— Comment l’Agirc-Arrco a-t-elle pu garder le lien avec ses assurés pendant la crise de la Covid-19 ?
— Frédéric Roullier : L’Agirc-Arrco, à la demande des partenaires sociaux, s’est mobilisée, comme l’ensemble des institutions dotées d’une mission d’intérêt général, pour assurer la continuité de ses services. Les entreprises, y compris à l’expatriation, frappées par des difficultés de trésorerie, ont eu la possibilité de reporter les paiements des cotisations en s’adressant à leur caisse d’adhésion et les majorations de retard de paiement n’ont pas été appliquées en la circonstance ; les expatriés qui, à titre individuel, continuent à cotiser en France dans le cadre d’un forfait, ont pu demander à leur caisse un réajustement, de façon à alléger leur cotisation retraite. Quant aux 13 millions de retraités Agirc-Arrco, ils ont été notre priorité pour recevoir en temps et en heure leur virement, sur le territoire et hors frontière. Pour les plus fragiles également, y compris parmi les salariés, des solutions immédiates concrètes ont été mises en place en action sociale. Quels que soient les profils de nos clients, nous avons tout mis en place pour qu’ils soient accompagnés, et tous nos dispositifs ont été suivis de près par nos instances, réunies à distance, à un rythme hebdomadaire.
— Avez-vous mis en place, ou renforcé, des dispositifs spécifiques ?
— F. R. : Nous nous sommes appuyés sur l’existant et nous avons adapté immédiatement nos services, de concert avec les groupes de protection sociale qui sont en relation de proximité avec nos clients, entreprises, salariés, retraités. Pour mieux informer et orienter, nous avons renforcé notre service des « Experts Retraite », un service en ligne ouvert à tous, très utile pour les expatriés qui sont régis par des règles particulières et dont les démarches sont de fait plus complexes. Présents sur Facebook, Twitter ou notre site, nos experts, avec le télétravail, ont été présents en ligne pour des réponses personnalisées sur les problématiques de retraite, à tout âge. Au cours de cette crise, ce service en ligne a été très sollicité sur la question des démarches rendues impossibles du fait de la fermeture des administrations et des difficultés d’acheminement des courriers. L’allègement en urgence des procédures, qu’il s’agisse des délais pour les attestations de vie des expatriés ou des pièces justificatives pour les demandes de retraite ou de réversion, a permis de payer les prestations dans nos délais et sans interruption.
Par ailleurs, nous avons fait « pivoter » nos dispositifs modélisés d’action sociale afin de répondre à l’urgence pour les personnes isolées par le confinement. Notre action sociale repose sur nos réseaux partout en France. Immédiatement, dès l’annonce officielle du confinement, nous les avons tournés vers l’assistance aux courses aux plus de 75 ans et des appels de convivialité ont été lancés par nos centres de prévention vers les plus fragiles, soit près de 1200 bénéficiaires par semaine ; mal connues des expatriés, notre action sociale peut pourtant rassurer certains d’entre eux vis-à-vis de leurs aînés restés sur notre territoire, et les aider, au travers de notre service en ligne Orizea, à trouver à distance des solutions en cas de possible perte d’autonomie de leurs parents. Pour venir en aide aussi aux actifs, y compris les plus jeunes, fragilisés par la crise, les partenaires sociaux ont décidé de dégager une enveloppe de 200 millions d’euros : une aide ponctuelle, d’un montant pouvant aller jusqu’à 1 500 euros, est versée par son institution Agirc-Arrco, après examen rapide, en cas d’absence brutale de revenus du fait de la crise sanitaire, y compris à un expatrié, dès lors qu’il a un compte de retraite Agirc-Arrco.
— C’est une tendance générale de votre organisme, cette recherche permanente de solutions, non ?
— F. R. : Absolument. Notre objectif reste de longue date de simplifier le plus possible les démarches, en particulier pour des formalités et preuves demandées par de multiples organismes et pour lesquelles nous défendons le « Dites-le nous une fois ! ». Nous savons que c’est un facteur majeur de maintien de la confiance dans notre système de retraite. A l’Agirc-Arrco, nous avons une longue histoire d’unification et de simplification de la retraite complémentaire, portée par des accords négociés au fil des ans entre les partenaires sociaux (les organisations d’employeurs et de salariés). Ce savoir-faire, nous l’apportons dans de nombreux chantiers que nous menons aujourd’hui avec l’Etat et nos partenaires publics. Nous avons une démarche conjointe avec nos collègues de l’Assurance retraite (la Cnav) pour simplifier les démarches de nos clients qui sont en quasi-totalité affiliés concomitamment à nos deux structures, en retraite de base d’une part, complémentaire d’autre part. La crise sanitaire a bien sûr accentué l’exigence de simplification et d’immédiateté du service à distance.
