Un lobbying payant
A peine le nouvel article du projet de loi de finances rectificative (PLFR) a-t-il été voté par l’Assemblée nationale le 10 juillet que la députée des Français de l’étranger (2ème circonscription), Amélia Lakrafi, se réjouissait sur Twitter. Dans un courrier co-signé par une soixantaine de députés, elle avait en effet braqué l’attention du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, dès le 29 mai, sur la situation précaire dans laquelle se retrouvaient les petites et moyennes entreprises actives en Afrique, en particulier celles gérées par des Français, dans le contexte de la pandémie de coronavirus. Elle y mettait en premier plan les résultats d’un sondage que ses équipes ont mené selon lequel 53% des entrepreneurs français présents en Afrique auraient besoin d’une aide inférieure à 15 000 euros et 23% d’une aide inférieure à 5000 euros.
Dans son nouvel article, le PLFR stipule donc désormais que “le ministre chargé de l’économie est autorisé à octroyer la garantie de l’État à l’Agence française de développement (AFD) et à sa filiale de promotion et de participation pour la coopération économique (Proparco) au titre des prêts et garanties accordés aux entreprises et aux institutions financières du secteur privé africain jusqu’au 31 décembre 2021, dans la limite de 160 millions d’euros”. Ainsi, l’AFD pourra mobiliser, directement ou indirectement, 160 millions d’euros sous forme de garanties, au bénéfice final des PME, TPE et ETI africaines, notamment celles des entrepreneurs français en Afrique, qui pourront donc bénéficier d’un soutien financier, en complément des mécanismes de soutien mis en place par les différents pays depuis le début de la crise. La mobilisation de la France permettra également de rechercher un effet d’entraînement sur d’autres acteurs comme l’Union européenne et les autres principaux contributeurs à l’aide publique au développement.
Cette mesure avait été défendue devant les sénateurs français par Rémy Rioux, le directeur général de l’AFD, le 30 avril. Il avait lui-même souligné l’importance de l’aide à mobiliser pour le secteur privé en Afrique : “Il y a eu un mouvement entrepreneurial très important depuis vingt ans en Afrique, mais il est fragile, comme le secteur privé français il est très durement frappé, mais sans les mécanismes équivalents comme le chômage partiel, pour éviter une dégradation très rapide de l’activité, des comptes, de la solvabilité. Je pense aussi aux entrepreneurs français à l’étranger qui ont des entreprises de droit local et qui font remonter une grande inquiétude car les financements se réduisent en même temps que l’activité est sous pression. Et ma très grande crainte, c’est que ce tissu d’entreprises africaines disparaisse. D’ici un an, nous assisterons à des faillites en grand nombre. (…) Ma proposition, c’est d’utiliser Proparco – qui est l’équivalent de Bpifrance en Afrique – et ses réseaux – avec l’ensemble des banques locales dans une quarantaine de pays d’Afrique – pour que le financement de ces entreprises ne cesse pas”.
Levée de boucliers
L’enthousiasme d’Amélia Lakrafi et de Rémy Rioux à cette annonce n’a pourtant pas fait l’unanimité. Ainsi, Anne Genetet, députée de la 11ème circonscription des Français de l’étranger, déplore notamment que l’Afrique soit le seul continent bénéficiaire de ce nouvel amendement. Elle réclame au nouveau ministre délégué en charge du commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester, de prévoir sans délai un plan de soutien complémentaire en faveur des entrepreneurs français à l’étranger, avec notamment la création d’un fonds de soutien au commerce extérieur doté de 10 M€ de crédits budgétaires.
Calendes grecques ?
Par ailleurs, sollicitées par nos soins, ni l’AFD ni la Proparco n’ont souhaité répondre à nos questions concernant les modalités d’octroi de ces prêts et garanties nouvellement débloqués, “pour le moment”, étant donné qu’une grande partie du personnel de l’Agence est désormais en congés estivaux et que de nombreux points du dispositif doivent encore être précisés. Les entrepreneurs d’Afrique devront donc s’armer de patience avant de pouvoir bénéficier de ces aides supplémentaires, dans un contexte où la pandémie de coronavirus s’accélère sur le continent.