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Débat politique : comment aider l’AEFE ?
Le député Frédéric Petit, la vice-présidente du Sénat, Hélène Conway-Mouret, et les sénateurs Olivier Cadic et Christophe-André Frassa, ont tous quatre répondu à une série de questions pour déterminer les mesures qui seraient, selon eux, à prendre pour sauvegarder le réseau d’enseignement français à l’étranger.
Pensez-vous que les 100 millions d’aide au réseau de l’AEFE doivent être réservés aux EGD ? Pourquoi ? Envisageriez-vous d’aider les autres établissements du réseau (MLF, les Flam etc…)?
Hélène Conway-Mouret (PS) – Les EGD prioritaires. Les EGD doivent bien sûr être prioritaires puisqu’ils sont dirigés par l’AEFE et ne bénéficient pas d’autres sources. A période exceptionnelle, aide exceptionnelle aux établissements qui présentent leurs comptes en toute transparence, font preuve d’une bonne gestion et sont ouverts au dialogue social en démontrant qu’ils font leur possible pour protéger les emplois. Pour cela chaque poste doit travailler avec les établissements et établir leurs besoins
Olivier Cadic (UDI) – L’objectif c’est le développement du réseau. Non, les EGD ne représentent que 15% du réseau. Cela voudrait dire que l’argent serait concentré sur finalement très peu d’écoles. Cette aide est pour accompagner le réseau à se développer. L’objectif fixé par le Président de la République est de doubler le nombre d’élèves dans l’enseignement français d’ici à 2030. Pour moi la clé, c’est donc de voir si cette aide va effectivement en direction du développement du réseau.
Frédéric Petit (Modem) – Une aide la plus large possible. Bien entendu, comme l’a annoncé le ministre, c’est l’ensemble des établissements et des familles qui doit être aidé. Tout d’abord une donnée chiffrée : hors Europe, les EGD ne sont présents que dans 14 pays, dont à peine 4 en Afrique. Comment justifier une aire pareille sur un si petit nombre d’objectifs diplomatiques ? La force de ce réseau, c’est justement de rassembler des partenaires très différents, qui cofinancent non seulement la scolarité de l’année en cours, mais également les investissements, la formation des professeurs, etc. Il serait profondément injuste que la solidarité nationale ne vienne en aide qu’à un seul type d’établissements, très minoritaires, et dont le statut est davantage lié aux hasards de l’histoire qu’à des choix stratégiques. En tant que rapporteur de ce qu’on appelle la « diplomatie d’influence », c’est à dire l’ensemble des réseaux (éducatifs, culturels, scientifiques…), je suis favorable à ce que l’aide soit la plus large possible et accessible rapidement aux 522 établissements. Mais, il nous reste deux combats : d’une part, ces aides ne peuvent se contenter de servir d’avances de trésorerie à court terme comme c’est le cas aujourd’hui, même si c’est une première étape logique dans l’urgence. D’autre part, il faudra étendre le dispositif aux réseaux culturels, scientifiques, audiovisuels.
Christophe-André Frassa (LR) – Une aide pour tous. Non, il est clair depuis le début que ces 100 millions d’euros doivent aider l’ensemble du réseau, c’est à dire les 522 établissements et pas uniquement les 70 établissements en gestion directe à travers le monde. Il faut aider les deux principaux opérateurs mais aussi l’Aflec et tous les opérateurs qui pourraient être actuellement en situation de pouvoir bénéficier de cette aide.
Les parents d’élèves étrangers doivent-ils également être aidés face à la crise ? De quelle manière ? A quelle proportion sachant qu’ils représentent les 2/3 du réseau ?
Hélène Conway-Mouret (PS) – Les conseils consulaires décisionnaires. Je suis pour que les parents d’élèves étrangers soient bénéficiaires d’une aide au cas par cas et non d’une aide qui serait allouée de façon unilatérale à toute les familles. Comme pour les bourses, le même processus doit s’appliquer afin de déterminer l’aide qui doit être accordée. Les besoins varient suivant les pays et là encore il faut que les conseils consulaires soient l’instance décisionnelle.
