Avec un chômage à 3,5%, une économie au beau fixe depuis 15 ans et une hausse moyenne des salaires de 7% chaque année, la Pologne ne connaît pas la crise. Il est vrai que c’est grâce aux subventions européennes que le pays atteint ces résultats. Il faut dire qu’il s’est fait une spécialité de monter les dossiers pour les décrocher.
Bien formés, les jeunes Polonais lorgnent désormais vers l’Allemagne, la France ou l’Angleterre, constate Charles-André Keene, directeur de la filiale du groupe français de prêt-à-porter Promod : “Les jeunes Polonais sont très doués en langues, ils les apprennent dès le plus jeune âge, ayant bien compris que le polonais n’était pas la langue la plus utile pour faire carrière à l’étranger ! Ils ont envie de partir mais pas à n’importe quel prix. La période du plombier polonais émigré en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, c’est terminé. Maintenant, ce sont des cadres qui s’expatrient.”
Le pays manque donc de main-d’œuvre mais le gouvernement nationaliste et conservateur du PIS ne laisse pas entrer qui veut. Pour l’instant, un million d’Ukrainiens (sur 38 millions d’habitants) ont été accueillis ainsi que, plus exotique, des… Tibétains et des Bangladais, notamment comme chauffeurs de VTC.
Vision de carrière
Tous les grands groupes internationaux sont présents ici, à commencer par ceux du CAC 40 français dans les secteurs de l’énergie (Veolia, Total…), du transport, de l’hôtellerie (Accor) ou de la distribution (Auchan, Carrefour). Chacun a sa stratégie pour recruter et fidéliser ses collaborateurs.
Chez Astri Polska, la filiale d’Airbus, on mise sur l’intérêt du job, explique Alexandre Szalkiewicz, le directeur : “La chance qu’on a, c’est qu’on est dans un secteur qui fait rêver. Nos salariés sont des passionnés, et quand ils travaillent sur des sondes qui iront sur Jupiter ou des satellites météo, ils restent. On a aussi un esprit familial dans l’entreprise.Ce sont les programmeurs qui sont les plus recherchés en Pologne, et donc les plus difficiles à fidéliser !”
Ceux qui restent, ou les jeunes étrangers qui viennent travailler à Varsovie ou Poznan, ont donc le choix. Ils sont de plus en plus exigeants quant au contenu des postes, témoigne Mathieu Renou, directeur du fleuron français du revêtement de sol Gerflor en Pologne : “Ils veulent du sens de la part de leur employeur, une vision de carrière et de l’indépendance dans leurs décisions. C’est un vrai challenge de les garder motivés.”
Veolia ouvre son centre de formation
Chez Accor, le groupe hôtelier français qui exploite 134 hôtels en Pologne, on mise sur les hobbies des futurs collaborateurs, détaille Gilles Clavié, le directeur : “Il a fallu s’adapter aux nouvelles générations venant sur le marché. On s’est digitalisé et on recrute désormais une partie de nos talents (employés, ndlr) sur les réseaux sociaux, en fonction de leurs passions, par exemple. On préférera mettre en face de nos clients un serveur qui soit aussi musicien ou chanteur, et qui puisse se produire dans nos hôtels. Ça attire et ça fidélise les salariés.”
Veolia, le leader de la gestion de l’eau, des déchets et de l’énergie emploie 4 500 salariés en Pologne. Le groupe français finance déjà deux classes à l’Université et ne compte pas s’arrêter là, si l’on en croit Frédéric Faroche, le directeur :”On a prévu d’ouvrir cette année à Varsovie notre propre centre de formation aux métiers traditionnels de mécanicien et d’électricien, deux professions délaissées par les jeunes au profit de l’informatique par exemple. On doit embaucher 200 à 250 personnes dans ces métiers-là, chaque année, et on doit être proactifs pour trouver.”