait courte si elles n’étaient pas accompagnées d’un réengagement budgétaire de l’Etat. La participation du ministère des Affaires étrangères au budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) augmentera l’année prochaine de près de 25 millions d’euros, portant la subvention à près de 405 millions d’euros. Cette augmentation permettra de redonner des marges budgétaires aux établissements scolaires et financer le développement du réseau.
Comment se met actuellement en place le travail des ambassades dans ce plan de développement voulu par Emmanuel Macron ?
L.A. : Les ambassades sont les pivots du développement de l’enseignement français à l’étranger. Nos ambassadeurs et nos ambassadrices, nos conseillères et conseillers culturels sont au contact des réalités locales, ils perçoivent les dynamiques en œuvre autour de l’enseignement international. Ce sont eux également qui sont contactés par les porteurs de projet d’ouverture d’écoles.
Ils ont donc un rôle essentiel à jouer pour stimuler la demande d’enseignement français et identifier des porteurs de projets. L’expertise des postes diplomatiques est également indispensable pour évaluer la pertinence des projets déposés et de leur opportunité. Le développement que nous souhaitons est en effet quantitatif mais aussi qualitatif. Par exemple, à travers un enseignement des langues renforcé. Enfin, nous attendons des postes qu’ils jouent un rôle de régulation dans les villes où l’offre se développe : nos autorités politiques ont appelé de leurs vœux un développement harmonieux des établissements. Nos postes doivent s’assurer, par exemple, de la bonne concertation des différents acteurs pour éviter de fragiliser des établissements déjà en place.
De quelle façon pensez-vous que le réseau puisse se mettre au service de ce plan ?
L.A. : La force de la diplomatie française réside dans la densité de ses réseaux, qu’il s’agisse des ambassades et leurs services culturels, consulaires, des instituts français, des établissements scolaires, des Alliances françaises et des Instituts par exemple. Le rôle de l’AEFE sera également crucial dans le succès du plan, comme celui de la MLF (Mission laïque française, Ndlr).
Localement, c’est sous l’autorité de l’ambassadeur que l’ensemble de « l’équipe France » se mobilise au service des relations bilatérales et le développement de l’enseignement français est devenu une priorité clairement identifiée de chacun.
J’ai la conviction que chacun des maillons de ces réseaux renforce les autres : la présence culturelle et économique françaises dans une ville renforce la visibilité de notre pays et l’envie de scolariser ses enfants dans une « école française ». Réciproquement, une offre éducative française riche est en mesure d’alimenter les publics de nos centres et instituts. Les synergies sont donc multiples.