Olivier Cadic (UDI) – Egalité pour les élèves français et étrangers. Il faut envisager une approche globale en traitant tous les parents sur un pied d’égalité. Les parents sont tous confrontés aux mêmes difficultés, étrangers ou français. L’aide ne doit pas créer un prétexte à rajouter de la bureaucratie. Il faut faire simple pour être lisible et rapide. Partager les réductions de coûts avec les parents en les incitant à payer au plus vite pour soutenir l’école. Proposer aux familles qui peuvent le faire de payer 100% de leurs frais de scolarité pour abonder un fonds destiné à aider les familles les plus en difficulté. C’est une technique qui a fait ses preuves.
Frédéric Petit (Modem) – une aide nécessaire. Oui, c’est une nécessité. Savez-vous que ce sont les parents qui ont financé ou qui financent les nouveaux bâtiments de Budapest, de Bucarest, entre beaucoup d’autres. Ils en sont même souvent propriétaires. Ils ont été solidaires du réseau, ils croient à la valeur de notre enseignement. Comment la France pourrait ne pas les soutenir aujourd’hui, quand ils voient leurs revenus détruits comme leurs collègues français, sans trahir ces mêmes valeurs qui nous rassemblent dans ces aventures scolaires et éducatives ?
Christophe-André Frassa (LR) – Les établissements décisionnaires. On ne peut pas concevoir de réouvrir nos établissements avec uniquement 40 % des élèves. Il est nécessaire de faire un geste vis à vis de toutes les familles dont les 60 % de familles étrangères. Cette aide pourra se faire sur les frais de scolarités ou avec des abattements par exemple, qui seront décidés directement par les établissements. Chaque établissement fera ses choix selon les besoins des familles.
A votre avis, quelles garanties faut-il demander à l’AEFE sur l’utilisation du fonds spécial d’aide ?
Hélène Conway-Mouret (PS) – Evaluer d’abord les besoins dans chaque pays. Attendre la remontée des besoins pour chaque pays et ensuite décider de l’octroi des crédits nécessaires et demander une augmentation de l’enveloppe si elle n’est pas suffisante plutôt que d’essayer de faire entrer les demandes dans une enveloppe insuffisante.
Olivier Cadic (UDI) – Pas pour couvrir les mauvaises pratiques. Il ne faut pas que cette aide serve à couvrir des mauvaises pratiques. Si par exemple le travail de restructuration de l’établissement n’a pas été fait, c’est de l’argent qui sera perdu, qui n’ira plus pour le développement du réseau. Cela nécessiterait que l’AEFE fasse preuve de transparence dans l’utilisation des fonds au sein des EGD.
Frédéric Petit (Modem) – Un état des lieux précis des besoins poste par poste. Je pense en premier lieu qu’il ne faut pas demander à l’AEFE de faire ce qu’elle ne sait pas faire. Une chose est sûre, quelle que soit son canal d’acheminement, l’aide doit être transparente à la représentation nationale. La première démarche à engager, et nous sommes déjà en retard, devrait consister à faire un état des lieux précis des besoins, poste à poste, avec les mêmes dispositions que les plans écoles, constituant ainsi une actualisation « post Covid19 ». Je vous renvoie aux recommandations du groupe de travail que je préside, transmises au ministre des Affaires étrangères la semaine dernière (http://frederic-petit.eu/
Christophe-André Frassa (LR) – Un comité pour piloter ces aides. Comme toute agence qui bénéficie d’un tel concours, elle va évidemment devoir rendre des comptes sur l’emploi de cet argent. Il faudra évidemment que les établissement fournissent la justification des aides qu’elle aura réparties en amont. Il a été décidé que les aides seraient accordées par les ambassades de chaque pays. Nous avons été par ailleurs plusieurs à demander que des binômes soient créés dans chaque pays entre le poste consulaire et les élus locaux, les conseillers consulaires. L’ambassade, accompagnée des élus, pourraient s’appuyer sur l’expertise des chefs d’établissement, pour évaluer la meilleure manière de mettre à disposition cette enveloppe à travers tout ce réseau.
Etes-vous favorable à ce que ce fonds d’aide, qui est aujourd’hui un prêt, soit transformé pour venir abonder le budget de l’AEFE, et devienne de ce fait non remboursable ?
