« Le ministère des affaires étrangères a déployé tous ses efforts au Cambodge, aux Philippines, en Malaisie, où les situations étaient effectivement compliquées, mais la Thaïlande a été oubliée » déclare Anne Genetet, députée LREM de la 11ème circonscription des Français établis hors de France (Asie, d’Océanie et Europe Orientale). « Je suis en profond désaccord avec l’estimation du ministère sur le nombre de Français qui restent bloqués sur place. Le ministère avance des chiffres de l’ordre de 2000 Français, c’est absolument faux. Il y a en Thaïlande plus de 5000 Français, peut-être même encore plus », ajoute-t-elle.
En Thaïlande, les compagnie aériennes ont cessé leurs vols vers la France. Seul Air France continue d’opérer un vol par jour de 330 places. « Avec 5000 Français sur place, il va nous falloir combien de temps pour les ramener ? » s’interroge Anne Genetet. « On a un poste diplomatique qui fait un travail admirable, qui a négocié avec des chaines hôtelières françaises des hébergements à prix records. Il faut mettre nos Français à l’abris. Certains sont menacés physiquement pour leur sécurité par des Thaïlandais qui leur reprochent d’être Français, d’apporter le malheur. C’est dramatique, il faut agir très très vite » s’inquiète-t-elle.
> Combien de Français bloqués ?
Les estimations du Quai d’Orsay concernant les Français bloqués à l’étranger posent aujourd’hui question dans les rangs des élus des Français de l’étranger. D’abord pour des raisons techniques, liées à l’outil Ariane « Tout le monde ne s’enregistre pas sur Ariane. D’autre part, cette base de données est tout à fait statique. Si les gens réussissent à partir et à prendre un avion, ils ne se signalent pas pour modifier leur situation. Par exemple en Thaïlande, on a relancé un appel à inscription, parce qu’on ne savait pas qui était parti. Les chiffres ne cessent de varier, c’est très compliqué d’avoir des chiffres exactes ». Ainsi, seuls les chiffres des Français rentrés par des vols affrétés par la France, comme aux Philippines ou au Cambodge, sont connus, et non les vols commerciaux. « Il faut beaucoup mieux tracer et avoir des fichiers qui sont mutualisés. Le fichier Ariane n’est actuellement pas accessible par nos postes consulaires » déclare Anne Genetet qui ajoute : « Quand le ministère dit que nous avons déjà ramené plus de 100 000 Français, j’ai des gros doutes, mais je le souhaite vraiment et je salue leurs efforts pour y parvenir. Il s’avance énormément. Il dit que dans 4-5 jours ce sera terminé, j’attends de voir, je ne suis pas convaincue »
Ces inquiétudes concernant les problèmes autour des données fournies par le ministère des affaires étrangères sont partagées par plusieurs élus. Le sénateur centriste Olivier Cadic avait pour sa part formulé une question à ce sujet, dès la première conférence le 19 mars du secrétaire d’Etat chargé des Français de l’étranger, Jean-Baptiste Lemoyne, avec les parlementaires : « J’ai demandé à ce que les conseillers consulaires puissent avoir, chaque jour, une vision claire du nombre de personnes à faire rentrer dans leur pays afin de suivre les progrès. Il faudrait leur permettre également de disposer des plans de vols prévus par les compagnies aériennes pour qu’ils puissent renseigner au mieux les compatriotes qui les sollicitent ». Cette demande est cependant restée à ce jour sans réponse.
Le sénateur Ronan Le Gleut réclame lui aussi des données plus précises « Je souhaite avoir un tableau plus précis, par pays, pour savoir où nous en sommes du rapatriement des Français. Les parlementaires sont très sollicités de manière individuelle. Il est important que le gouvernement travaille avec nous en toute transparence ». Le sénateur républicain regrette en outre qu’il n’y ait pas d’accusé de réception sur Ariane : « Les Français bloqués ont vraiment besoin de savoir s’ils sont bien comptabilisés mais il n’y a aucune confirmation lors de leur inscription»
La vice-présidente socialiste du Sénat et ex-ministre chargée des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret, déclare pour sa part : «Heureusement que les Français ne dépendent pas tous du ministère pour rentrer et que la majorité s’est débrouillée. Le chiffre des personnes rentrées est donc bien erroné. Ils sont beaucoup plus nombreux. Pour Ariane, avec Didier Lebret alors directeur du centre de crise, nous avions beaucoup travaillé à améliorer l’outil. Nous avons bataillé pour le faire connaître mais hors période de crise son utilité n’était pas évidente ni pour les médias ni pour les Français, suspicieux d’un « contrôle » à distance. C’est le bon moment pour en évaluer ses limites et l’améliorer. Cette crise l’a mis au test »