— Quels sont les sujets spécifiques pour les expatriés ?
— F. R. : Pour avoir travaillé au sein du groupe Malakoff Humanis, spécialisé sur la protection sociale des expatriés, je sais à quel point il est compliqué pour eux de s’y retrouver, loin du territoire. En ouvrant gratuitement son compte retraite en ligne sur notre site www.agirc-arrco.fr, un expatrié peut retrouver l’ensemble de son historique de carrière accomplie en France et tous ses droits retraite correspondant ; il peut bien sûr trouver quelle institution Agirc-Arrco lui est rattachée et la joindre ; il peut faire plusieurs simulations de sa retraite future sur la base de ses droits actuels avec M@rel et nous travaillons pour qu’il puisse accéder à un rendez-vous en distanciel avec un conseiller in vivo. Cette démarche peut être accomplie à tout âge, dès la première année suivant une première cotisation aux régimes de retraite français et nous serions bien sûr ravis de pouvoir dialoguer avec de très jeunes cotisants !
— Que diriez-vous à un salarié choisissant l’expatriation ?
— F. R. : La retraite à la française est très protectrice. Il faut rappeler aux Français expatriés, y compris aux plus jeunes sur le départ, qu’ils peuvent avoir un intérêt, selon le pays de départ, à conserver cette couverture pendant leur absence en expatriation pour éviter les déconvenues au moment de la retraite mais aussi être conseillé pour soi ou ses proches restés en France. Nous savons aussi que des expatriés peuvent « oublier » qu’ils ont des droits enregistrés au cours de leur carrière, lors d’un job en France, avant de partir à l’étranger : or, des points de retraite Agirc-Arrco sont inscrits dès le premier euro de cotisation et sont conservés en sécurité dans notre Data Center parmi 55 millions de comptes retraite individuels. De même, des expatriés peuvent s’inquiéter de la façon dont leur conjoint survivant, parfois étranger, pourra faire valoir ses droits à réversion. Or, notre réglementation prévoit une réversion pour le conjoint survivant non remarié (bien sûr exportable comme la retraite) à partir d’un certain âge, voire à tout moment s’il y a des enfants à charge, et sans condition de ressources. En tout état de cause, les expatriés qui ont cotisé à l’Agirc-Arrco ont des besoins spécifiques d’accompagnement par nos conseillers.
— Les certificats de vie ont été difficiles à obtenir pour les retraités expatriés durant les périodes de confinement…
— F. R. : Oui, nous savons que dans la plupart des pays confinés, il a été (même encore aujourd’hui dans certains pays) difficile d’obtenir les attestations de l’administration nécessaires aux certificats de vie, indispensables pour le maintien du versement des pensions. Depuis cette année, nous avions considérablement simplifié les opérations en mutualisant les contrôles annuels avec les autres organismes de retraite : « Dites-le-nous-une fois ! ». Cela a permis, dès le début de la crise, en mars, d’interrompre immédiatement et collectivement tous les contrôles et d’assouplir les délais de réponse pour l’ensemble des retraites françaises. Car chacun reçoit souvent des retraites de 2 à 3, voire plus, régimes français différents, d’où l’importance de cette mutualisation entre organismes pour un dialogue unique. L’idéal serait de ne rien avoir à demander aux quelques 1,6 million de retraités résidant à l’étranger en étant informés directement par l’administration étrangère en charge de l’enregistrement des décès : ces dispositifs se mettent en place progressivement en Europe.
— Vous deviez organiser en juin des rencontres d’information pour les assurés qui souhaitent s’informer sur leurs droits à la retraite. Comment se déroulent-elles ?
— F. R. : Les partenaires sociaux nous demandent d’aller au-devant de nos concitoyens sur le territoire au plus près : aussi, nous organisons régulièrement, depuis deux ans, des Rendez-vous Retraite sur une semaine dédiée à l’information personnalisée. En octobre dernier, près de 25 000 personnes ont bénéficié, en une semaine, d’entretiens en face à face avec des conseillers retraite de l’Agirc-Arrco et de l’Assurance retraite. Du fait des mesures de précaution sanitaire encore en vigueur, nous avons modifié la réédition prévue en juin en lançant des Rendez-vous de la retraite en ligne : du 22 au 26 juin, nous avons prévu s environ 12 000 entretiens en distanciel sur rendez-vous pris sur notre site. Je pense que cette opération « portes ouvertes », que nous avons organisé pour la première fois de cette manière, à distance, est parfaitement adaptée à la situation des expatriés.