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Pénélope Bacle
13 mai 2020

Quatorzaine : pourquoi ne pas dépister à l’arrivée en France ?

Le 11 mai, la loi prolongeant l'état d’urgence a officiellement été adoptée. Celle-ci prévoit que les personnes en provenance de certains pays devront suivre une « quatorzaine ». Et ce, alors qu’à gauche comme à droite, des élus réclamaient un dépistage. Retour sur les débats.

Les tentatives ces dernières semaines des sénateurs des Français de l’étranger pour faire réexaminer le dispositif à l’entrée du territoire français ont été vaines. La loi prolongeant l’état d’urgence jusqu’au 10 juillet 2020 a été prorogée le 11 mai par le Conseil constitutionnel. Celle-ci prévoit que les personnes de toutes nationalités en provenance de certains pays, a priori hors de l’espace Schengen ou du Royaume-Uni, devront être soumis à une « quatorzaine » à leur entrée en France. 

La liste des pays concernés, très attendue par les Français de l’étranger qui espèrent rentrer en France cet été, doit encore être fixée prochainement par arrêté du ministère de la Santé.

> Dépistage à l’entrée en France ?

Tout au long des débats, sénateurs des Français hors de France, républicains comme socialistes s’étaient opposés à cette mesure. Des deux côtés, les sénateurs proposaient plutôt de mettre uniquement en “quatorzaine” les personnes dépistées positives au Covid-19. 

Le sénateur Les Républicains, Christophe-André Frassa, accompagné de Jacky Deromedi, Ronan Le Gleut, Robert Del Picchia, Damien Regnard et Joëlle Garriaud-Maylam, avaient déposé un amendement à cet effet le 3 mai dernier devant la commission des lois. Ils dénonçaient alors une « mesure particulièrement discriminatoire » et une “mesure aveugle qui concernerait les personnes infectées du Covid-19 mais également les personnes en bonne santé ». 

Les Républicains proposaient pour leur part que « pour être mis en quarantaine, une personne arrivant en France devra avoir été testée positive au Covid-19. Il reviendra donc à l’Etat d’organiser des campagnes de tests à la sortie des avions ». 

Interrogée, la sénatrice Joelle Garriaud-Maylam a déclaré « C’est vraiment aberrant. Cela veut dire que des familles vont être séparées. J’ai également interpelé le gouvernement sur la cohérence qu’il y avait de faire subir des quarantaines à des Français venant de pays hors d’Europe alors que les personnes de l’espace Schengen et du Royaume-Uni, qui figurent parmi les régions les plus touchées, ne sont pas concernés par cette mesure».

Côté socialiste aussi, les sénateurs ont tenté de faire réexaminer cette mesure via un amendement déposé par le sénateur Jean-Yves Leconte accompagné de la vice-présidente du Sénat, Hélène Conway-Mouret, ainsi que les sénatrices Claudine Lepage et Marie-Pierre de la Gontrie.

Cette dernière avait d’ailleurs défendu leur amendement en séance, sans succès, le 5 mai : « Mieux vaut un dépistage, avec le cas échéant une mise à l’isolement solide, plutôt qu’une quarantaine sans test préalable. Ajoutons que depuis la mi-mars, le Gouvernement a incité les Français installés à l’étranger à ne pas rentrer en France. L’organisation des rapatriements fut concentrée sur les personnes qui étaient de manière provisoire à l’étranger. Il est inacceptable que les Français vivant à l’étranger soient placés en quarantaine à leur retour en France. Cette disposition est inutilement inégalitaire ».

Le rapporteur républicain Philippe Bas avait cependant émis un avis défavorable à cet amendement déclarant : « Les tests de dépistage ne suffisent pas pour nous tranquilliser sur le risque de contamination. Nous n’avons pas accepté ces dispositions pour Saint-Barthélemy, nous ne pouvons pas les accepter pour les Français de l’étranger». Un avis suivi par le ministre de la santé Olivier Véran.

> Changement de cap radical ?

Le sénateur centriste Olivier Cadic avait lui aussi déposé un amendement pour dénoncer le « caractère discriminatoire de ces mesures ». Dans une tribune publiée le 6 mai sur son site personnel, le sénateur s’insurgeait par ailleurs sur le changement d’orientation du gouvernement, qu’il critique pour son manque de contrôle au sein des aéroports. « Le retour de milliers de Français sur le territoire national n’a jamais été encadré par quelque mesure que ce soit » déclare-il notamment, tout en ajoutant : « Mais surprise : notre ministre de la Santé, incapable de prendre la moindre mesure depuis deux mois décide, au seuil du déconfinement, de prendre des dispositions radicales ! En effet, l’article 2 du projet de loi impose la quarantaine, voire le placement en isolement « des personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection, entrent sur le territoire national ». La liste des « zones de circulation de l’infection » sera fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Selon quels critères cette liste sera-t-elle établie et mise à jour ? Dans l’état actuel, les pays de l’UE, de la zone Schengen et le Royaume-Uni ne sont pas concernés, mais demain ? On ne peut se satisfaire des réponses évasives du ministre ».

> Selon l’ASFE, les tests ne sont pas suffisant

L’Alliance Solidaire des Français de l’étranger (ASFE), représentée au Sénat par la sénatrice Evelyne Renaud-Garabedian, a pour sa part soutenu dans une tribune publiée le 7 mai les mesures prises par le gouvernement. D’après l’ASFE, ces mesures seraient en effet nécessaires pour faire face à la crise sanitaire : « Remplacer le confinement par le fait de se faire tester n’est pas non plus une solution satisfaisante. En effet, une personne peut être testée négatif à un moment t, tout en commençant à développer le virus, d’où la « quatorzaine » qui correspond à la période d’incubation. Vous avez également les personnes asymptomatiques, les porteurs sains et les faux positifs. Doit-on ignorer que dès lors qu’une personne se déplace – d’autant plus si elle réalise un long voyage – elle peut être contaminée à tout moment ?

Les Français de l’étranger veulent, de façon tout à fait compréhensible, rentrer en France cet été pour être près de leurs proches, comme si la vie pouvait reprendre normalement. Or ce n’est pas le cas. Lundi prochain, une porte va s’entrouvrir, guère plus. La vie ordinaire ne reprendra pas ses droits. Les citoyens de ce pays ne pourront pas faire plus de 100km sans justifier d’un motif impérieux. Les vacances, pour ceux qui auront la chance d’en prendre, se dérouleront certainement à proximité immédiate. Les frontières extra-européennes ne rouvriront que progressivement, par « cercle concentrique autour de la France ». La sécurité continuera malheureusement à l’emporter sur les libertés individuelles, et ce tant que ce virus ne sera pas maîtrisé et un vaccin trouvé ».

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