Chez AGS Mobilitas, le sujet ne date pas d’hier. Alain Taieb préside avec Cédric Castro le groupe spécialiste du déménagement et de la relocation à l’international. Il explique que la société a toujours donné leur chance aux jeunes : « C’est une politique qui remonte à avant même le VIE, du temps de son ancêtre le VSN (volontaire au service national, ndlr), quand de jeunes diplômés partaient faire de la coopération au lieu d’un service militaire traditionnel. Quand le service militaire a été supprimé, la formule VIE volontaire a été maintenue. Ces jeunes rentraient chez nous pour faire carrière dans nos filiales à l’étranger. » AGS Mobilitas emploie aujourd’hui 4 500 personnes dans une centaine de pays à travers le monde. Entreprise familiale créée il y a 50 ans en France, le groupe recrute en moyenne, via l’agence Business France qui les sélectionne, une douzaine de VIE chaque année. En 25 ans, Alain Taieb se targue ainsi d’avoir formé environ 350 jeunes : « Ils ont connu l’international en passant un an et demi ou deux à l’étranger, par le biais de notre groupe. C’est une relation très longue et riche. Les plus anciens ont aujourd’hui la quarantaine. Ce sont des patrons de filiales et des cadres supérieurs très expérimentés : le VIE permet de créer un savoir-faire français et un développement de notre commerce extérieur. » Certains sont restés dans le groupe, d’autres sont partis chez des concurrents comme Bolloré ou la CMA CGM.
L’appel du large
Côté profils, AGS Mobilitas recrute des jeunes diplômés bac+4 +5, issus pour l’essentiel d’écoles de transport et de logistique, mais aussi d’écoles de commerce (Sup de Co) avec un diplôme bac+3 +4, des généralistes du commerce qui apprennent le marketing, le droit et la finance. Depuis huit ans, le groupe s’est lancé dans l’archivage, avec le recrutement d’ingénieurs en informatique et d’archivistes diplômés. « Ce ne sont pas forcément des jeunes qui sortent d’école, précise M. Taieb. Ils peuvent avoir jusqu’à 28 ans, ce sont des gens qui ont connu une expérience en France, qui ont travaillé 2-3 ans, et qui répondent à l’appel du large, à découvrir le monde, les cultures, les langues et une autre façon de faire du commerce pour devenir des opérateurs internationaux. » L’agence Business France recrute environ 10 000 VIE chaque année dans tous les métiers. Leurs rémunérations à l’étranger varient entre 2 500 et 2 800 euros par mois, nets d’impôts et de charges, « mais ce n’est pas la chasse au trésor ou la course à la rémunération qui anime le jeune, assure Alain Taieb. Ce qui est important, c’est qu’il va se retrouver dans un pays différent, dans de plus petites équipes et employé à faire des choses qu’on ne donne pas forcément dans une très grande entreprise en France à un jeune. » 90 % de ces anciens VIE poursuivent des carrières internationales.
Bataille pour la survie
Avec la fermeture des frontières et le coup violent porté aux échanges internationaux par la pandémie de Covid-19, la mécanique s’est grippée. Les jeunes déjà en poste à l’autre bout du monde, en Chine, au Japon ou, plus près, en Angleterre, se sont retrouvés perdus. Beaucoup ont cherché à rentrer chez eux. Des contrats ont été annulés ou suspendus. En mars, au plus fort de la crise, pendant pratiquement un mois, il n’y a eu aucun engagement, « non pas que les jeunes ne voulaient pas, précise M. Taieb, mais les entreprises, secouées et qui le sont encore, ne pouvaient pas se lancer dans des campagnes de recrutement quand, au quotidien, les réunions des états-majors portaient sur la bataille pour la survie même de la société. Cette machine qui produisait des voies d’espérance et de carrières pour les jeunes s’est donc arrêtée net. » Sur trois mois, un millier de postes n’ont ainsi pas été créés en France. Du coup, Business France a cherché à redynamiser le système. L’agence a obtenu des pouvoirs publics que les VIE nouvellement recrutés puissent passer, une période d’au maximum six mois, en immersion dans l’entreprise en France avant d’être envoyés à l’étranger. « Si les frontières ne sont pas rouvertes dans le pays où il doit se rendre et si les formalités d’immigrations sont trop compliquées, ce délai allongé permet tout de même de prendre des gens, de les former plus longtemps et de les intégrer dans des équipes dans l’hexagone qui font de l’international » explique M. Taieb.
Foncer dans l’aventure
Avec une dizaine de membres dirigeants également conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), et Alain Taieb lui-même président de la commission d’appui aux entreprises françaises à l’international et du groupement d’expertise d’aide pour les VIE, AGS Mobilitas ne pouvait que foncer dans l’aventure. Le groupe a également choisi de passer de 10-12 VIE recrutés en moyenne chaque année à 30 en 2020. « Nous faisons le pari que le monde va pouvoir se remettre en marche et nous n’attendrons pas septembre – octobre pour recruter, car après la période de crise, les entreprises vont connaître une phase de convalescence, prédit M. Taieb, puis ensuite en octobre – décembre et l’année prochaine, on aura le temps de la reconstruction qui va nécessiter encore plus d’énergie, de travail et de talents qu’avant. Ces 30 jeunes, on va les utiliser, il y a des réparations de tous les côtés à faire, de la consolidation et aussi des conquêtes de marchés plus tard à l’international dans un marché global qui dans le monde va se rétrécir dans plusieurs domaines, il va falloir être plus conquérant que jamais. » AGS Mobilitas s’est aussi engagé à communiquer autour de ces actions, afin que des dizaines, voire des centaines d’autres entreprises, informées de cette possibilité, adhèrent au principe et se remettent à recruter des VIE.
Aller plus loin : AGS Mobilitas