La pandémie n’a épargné personne et de nombreuses informations remontent du terrain pour faire part des inquiétudes des parents ayant choisi de scolariser leurs enfants dans des établissements d’enseignement français à l’étranger : ils sont nombreux à ne pas savoir s’ils auront les moyens de poursuivre le paiement des frais de scolarité de leurs enfants, y compris pour ce troisième trimestre !
François Normant, qui préside la FAPEE (Fédération des associations de parents d’élèves des établissements d’enseignement français à l’étranger), présente dans quelque 180 établissements à travers le monde, a interpellé à plusieurs reprises les pouvoirs publics pour qu’un plan d’urgence soit adopté afin d’aider les établissements et les familles du réseau de l’enseignement français à l’étranger. Sa Fédération a obtenu gain de cause… mais pour autant, elle ne signe pas de blanc-seing au ministère des Affaires étrangères ou à l’AEFE.
> Une aide sans plan…
Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a annoncé que 100 millions d’euros seraient consacrés à une aide d’urgence à l’AEFE. Sans pour autant adosser cette somme à un plan détaillé… « Une enveloppe a été mise sur la table avant de dévoiler le plan qui permettrait d’utiliser cet argent, explique François Normant. Du coup, on ne sait pas comment ce montant a été choisi, même si le directeur de l’AEFE, Olivier Brochet, explique qu’il correspond à des évaluations faites par les établissements. De ce que nous en comprenons, cet argent servira en priorité à aider les familles étrangères pour surmonter leurs difficultés financières dès le 3e trimestre, sachant que dans le même temps 50 millions ont été débloqués pour abonder le fonds des bourses pour les élèves français. Mais nous attendons le retour de l’AEFE pour savoir comment cette aide sera réellement utilisée. Ce qui est certain, c’est qu’elle est indispensable. Certains établissements seront frappés de plein fouet, en particulier dans plusieurs pays comme le Liban ou l’Espagne. Et il leur sera difficile d’équilibrer leurs comptes. Un gros établissements qui perd 20% de ses effectifs peut supprimer une classe par niveau quand il en a plusieurs mais ce n’est pas le cas d’un petit établissement qui n’en n’a qu’une ! Nous serons aussi attentifs aux critères qui seront définis pour choisir les établissements à aider. Nous attendons aussi de voir si des conditions seront posées pour qu’ils reçoivent ces aides, s’ils seront dans l’obligation de se restructurer par exemple si ils sont devenus déficitaires… Car nous ne voulons évidemment pas qu’il soit fait un mauvais usage de l’argent public. »
> Une aide qui serait un prêt…
« Nous avons été circonspect dès que nous avons entendu que ces 100 millions étaient une avance faite par France Trésor, poursuit François Normant. Elle doit normalement se rembourser dans l’année. Je pose la question : qui va rembourser ? Et bien ce serait les parents ! Avec des tarifs qui augmenteraient… Notre Fédération souhaite, comme cela a été dit d’ailleurs par Olivier Brochet, que la loi de finance rectificative du mois de juin transforme ce prêt en abondement au budget de l’AEFE. Mais bien sûr, pour ce faire, il faut que les règles soient connues et que nous ayons le détail du plan de dépenses de ces 100 millions. En outre, il faut réfléchir aux destinataires de ces aides dans le réseau. Il existe en effet, certains partenaires, comme la Mission laïque, qui ne peuvent recevoir de subvention de l’AEFE. Pourtant, les familles qui ont scolarisé leurs enfants à la MLF doivent avoir elles aussi le droit d’être aidées ! »
> Faudrait-il réformer l’AEFE ?
Derrière ces questions relatives au détail du plan qui doit accompagner les dépenses de ces 100 millions d’aide, se profile également la question de la réforme de l’AEFE. Structurellement déficitaire, la FAPEE s’interroge désormais sur la capacité de l’Agence à déployer des moyens supplémentaires de la manière qui soit la plus efficace possible. « Nous pensons depuis longtemps que l’AEFE devrait être réformée, sur le plan de la gouvernance, du statut des enseignants ou des établissements, conclut François Normant… Par exemple, les EGD (établissements en gestion directe) n’ont que peu d’autonomie de gestion, il faut qu’ils deviennent plus autonomes, leur statut de service déconcentré de l’AEFE est beaucoup trop rigide. Il faut une réforme de la gouvernance et du rôle des parents, un véritable partenariat est souhaitable. Aujourd’hui, nous attendons les mesures concrètes qui doivent accompagner la crise liée au Covid-19, et nous réagirons aux modalités de mise en place et à la façon dont nous y serons associés. »