La grande fierté de Frédéric Faroche, c’est le réseau de chaleur de Varsovie et ses 1 500 km de tuyaux d’eau chaude que les ingénieurs maison ont réussi à rendre intelligent. « On l’a équipé de capteurs dans tous les points de livraison et d’instruments de pilotage à distance, afin de perdre le moins d’énergie possible dans le pompage et le transport, détaille le directeur pays de Veolia en Pologne. On a réglé d’abord le problème des fuites puis on a géolocalisé et rationalisé l’emploi des brigades chargées des opérations de maintenance. » Résultat : 13 millions d’euros d’investissement et l’économie chaque année de la dépense énergétique d’une ville de 60 000 habitants ! Moins d’énergie, c’est moins de charbon consommé et moins de CO2 et autres particules rejetées dans l’atmosphère. C’est du jamais vu pour un réseau de cette taille, le plus important en Europe après Moscou. Le groupe a d’ailleurs été primé et récompensé pour ce projet. L’idée est de dupliquer cette réussite dans d’autres pays du monde. Veolia dessert au total trois millions de personnes en Pologne. « Nous devons être capables de capter des sources d’énergie jusqu’alors non utilisées comme celle produite par les data centers (centres de données informatiques, ndlr) ou la chaleur fatale de certains process industriels, prévoit Frédéric Faroche. Il faut aussi améliorer la performance des bâtiments, gros consommateurs d’énergie. » Ainsi, depuis 2016, la fonderie du site Volkswagen de Poznan alimente le réseau de la ville grâce à la chaleur dégagée par la production d’air comprimé. Veolia Pologne est un actif majeur du groupe pour son secteur énergie puisqu’elle représente 20% du total de l’activité dans le monde.
> Centre de formation
L’autre enjeu, pour le groupe français, c’est donc d’inciter le gouvernement à réduire son utilisation des énergies fossiles. « D’ici l’an prochain, le pays devrait être en capacité de produire 18% d’énergies renouvelables, grâce à l’éolien et à la biomasse essentiellement », assure M. Faroche. Mission délicate quand on sait que le secteur du charbon, notamment l’extraction, emploie aujourd’hui 100 000 personnes en Pologne. À plus long terme, sur le traitement des déchets, le défi sera de maximiser leur valorisation en privilégiant leur recyclage. Enfin, sur l’eau, il s’agira d’améliorer l’efficacité des installations en recherchant des synergies avec d’autres activités. Aujourd’hui, la Pologne est en situation de plein-emploi, avec une croissance solide qui ne se dément pas depuis dix ans. Avec ses 4 500 salariés à renouveler régulièrement et 1,33 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans les réseaux de chaleur de 45 villes, Veolia, comme les autres acteurs, peine à recruter. Surtout si les travailleurs arrivés d’Ukraine continuent de filer vers l’Allemagne où les conditions de vie et les salaires sont meilleurs. Présent depuis la grande vague de privatisations des années 90, le groupe français finance déjà deux classes à l’Université et ne compte pas s’arrêter là : « Nous avons prévu d’ouvrir cette année à Varsovie notre propre centre de formation aux métiers traditionnels de mécanicien et d’électricien, deux professions délaissées par les jeunes au profit de l’informatique par exemple, explique M. Faroche. Nous devons embaucher 200 à 250 personnes dans ces métiers-là chaque année, et être proactifs pour les trouver. » Veolia mise aussi sur la polyvalence, comme en France, alors qu’en Pologne les filières sont organisées « en silo », sans vraie flexibilité ni possibilité d’évolution d’un métier à l’autre.
Lui écrire : frederic.faroche@veolia.com
Un article de Frederic Lassaigne