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Pénélope Bacle
8 mars 2020

Isolement, dépendance financière… : ces femmes vulnérables à l’étranger

Pour la Journée internationale des droits des femmes, Français à l’étranger s'est entretenu avec les modératrices du groupe Facebook « Expats nanas séparées divorcées » au sujet des difficultés, souvent méconnues, rencontrées par certaines femmes accompagnant leur conjoint à l’étranger.

La coach Isabelle Tiné a créé en 2016 le groupe Facebook « Expats nanas séparées divorcées » qu’elle modère aujourd’hui au côté de deux autres femmes expatriées, la psychologue Magdalena Chaland et la coach Nadège Bourdin. Depuis sa création, « Expats nanas séparées divorcées » ne cesse de s’agrandir et accueille désormais quelques 650 femmes reparties à travers le monde qui témoignent à huis clos de leur grande détresse et de leur isolement en pleine séparation à l’étranger. “Le nombre 650 ne représente que la partie émergée de l’iceberg, car nous ne faisons rentrer que les femmes qui sont en instance de séparation” déclare Isabelle Tiné.

L’une de ces femmes en instance de séparation, qui a autorisé la diffusion de son témoignage, dépeint une sombre réalité : « L’expatriation est un monde sans pitié qui fait tourner les têtes, le retour d’expatriation dans son pays d’origine est un monde sans pitié où nos cas et nos situations ne sont pas compris ni pris en charge car inconnus. Il y a une véritable omerta sur les couples à l’expatriation et sur ce que vivent les femmes et les enfants lors d’une séparation en expatriation».

> Des femmes particulièrement vulnérables à l’étranger

Selon la psychologue Magdalena Chaland, fondatrice du cabinet de conseil Intelligence Nomade, même si la démographie est peu à peu en train d’évoluer, ce sont encore majoritairement des femmes qui accompagnent leur conjoint. « Certaines d’entre elles se retrouvent alors parfois dans une situation de triple dépendance : une dépendance professionnelle, parce qu’elles n’ont pas d’emploi sur place, de dépendance juridique, parce qu’elles dépendent du visa de leur conjoint et une dépendance familiale, parce qu’elles restent celles qui vont prendre en charge l’intégration familiale ». Elle ajoute, en cas de séparation, « trois problèmes majeurs surviennent alors : l’isolement social, un manque de soutien amical et familial, une situation d’inquiétude par rapport à l’avenir, en particulier financièrement, et très souvent une méconnaissance de ses droits. Cela crée un énorme déséquilibre dans le coupleLa femme qui se sépare à l’étranger est alors particulièrement vulnérable et ce déséquilibre va s’accentuer encore plus ».

Au sein du groupe Facebook, des schémas identiques se répètent. De nombreuses femmes racontent avoir peu à peu perdu tout contrôle sur leur vie, en particulier du point de vue financier. L’une d’entre elles se souvient ainsi au sujet de son époux, dénommé « P »: « P avait fixé un budget pour tout et pour rien. Nous n’avions pas d’autre choix que de nous soumettre. J’avais à peine quelques dollars pour faire ma semaine et prendre le métro pour mes déplacements. Je ne travaillais pas mais je gérais toutes les courses de la maison, je faisais partie des parents d’élèves. (…) Lorsque je posais des questions sur les primes du package d’expats, je n’avais que des réponses évasives. Je n’étais au courant de rien. P avait pris un total contrôle financier. (…) Si j’étais invitée à déjeuner au restaurant, je devais demander une rallonge et c’était très humiliant. De même pour un coiffeur, un vêtement ou des frais de santé ».

Isabelle Tiné note, pour sa part, le manque d’accompagnement pour ces femmes à l’étranger : « Ces femmes sont souvent dans l’incapacité financière de se payer un avocat, les Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) ne sont pas joignables à l’étranger. Il y a par ailleurs très peu d’associations d’aide aux femmes expatriées et les entreprises n’ont pas de politiques face aux séparations. Quant aux consulats, les assistantes sociales n’existent pas».

> Des violences psychologiques

Dans le groupe « Expats nanas séparées divorcées », les problèmes de violence physique restent encore assez rares, mais ses modératrices rencontrent cependant fréquemment des femmes expatriées qui ont dû faire face à des violences psychologiques. « Cela se traduit par beaucoup de dénigrement, en tenant la femme responsable de l’échec du couple parce que, selon son conjoint, elle n’est plus aussi intéressante, parce qu’elle est soit-disant dépressive à la maison, ou bien parce qu’elle ne se met plus suffisamment en valeur, ce qui crée beaucoup de perte d’estime de soi. Il peut y avoir aussi une sorte de manipulation qui peut s’installer », raconte Magdalena Chaland.

> Séparation : pression autour des enfants

En cas de séparation, la garde des enfants est souvent l’un des principaux enjeux. Au delà des difficultés rencontrées par les couples pour choisir le mode de garde et le lieu de résidence des enfants, certains parents, notamment dans le cas de couples binationaux, se heurtent également au droit de la famille du pays de résidence. « Certains pays sont très intrusif dans le droit des enfants, comme en Allemagne où les juges vont souvent donner le droit de garde aux parents allemands» explique Magdalena Chaland. « Il est très important de prendre connaissance des droits qui vont s’appliquer dans le lieu où le divorce est prononcé ». 

> Départ à l’étranger, séparation : quelques conseils

Pour les modératrices du groupe Facebook « Expats nanas séparées divorcées », certains éléments sont très importants à garder en tête avant de partir à l’étranger, puis en cas de séparation :

  • Maintenir au maximum des possibilités d’autonomie. Cela passe par une indépendance financière et juridique : avoir un compte bancaire et des cartes de crédit à son nom, un visa et un permis de travail.
  • En cas de séparation, consulter un avocat immédiatement pour connaitre ses possibilités de défense, le premier rendez-vous est parfois gratuit. Choisir de préférence un avocat qui connaisse à la fois le droit de la famille du pays de résidence et le droit français, car souvent c’est le droit local qui est prioritaire.
  • Avoir un soutien psychologique, car la séparation peut être très dure à vivre psychologiquement.
  • En cas de violences conjugales, un numéro d’aide aux victimes est joignable au +33 (0)1 80 52 33 76 (n° non surtaxé) en dehors de la France métropolitaine. France Victimes met également à disposition des victimes une adresse mail : victimes@france-victimes.fr.
  • Les femmes expatriées divorcées ou séparées disposent elles aussi d’un groupe Facebook « divorced and separated expat mums », créé par Nadège Bourdin.

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