Hélène Conway-Mouret (PS)- Favorable. A moins d’un prêt remboursable sur plusieurs décennies je ne vois pas comment les parents pourraient aujourd’hui accepter une augmentation massive des frais de scolarité au vu de l’ampleur de la crise économique qui nous frappe tous. Nous n’en sommes qu’au début et l’aide apportée est une aide d’urgence. La grande inconnue est de savoir si l’avance du Trésor sera transformée en subvention. Si c’en est pas le cas, elle devra être remboursée sous un an ce qui me paraît impossible pour les établissements. Il faut une communication très claire pour que ceux-ci n’y voient pas une aubaine de renflouer temporairement leurs trésorerie et soient dans l’incapacité de rembourser dans un temps qui sera très court.
Olivier Cadic (UDI) – Favorable. Oui si cet argent sert à développer le réseau et à atteindre l’objectif défini par le Président de la République.
Frédéric Petit (Modem) – Favorable. Oui, en fonction des besoins quand ils sont identifiés.
Christophe-André Frassa (LR) – Favorable – Transformer cette avance de France Trésor en crédit pour l’agence serait la décision la plus sage que pourrait prendre le gouvernement. Cela enlèverait beaucoup de craintes pour les parents d’élèves et arrêterait une polémique qui n’a pas lieu d’être aujourd’hui.
L’AEFE est en mauvaise posture financièrement. Quelle serait, d’après vous, l’une des premières mesures à prendre pour réformer l’AEFE ?
Hélène Conway-Mouret (PS)- Mettre en place une liste d’action. En 2012, suite à la suppression de la PEC et la réforme des bourses qui a suivi, j’ai organisé une concertation nationale sur plusieurs mois afin d’entendre tous les acteurs . Nous en avons dégagé des propositions solides. François Perret, accompagné de Jean Pautrot, Yves Veyrer, Daniel Jouanneau et Philip Cordery, a piloté un comité de réflexion qui a remis un excellent rapport. J’avais ensuite chargé Claudine Lepage et Philip Cordery d’un rapport parlementaire sur les frais de scolarité mais qui était allé bien au-delà dans ses propositions. Samantha Cazebonne a également présenté un rapport parlementaire en 2019 qui complète utilement une mane de pistes et de propositions. Il me semblerait utile de reprendre l’ensemble de ces analyses et des problématiques identifiées et d’en tirer une liste d’actions. L’AEFE a une mission importante. Soit on corrige tout ce qui ne va pas et qui a déjà été identifié soit on décide que l’agence n’a plus d’utilité et doit être remplacée par autre chose. Une seule certitude, elle ne peut résoudre ses problèmes de trésorerie seule. Enfin, il me semble qu’une réforme est en cours. Elle a été lancée par trois ministres lors d’une conférence de presse. L’AEFE est chargée de doubler le nombre d’apprenants et de gérer un réseau beaucoup plus vaste que l’actuel dans lequel les établissements partenaires seront de plus en plus nombreux. Une nouvelle réforme pour faire quoi?
Olivier Cadic (UDI) – Un nouveau business model. La priorité est d’abord de réformer son mode de gestion. Il faut que sa gestion soit confiée à des capitaines qui ont fait leurs preuves à l’international pour accompagner son développement sur le long terme et non plus à des diplomates qui font ça, sur trois ans, entre deux positions. Le réseau est aujourd’hui composé de 85% d’écoles à gestion privées principalement sous forme associatives et on peut considérer que dans dix ans, le taux sera de 95%. Il faut donc faire aussi évoluer le « business model » et mettre en place une vraie vision de développement en libérant le système. Sinon, nous serons condamnés à la marginalisation. La part de l’enseignement français comparée à celle de l’enseignement anglo-saxon s’est effondrée en 20 ans, en passant de 30% à 5%. Pour rayonner, il faut changer la lumière.
