Je suis confinée depuis trois semaines à Messine, au coeur de la Sicile, avec mon mari et mes enfants. Ici, les règles ont toujours été plus strictes que dans le reste du pays. Au début, on se moquait du maire, Cateno De Luca, mais plus maintenant…
La mairie a d’abord décidé, dès fin février, la fermeture préventive des écoles. Déjà à cette époque, les familles avec enfants avaient commencé à ne plus sortir. Impossible désormais à Messine d’oublier l’épidémie du coronavirus qui ébranle le pays. Les rappels du virus sont quotidiens, du matin au soir. Comme partout en Italie, à 18h, toute la ville joue, chante et écoute la même chanson, à la même heure. Le pays reste festif, en dépit de tout… Une fois par semaine, à la tombée de la nuit, c’est le mégaphone qui rappelle la crise sanitaire, en demandant aux habitants de rentrer leur linge pour désinfecter les chaussées.
> Le Sud de l’Italie fragile
Le maire de Messine, est, comme d’autres maires du Sud de l’Italie, très inquiet de la situation sur son île. Ici, les personnes âgées, à haut risques, sont rarement isolées et vivent avec leur famille et surtout les hôpitaux manquent terriblement de moyens. Seule une centaine de lits de réanimation sont disponibles dans toute la Sicile. Personne au Sud n’ose imaginer les conséquences d’une déferlante du virus dans la région : jusqu’à présent, lorsqu’il y avait un soucis médical, les Siciliens se faisaient soigner au nord du pays…
Face à cette situation, le maire de Messine est très remonté contre certains de ses habitants qui continuent de se promener. Une ordonnance nationale du 9 mars interdit les sorties sportives mais de “nouveaux joggers” semblent continuer à courir dans les rues. Comme il ne peut interdir à ses habitants de sortir, Cateno De Luca a récemment publié une vidéo en s’insurgeant « Je ne peux pas vous interdire de sortir de la maison ? Dans ce cas, je vous interdirai de fouler le sol public ».
> Des règles strictes de confinement
Depuis, la région a suivi ses recommandations et a décidé d’imposer de nouvelles règles aux habitants. Seule une personne désignée est désormais autorisée à sortir de la maison, seulement pour assurer le ravitaillement. Chez nous, c’est mon mari qui sort. Il sait mieux se garer et éventuellement répondre aux gens énervés sur la route ou sur le parking du supermarché. Les files au supermarché sont énormes. En cas de mauvais temps, les gens attendent dans leur voiture, sans trop se soucier de savoir s’ils bloquent des gens. Il faut se garer dans des tous petits endroits. Pour sortir, mon mari doit obligatoirement être muni d’un certificat mentionnant son code fiscal. S’il souhaite se rendre en pharmacie, il doit en outre porter sur lui une ordonnance.
La ville de Messine diffuse auprès des habitants des consignes d’hygiène avec un protocole très stricte à respecter dès son retour chez soi :
Ce protocole inclus :
1) Ne toucher à rien en rentrant à la maison
2) Retirer ses chaussures
3) Désinfecter les pattes de son animal domestique s’il est sorti
4) Enlever ses vêtements ayant été en contact avec l’extérieur, les mettre de côté dans un sac pour les laver à 60* minimum
5) Mettre de côté portefeuille, clefs etc. dans une boite à l’entrée
6) Prendre un douche ou à minima se laver les mains et les parties du corps exposées
7) Laver lunettes et téléphones portable avec du savon ou de l’alcool
8) Nettoyer les surfaces des objets emportés dehors avec de l’eau de javel avant de les ranger
9) Enlever soigneusement ses gants, les jeter et se laver les mains
10) Se rappeler qu’il n’est pas possible d’effectuer une désinfection totalement optimale, l’objectif restant de réduire le risque.
Mon opinion oscille franchement face à toutes ces règles strictes. Certains gestes me semblent absurdes surtout qu’à l’heure actuelle (le 25 mars), il n’y a que 846 cas dans toutes la Sicile, ce qui est très peu par rapport au Nord. Et en même temps… Pour avoir accouché deux fois à l’hôpital public de Messine, je sais que les structures hospitalières ici ne sont pas prêtes à accueillir une explosion de la pandémie. Le personnel est parfaitement formé et sur-compétent mais clairement pas suffisamment nombreux. Les hôpitaux manquent cruellement de moyens, les locaux sont vétustes et les protocoles sont rarement respectés par le public.
Je me rassure en me disant qu’en mettant en place toutes ces mesures folles et le confinement national, on a réussi à bloquer la descente du virus et la tragédie n’arrivera pas au Sud. Ici, la propagation est très faible.