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Stéphane Rambosson : « Le Brexit a eu un effet négatif sur le marché du capital humain »

Chaque semaine, le site Français à l’étranger, en partenariat avec le Cercle d’outre-Manche, discute du Brexit avec un dirigeant français actif au Royaume-Uni. Pour Stéphane Rambosson, fondateur du cabinet de conseil Vici Advisory, le Brexit crée à la fois du chaos et des opportunités en Europe continentale.

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Pouvez-vous vous présenter ?

Stéphane Rambosson : Français né en Belgique, ayant vécu au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Allemagne, je suis Londonien depuis 1980. J’ai donc été marqué par la renaissance du Royaume-Uni grâce à la première ministre d’alors Margaret Thatcher. A Londres j’ai été formé au Lycée Charles de Gaulle, où je siège désormais au Conseil d’Etablissement et où je vice-préside les Alumni. J’ai ensuite découvert mon pays, la France, grâce à Sciences Po et à l’ESCP. 

Ma première carrière a été en banque d’affaires chez Schroders puis Citigroup en fusions-acquisitions, en couverture du secteur industriel et en marché de capitaux actions primaires où j’ai mené de nombreuses transactions, relations-clients et j’ai géré des équipes pan-européennes jusqu’en 2008. La crise financière a été la genèse de ma deuxième carrière : d’entrepreneur et de conseil en capital humain. Ayant repris un cabinet de conseil et de recrutement, je l’ai vendu avec mes actionnaires à un groupe américain il y a 5 ans. Il y a trois ans, j’ai fondé mon entreprise actuelle, Vici Advisory, un cabinet de conseil pour entreprises, sociétés d’investissement et institutions financières en matière de capital humain : évaluation et recherche de dirigeants, plans de contingence et de succession pour directions générales, intelligence managériale. Nos équipes travaillent dans toute l’Europe pour des clients de toute taille, grands groupes du CAC40, FTSE100 ou S&P500 jusqu’à des PMEs à haute valeur ajoutée. 

Parallèlement, j’ai mené une « troisième carrière » au service de la France et des Français, en tant que vice-président du conseil consulaire de Londres, conseiller à l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE), conseiller du commerce extérieur, advisory councillor de la Chambre de Commerce et membre du Cercle d’Outre-Manche, co-fondateur-trustee d’une charité dans l’éducation universitaire et également membre actif à l’Institut Montaigne. 

Je coach, par ailleurs, une équipe de jeunes joueurs de rugby au Wasps. Enfin, en tant que mari depuis près de 27 ans, et papa de trois enfants, je sers avec amour ma famille. Servir est ma vocation et ma passion.  

Quel impact a eu, jusqu’à présent, l’annonce du Brexit sur votre entreprise et votre secteur?

S.R: Le Brexit a d’abord eu un effet dévastateur sur le moral et la psychologie de nos équipes, très attachées à l’Europe et à l’idée européenne. L’annonce du Brexit a, d’autre part, eu un effet extrêmement négatif sur le marché du capital humain au Royaume-Uni, qui est de loin le plus important en Europe, représentant près de £1,5 milliard mais qui a eu, depuis, une croissance bien plus faible que celle des autres marchés européens.

Ainsi, alors que Londres était globalement une localisation de choix pour tous cadres seniors, la ville est maintenant devenue beaucoup moins attractive : certaines populations, notamment les Allemands, l’ont délaissé, renonçant à saisir les opportunités au Royaume-Uni. Ces mouvements ont été amplifiés par un exode de cadres dirigeants européens sur le continent, lié à la fois à l’incertitude au Royaume-Uni et aux incitations fiscales mises en place par plusieurs pays européens, notamment l’Italie, la France, l’Espagne et le Portugal. Dans ce contexte de ‘rapatriement’ d’activités règlementées dans l’UE, les régulateurs européens et en particulier français – l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) – ont été d’un professionnalisme exemplaire, voire commercial, pour attirer notamment les institutions de la City à Paris. 

Au sein de Vici Advisory, nous sommes particulièrement impactés : une partie importante de notre activité est liée à la City puisque nous servons un certain nombre de ses institutions. Nombre d’entre elles ont été contraintes d’annoncer un transfert de certaines de leurs activités et de leurs équipes sur le continent, dans l’UE, entre Francfort et Paris, mais aussi à Dublin, à Luxembourg, voire en Pologne ou au Portugal. Nous assistons ainsi à une anglicisation ou à une dé-européanisation du marché britannique, même si les ressortissants de pays du Commonwealth apparaissent comme des relais possible pour éviter une totale dé-globalisation. 

