Pas de vitrine clinquante, pas de néons aguicheurs. Le quartier général de Promod à Varsovie, ce sont des bureaux dans un immeuble anonyme du centre-ville. À peine quelques affiches aux murs de l’open space nous rappellent-elles que nous sommes au siège de l’enseigne française de prêt-à-porter. D’ici, Charles-André Keene dirige et développe une vaste zone qui va de la République tchèque à la Slovaquie en passant par la Hongrie et la Russie. Promod y possède au total 80 magasins, dont la moitié en Pologne. La marque emploie 250 personnes dans le pays et y distribue la même collection que dans le reste de l’Europe, mis à part quelques produits adaptés aux hivers rigoureux ! Le Français est de retour à Varsovie depuis trois ans, après avoir ouvert en 1998 le premier hypermarché Carrefour de Pologne. « C’est un pays méconnaissable, constate-t-il, mais qui va dans le bon sens. Il y a vingt ans, on voyait son potentiel énorme, aujourd’hui on est complètement dedans, et on voit qu’il a de la marge pour rattraper les pays d’Europe de l’ouest qui, eux, sont plutôt sur le déclin. » Depuis quinze ans, la croissance ne se dément pas en Pologne. Résultat, Promod, comme les autres employeurs, peine à recruter et à fidéliser. « Les jeunes Polonais sont très doués en langues, détaille Charles-André Keene, ils les apprennent dès le plus jeune âge, ayant bien compris que le polonais n’était pas la plus utile pour faire carrière à l’étranger ! Ils ont envie de partir mais pas à n’importe quel prix. La période du plombier polonais émigré en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, c’est terminé. Maintenant, ce sont des cadres qui s’expatrient. » Présent dans une cinquantaine de pays avec un millier de magasins, Promod s’est installé en Pologne en 1999. La même année, la marque, fondée en 1975 par Francis-Charles Pollet, ouvrait son premier site de e-commerce, alors qu’Internet était encore balbutiant.
> S’adapter à la demande
Le mode de consommation a aussi changé en Pologne. Depuis mars 2018, le parti nationaliste PiS au pouvoir a décidé d’interdire progressivement dans tout le pays l’ouverture des magasins le dimanche, au nom du sacro-saint repos dominical. « On est passé d’une époque où les Polonais travaillaient sept jours sur sept pour espérer gagner plus à une période où les loisirs, le sport et la vie familiale ont acquis une grande importance, avance le Français. Les grandes zones commerciales en dehors des villes, où l’on partait pour la journée en famille faire ses courses, un passage au cinéma, voire chez Ikea, c’est un peu fini. » Comme en France, de petits supermarchés de proximité ont poussé comme des champignons dans les rues de Varsovie. À la place de la grande expédition du week-end, on vient y faire ses courses en cinq minutes tous les jours. Et Promod a dû s’adapter à la demande de ses salariés d’arriver au travail tôt le matin pour être libéré en milieu d’après-midi et profiter ainsi d’un maximum de temps libre. Parisien, formé en école de commerce, Charles-André Keene, 49 ans, a effectué toute sa carrière dans la distribution. D’abord chez Carrefour comme chef de rayon textile, déjà, à Fontainebleau pendant quatre ans. Puis viendra la première aventure polonaise pendant sept ans et son arrivée chez Promod, à Moscou d’abord pendant huit ans, puis le retour en Pologne aujourd’hui. Père de deux enfants, membre de la CCI franco-polonaise, le Français vit en famille à Varsovie : « C’est un pays où on se sent bien, une vie facile au quotidien et une ville à taille humaine, Le niveau d’insécurité est très bas. Et surtout, ce n’est plus du tout l’image qu’on avait de ces pays de l’Est où il n’y avait pas grand-chose à faire et qui étaient gris. Il y a beaucoup d’activités, on a la chance d’être en Europe et de pouvoir aller très vite dans tel ou tel pays. Il reste seulement le gris de l’hiver… »
Lui écrire : keene@promod.fr
Un article de Frédéric Lassaigne