Frédéric Petit (Modem) – Se réconcilier avec la réalité de son réseau. J’ai répondu à toutes ces questions au cours de mes travaux de rapporteur depuis trois ans. L’AEFE doit d’abord se réconcilier avec la réalité de son réseau, qui est à 85 % composé de lycées associatifs et privés ; elle doit se concentrer également sur ses missions statutaires, dont la troisième, oubliée parfois, est la coopération éducative : c’est dans cet esprit que la réforme et le doublement du réseau en dix ans ont été lancés. Cette crise rend la réforme encore plus décisive, encore plus nécessaire.
Christophe-André Frassa (LR)- Arrêter la multiplication des opérateurs. Après la crise, il sera toujours temps de réfléchir à ce qu’il convient de faire. La bonne question c’est déjà de savoir si on a besoin de plusieurs opérateurs plutôt que d’un seul. La question des EGD a toujours été pour moi une question qui pose problème. Les EGD sont dans certains pays une aberration. Il y a des pays où la loi l’impose, mais par exemple dans l’Union européenne (UE), ce sont des ovnis administratifs. Ils apportent plus de lourdeur que de souplesse et ils ne garantissent pas un enseignement de meilleure qualité. Il y a des réformes à faire à tous les niveaux de simplification administrative et de souplesse organisationnelle. L’agence est empêtrée dans un modèle administratif et économique, qui date de l’année de sa création il y a trente ans, à une époque ou la « clientèle » était uniquement une clientèle d’expatriés dont les entreprises prenaient tout en charge. Je plaide aussi depuis des années pour une réelle implication du ministère de l’enseignement avec la création d’un rectorat des Français de l’étranger qui gèrerait notamment les carrières des professeurs.
Certains pointent du doigt des excès au sein des établissements (salaires etc…), est-ce une réalité selon vous ? Comment y remédier?
Hélène Conway-Mouret (PS)- Gestion comme des sociétés privés. Parmi les établissements partenaires les salaires de certains proviseurs ou le paiement de jetons de présence peuvent choquer. En même temps, ce sont des établissements privés dont la gestion est celle d’une entreprise qui gagne de l’argent et qui ont la liberté et le droit de faire ce qu’ils veulent. Ils s’adressent à un certain public qui est prêt et surtout a les moyens de payer des frais de scolarité très élevés. Il me semble donc plus utile que l’aide publique française soutienne d’autres établissements qui ne peuvent ou ne veulent pas avoir ce type de gestion mercantile de l’enseignement et qui accueillent des élèves aux origines sociales plus diverses. Par contre je ne pense pas que l’Etat doive venir en aide à ces établissements qui sont autonomes et refusent de faire partie du réseau. Ils ne peuvent pas entretenir un lien avec l’AEFE que quand ils en ont besoin. La crise est telle qu’il faut vraiment aller vers les plus nécessiteux. Par ailleurs, le comité de pilotage a proposé la révision de la « Charte pour l’enseignement français à l’étranger ». De nouveaux principes pourraient être y inscrits : exigences en matière de démocratie interne dans les établissements, bonne gestion des ressources humaines, évolution maîtrisée des frais de scolarité, ainsi que l’inclusion du handicap.
Olivier Cadic (UDI) – Plus de transparence. C’est une réalité puisqu’on sait que les dix premières rémunérations sont de 180 000 euros. Le problème est qu’il y a une absolue opacité sur toutes ces rémunérations et avantages dont bénéficient les 5000 fonctionnaires détachés. On nous renvoie à une grille sans savoir en réalité qui gagne combien et de quoi ils bénéficient. C’est un vrai sujet aujourd’hui alors que les politiques doivent eux faire des déclarations d’intérêt et déclarer publiquement leurs revenus. Pour rayonner, il faut y voir clair !
Christophe-André Frassa (LR)- éviter que les établissements se fassent de la trésorerie. Il y a toujours des polémiques. Cela fera parti peut-être des choses à réformer. Il est vrai qu’il faut éviter que des établissements se fassent de la trésorerie sur le dos de la solidarité. C’est bien pour ça que cette aide sera confiée aux ambassades et non pas aux établissements. J’ai encore le souvenir très présent qu’à l’époque où il y avait eu la prise en charge des frais de scolarité, de 2008 à 2012, certains établissements s’étaient fait leur trésorerie.
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