Ils ont décidé de s’exclure d’eux-mêmes de la société, de tirer un trait sur l’extérieur. Du japonais “komoru” pour “retraite monastique” et “hiki”, le mouvement d’être repoussé vers l’intérieur, des mois, des années durant, parfois toute une vie sans qu’ils ne sortent de leur chambre ou de leur appartement, scotchés à leurs écrans.
> Agathe Parmentier étudie ce phénomène des hikikomoris au Japon
La Française étudie ce phénomène et vient de lui consacrer un roman qui sortira bientôt. “Ce sont des jeunes qui refusent de se confronter à la vie sociale traditionnelle, détaille-t-elle. Au Japon, il y a une pression sur l’individu plus forte qu’ailleurs. Du coup, quand on sort un peu du lot, ce n’est pas très bien vu. Pour les individus trop sensibles ou qui se sentiraient différents, ce n’est pas toujours évident à gérer.”
> Bien respecter les règles, ne pas déranger, ne pas faire de vagues…
L’hikikomori renonce à être ce qu’attend de lui la société nippone, à se confronter et à s’ouvrir à l’autre. “Il y a cette idée de vraiment être dans la maîtrise : je choisis de vivre comme ça, de ne pas me laver parce que je n’ai pas à être propre et que je n’ai pas besoin de plaire à mon voisin”, raconte Agathe Parmentier qui vit depuis six ans au Japon. Née à Perpignan, après une carrière comme attachée de presse en France, la jeune femme donne des cours de français à Tokyo. Elle constate que les hikikomoris inquiètent les autorités nippones.
>Un phénomène urbain
Combien sont-ils ? De 200 000 à un million, la fourchette fournie par l’administration est large. “Pour avoir de l’aide, il faut que les familles les déclarent mais elles n’ont pas toujours très envie de parler du phénomène, explique-t-elle, ce n’est pas facile à dire. Il y a le regard des voisins, plus lourd au Japon qu’ailleurs.“ Certains vivent seuls dans des appartements, mais pas tous : “La majorité habitent chez leurs parents, dans une chambre avec la famille qui évolue autour mais avec assez peu de relations. Les rapports sont limités à leur commander de la nourriture ou un magazine. Il y a parfois une certaine violence entre l’hikikomori et sa famille.”
Le phénomène est essentiellement urbain, ne serait-ce que parce qu’il est plus difficile au Japon de se faire livrer à domicile à la campagne. Agathe Parmentier a vécu à Tokyo toute la séquence du Covid-19 et a elle-même découvert des avantages de cette vie hors du monde : “On se sent protégé, le coronavirus, on ne va pas l’attraper chez soi mais en sortant. Donc, il y a une phobie sociale. Au début, c’était un peu étranger et pénible, et on a trouvé notre rythme, on s’est créé de nouveaux rituels qu’on a choisis. L’anxiété provoquée par ce virus peut inciter à rester chez soi. Moi j’ai encore du mal à sortir alors que je suis à peu près équilibrée.” Avec la pandémie, le phénomène pourrait donc s’accentuer, et pas seulement au Japon.
Lui écrire : agathe.parmentier@gmail.com
> Aller plus loin
Strasbourg, une consultation (“Détours”) dédiée à ces jeunes gens en retrait social et à leur entourage a ouvert dans le cadre de l’association ITHAQUE. Ce phénomène est apparu plus récemment en France et en Europe et prend de l’ampleur. L’association collabore depuis plusieurs années avec le professeur Tadaaki Furuhashi, spécialiste reconnu des Hikikomoris au Japon.
Le blog d’Agathe Parmentier pourquoitokyo.fr