Le Ministère français des affaires étrangères a subitement décidé de changer de cap concernant l’affectation du fonds de Soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (Stafe). Laurence Haguenauer, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) a confirmé cette information ce matin : « Dans la situation actuelle de crise engendrée par l’épidémie de Covid19, le Ministère a souhaité apporter un soutien supplémentaire aux Français de l’étranger en réorientant les crédits du STAFE vers les besoins directs des Français et des associations, OLES et CMS, touchés par des effets de la situation actuelle ». Laurence Haguenauer assure cependant que le « Stafe n’a en aucun cas été supprimé : le dispositif Stafe, partie intégrante de l’action sociale du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères au sens large, est destiné à des associations oeuvrant pour les Français de l’étranger ».
> Des associations qui vont se retrouver sans subvention cette année?
Seulement cette réaffectation pourrait bien mettre fin aux espoirs d’un certain nombre d’associations, autres que les organismes locaux d’entraide et de solidarité (Oles) et les centre médicaux-sociaux (CMS), qui pensaient déposer dans les prochaines semaines leurs demandes de subvention.
Le dispositif Stafe vise en effet à soutenir les « projets associatifs dont l’objet est de nature éducative, caritative, culturelle ou d’insertion socio-économique et contribue au rayonnement de la France et au soutien des Français à l’étranger et des publics francophones ». Doté cette année d’un budget d’1,92 millions d’euros – un budget qui ne cesse de diminuer -, le Stafe finance un certain nombre de projets des Alliances Françaises, des Instituts Français, des Flam, des associations de parents d’élève, de petites associations de diverses natures… Des associations qui pourraient ne pas recevoir de subventions cette année.
> Le calendrier pour 2021 avancé
Dans sa déclaration, Laurence Haguenauer s’est cependant voulu rassurante « le calendrier de la campagne du Stafe a été avancé pour 2021, avec un dépôt des dossiers dès juillet, un examen des projets dans nos postes diplomatiques et consulaires à l’automne, et une commission Stafe en début de printemps 2021. Ceci, répondant à des attentes exprimées pour que les projets puissent bénéficier des fonds dès leur mise en place. Ce nouveau calendrier permettra également cette année que les associations aient plus de temps pour constituer des dossiers et présenter des projets répondant aux critères du Stafe. Ce basculement des crédits du Stafe et ce report du calendrier seront donc bénéfiques aux Français de l’étranger, tant dans cette situation de crise, que sur la durée», déclare-t-elle.
> Perte de pouvoir décisionnel des élus locaux
Plusieurs sénateurs représentant les Français établis hors de France ont manifesté leur mécontentement face à cette réorientation des crédits du Stafe. Ils critiquent en particulier les méthodes du Quai d’Orsay qui n’aurait pas consulté au préalable les conseillers des Français de l’étranger.
Ainsi, d’après le sénateur républicain Christophe-André Frassa : « Personne n’avait été averti. Pas même le président de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Ce que je trouve le plus condamnable, c’est avant tout la méthode, puisqu’il n’y en a pas ». Olivier Cadic confirme lui aussi que l’AFE n’a pas été informée : « La décision d’annulation prise sans consultation préalable des élus consulaires et de l’AFE apparaît comme un abus de pouvoir. Des membres de la commission nationale Stafe se sont plaints à moi que l’administration puisse déclarer qu’ils ont été informés de cette décision, ce qui est faux et leur porte un préjudice ».
Les sénateurs socialistes s’inquiètent pour leur part de la perte de pouvoir décisionnel des conseillers des Français de l’étranger. Pour le sénateur Jean-Yves Leconte, cette décision montre que le gouvernement est convaincu « de savoir mieux que les Conseils consulaires ce dont les Français ont besoin dans cette période difficile. Rappelons en effet que les subventions aux OLES sont décidées par la DFAE sans passer par le filtre et le contrôle des Conseils consulaires ».
La vice-présidente socialiste du Sénat, Hélène Conway-Mouret, confirme : « si l’argent est donné directement, tous ceux qui décident normalement de l’attribution des crédits du Stafe ne sont plus consultés ». Elle ajoute par ailleurs que « les OLES et les CMS n’existent pas dans tous les pays, ce qui veut dire que les pays où ils n’existent pas vont être privés d’aide ».
> Les Français de l’étranger oubliés ?
Pour plusieurs élus, cette nouvelle décision montre le peu d’aide accordé aux Français de l’étranger. « On a voté des milliards d’euros pour aider les Français de métropole et d’Outre-Mer et là, on n’est pas capable de faire mieux que des transferts de crédits au détriment des associations françaises à l’étranger » déclare ainsi Christophe-André Frassa. Même son de cloche pour le sénateur républicain Ronan Le Gleut qui s’insurge : “cette décision unilatérale, sans aucune concertation ni transparence, va à l’encontre de l’intérêt des Français de l’étranger qui sont les grands oubliés des politiques de solidarité face au Coronavirus ». La sénatrice républicaine Jacky Deromedi publie quant à elle sur son compte Facebook : « STOP à la discrimination des Français de l’étranger ! On aide massivement les Français de métropole et d’outre-mer mais on décide, sans aucune concertation, de remettre à l’année prochaine des subventions essentielles à la vie de nos associations ».