Dans son plan de soutien aux Français de l’étranger présenté le 30 avril dernier, le gouvernement a annoncé qu’une enveloppe de 50 millions d’euros supplémentaires serait accordée aux Français de l’étranger les plus vulnérables. Depuis, à Hong Kong, à Buenos Aires ou à San Francisco… les consulats ont annoncé la mise en place d’une aide ponctuelle au profit des ménages les plus en difficulté, appliquant une circulaire qui aurait été diffusée par le Quai d’Orsay. Et ce, alors qu’aucun dispositif global n’a encore été communiqué publiquement par le ministère français des affaires étrangères.
> Une aide ponctuelle de quel montant ?
Pour mettre en place cette aide exceptionnelle, les consulats auraient, selon nos informations, pris exemple sur l’aide exceptionnelle unique de 150 euros versée mi-mai en France aux familles les plus modestes par la Caisse d’allocations familiales (Caf). Comme pour les bourses scolaires, un taux par pays serait ensuite appliqué pour pondérer les montants accordés aux familles de Français de l’étranger. Le site françaisaletranger.fr a obtenu un tableau (voir ici) des montants par pays, vérifié par ses propres sources.
Face à ces montants, certains s’interrogent déjà, selon nos informations, sur la manière d’établir les taux. Par exemple, des personnes en difficulté en Islande, en Hongrie ou au Congo-Brazzaville toucheront des sommes similaires, autour de 175 euros par ménage et 115 euros par enfant à charge, alors que les réalités, dans ces pays, sont très différentes.
> Quels critères pour obtenir cette aide ?
Selon nos informations, le premier critère pour bénéficier de cette aide est d’être inscrit au registre consulaire. L’inscription au registre est en effet précieuse pour le ministère des affaires étrangères, celle-ci lui permettant de mesurer les problématiques rencontrées par les Français de l’étranger.
Les personnes souhaitant bénéficier de ces sommes devront en outre justifier de leur perte ou diminution de revenus du fait de la crise. Pour être éligibles, elles ne doivent pas, par ailleurs, disposer de leurs moyens propres pour traverser cette crise, ni de possibilité d’aide familiale, amicale ou associative. Enfin, ces demandeurs ne doivent pas être éligibles aux dispositifs d’aides mis en place par les autorités locales.
> Une aide qui n’est pas systématique ?
Pour le moment, il ne semble pas que le service social des consulats soit prêt à distribuer cette aide de manière systématique. Ainsi, d’après le consulat de Bangkok, cette aide « n’est pas accordée automatiquement mais après examen de votre situation par le service social de l’ambassade ».
Interrogée, la conseillère socialiste des Français de l’étranger, Yvonne Trah-Bi, présidente de l’Association Française de Bienfaisance en Côte d’Ivoire, déclare elle aussi : « Je ne sais pas si ça va être fait systématiquement ». Elle ajoute « Ici, on ne va pas manquer de demandes. Nous avons non seulement les demandes de ceux qu’on connait, dont les situations ne s’arrangent pas, mais aussi les nouvelles demandes…»
> Quelle aide à Londres, Bruxelles, Milan, Rio, Vancouver ou Alger ?
A l’instar de la conseillère en Côte d’Ivoire, Français à l’étranger a interrogé une série de conseillers à travers le monde pour savoir comment ce dispositif était actuellement mis en place dans leur circonscription.
En Europe, très peu d’informations ne semble encore avoir été communiquées aux élus. Ainsi, à Londres, Stéphane Rambosson, vice-président Les Républicains du conseil des Français de l’étranger, n’a été informé, pour le moment, que des montants qui devraient être alloués dans sa circonscription. Le dispositif le laisse cependant dubitatif : « Cela me semble être des aides d’un très petit montant face aux situations de très grandes difficultés. D’autant plus qu’il faut remplir de nombreux critères pour bénéficier de ces aides »
A Bruxelles, d’après la conseillère socialiste Cecilia Gondard, aucun dispositif d’aide directe aux familles n’a encore été communiqué : « Ici tout passe par les organismes locaux d’entraide et de solidarité (Oles), qui peuvent désormais solliciter une subvention exceptionnelle ».
A Milan, le conseiller Les Républicains Alexandre Bezardin émet lui aussi des doutes quant aux sommes prévues : « Autant dire que ces aides n’apporteront pas de grands changements dans l’aide aux plus démunis. De plus, ces aides seront principalement utilisées dans les zones qui nécessitent une aide plus importante ». A sa connaissance, les conseillers ne pas associés spécifiquement aux demandes « Je suppose que ce sont les postes consulaires qui, en fonction des demandes reçues, repartiront ces aides » déclare-t-il.
Hors Europe, certains conseillers semblent pour leur part avoir reçu davantage de précisions sur le dispositif. A l’exemple de Florence Poznanski, conseillère France Insoumise à Rio de Janeiro, qui a pu faire un point à ce sujet avec le consul. Cependant selon elle, des questions demeurent : «Une interrogation porte sur la mensualité. L’aide est pour l’instant considérée comme ponctuelle mais elle ne permet même pas ici de payer une moitié de loyer pour une famille à Rio. Donc les consulats doivent se montrer enclins à recevoir de nouvelles demandes d’un mois sur l’autre. A Rio cela semble être le cas mais cela devrait l’être partout». L’élue s’inquiète en outre du fait que les bénéficiaires ne puissent pas être éligibles s’ils ont accès à d’autres aides locales : «Au Brésil nous avons une aide exceptionnelle d’environ 100€ par mois qui est donnée à certaines personnes en extrême précarité. Elle n’est évidemment pas suffisante et ne peut être rédhibitoire à l’étude d’une aide de la France, mais au contraire un signal d’alerte que la situation va très mal».
Pierre Touzel, conseiller Modem à Vancouver, a lui aussi été informé de cette aide, sans pour autant être particulièrement associé au dispositif. Selon lui, compte tenu des nombreuses aides déjà accordées au Canada face à la crise “ces aides devraient surtout bénéficier aux personnes en visa temporaire, notamment les Permis-Vacances-Travail”.
Quant à la conseillère indépendante d’Alger, Radya Rahal, elle nous évoque un poste consulaire submergé par les demandes d’aide, sans pour autant être associée aux démarches : “On nous a donné les montants de l’aide et les conditions d’octroi. Si vous considérez que c’est une association alors, oui, mais pas pour moi. Je crois que le poste est noyé par les retours…”. Mais elle ajoute : “J’ose espérer que cela changera!”