Face à ce chaos lié au Brexit, et au nombre de demandes croissantes, nous avons été, pour notre part, très actifs sur l’Europe continentale. En revanche, certains de nos concurrents spécialisés purement sur le marché britannique ont connu un recul de leur activité. Cette situation, que nous déplorons, a eu un impact positif pour les conseils et intermédiaires capable de travailler à travers l’Europe.  

Quelles mesures avez-vous pris suite à l’annonce de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne? 

S.R: Les grands groupes ont pris des dispositions de grande ampleur et ont investi énormément dans le Brexit, ce qui a représenté des coûts importants. Nous avons pris conseil et avons à ce stade pris peu de mesures effectives, dans la mesure où notre industrie est dérèglementée et à ce stade nos services peuvent toujours être vendus sans contraintes particulières en dehors du Royaume-Uni. 

Cela pourrait en théorie changer dans le cas d’un-non accord. Nous pourrions ainsi être amenés à créer plus de structures dans l’Union Européenne pour résoudre cette équation.

A titre personnel, les fondateurs et l’équipe dirigeante de notre société ont pris un passeport britannique afin de préserver leurs droits et d’avoir le droit de vote de surcroit.

Quelles sont vos craintes liées au Brexit ? 

S.R: A court terme, notre crainte est bien évidemment qu’il n’y ait pas d’accord entre le Royaume-Uni et l’UE et que cela soit potentiellement accéléré par la crise du Covid-19. En effet, la montre tourne, la fin de l’année approche rapidement sans avancement dans les discussions qui ont été arrêtées compte tenu du focus actuel des autorités respectives sur la crise sanitaire. Par ailleurs, les parties ont jusqu’à fin juillet pour se mettre d’accord sur une extension de la période de transition et le gouvernement britannique va sans doute utiliser cela dans sa tactique de négociation. 

A plus long terme, je crains une nationalisation de Londres et du Royaume-Uni et une certaine réduction de son ouverture internationale mise à part, dans une certaine mesure, envers les pays du Commonwealth. Alors que Londres était la métropole mondiale par excellence, attirant le monde entier, j’espère qu’elle ne deviendra pas comme il y a quelques siècles simplement la capitale de l’Angleterre. Dans ce cas, notre société deviendrait davantage une fédération de bureaux locaux qu’un groupe homogène servant une base de clientèle internationale. J’espère vivement que cette crainte est un “worse case scenario” et que le pragmatisme retrouvé des britanniques en évitera toute concrétisation.

Comment percevez-vous la stratégie actuelle de Boris Johnson ?

S.R: Le Premier Ministre est un homme redoutablement intelligent comme beaucoup de leaders et a eu une tactique politique efficace : se faire nommer Premier Ministre et remporter les élections pour perdurer. Son plan a très bien marché et il est bien en place, ayant une légitimité indubitable. Il a joué sur la certitude (qui pourtant n’en était pas une) de mettre en œuvre le Brexit suite à une période de très forte incertitude sur le calendrier et la voie à suivre. C’est plus un homme de tactique que de stratégie, comme il l’a montré également dans la gestion de la crise du Covid-19. Si ma confiance en Boris Johnson est limitée, je reste confiant qu’in fine le peuple britannique et ses dirigeants retrouverontleur pragmatisme car c’est un grand peuple, y compris au plan économique et financier.

Avez-vous d’autres observations au sujet du Brexit que vous souhaitez partager? 

S.R: Le Brexit est une fabrication du seul parti au pouvoir actuellement en place au Royaume-Uni. Cette erreur historique ne répond pas à un souhait fondamental des Britanniques de sortir de l’Europe, même si ceux-ci n’ont jamais créé de lien émotionnel avec l’Europe, mais à la démonstration de peurs et d’inégalités à la fois géographiques et sociales qui divisent le pays. Le Brexit est devenu pour certains une quasi-religion et pour d’autres un mal certain. La force du sentiment démocratique au Royaume-Uni justifie sa mise en œuvre. Il faut maintenant espérer que le pragmatisme britannique fera son retour pour que la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne soit la meilleure et la plus équilibrée possible… Si ce n’est pas le cas, un scénario de démantèlement du Royaume-Uni est possible, commençant sans doute par l’Irlande dont la réunification n’est certainement plus un tabou. Honni soit qui mal y pense ?

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