“Love is not tourism”, c’est le nouveau slogan que tentent de faire entendre des centaines de couples parfois séparés par plusieurs centaines de kilomètres à cause de la pandémie. Dans l’impossibilité de se déplacer, certains couples ne sont pas vus depuis plusieurs mois. “On prévoyait de se marier en mai”, explique Nicolas, en couple avec une Russe. “Ça a tout chamboulé, rien que pour son appartement par exemple, on a dû trouver des situations en urgence pour ne pas que ma compagne se retrouve à la rue”, déplore le Français.
Avec la pandémie, les consulats et les différents services administratifs ont fermé, annulant toute possibilité de créer ou renouveler son visa. “Nous étions sur le point de faire les procédures de visa et d’un coup tout s’est fermé”, regrette Nicolas.
“Faire entendre la cause”
Dans l’urgence sanitaire, le sujet n’était pas la priorité. Pour faire entendre ce problème deux pétitions ont été lancées, l’une recueillant 1 300 signataires à l’heure où nous écrivons, et la seconde 1031 signataires. En parallèle, un groupe Facebook de plus de 10 000 personnes s’est créé. “On s’aperçoit que des milliers de couples sont dans cette situation”, explique Pierre, en couple avec une américaine. “Avant la crise on ne pensait pas qu’autant de personnes partageaient notre mode de vie”, s’amuse Pierre.
Par ailleurs, l’organisation internationale “Love Is not Tourisme” s’est créée il y a moins d’un mois. Depuis son site internet, l’association recense les actions menées dans chaque pays pour tenter de permettre aux couples de se retrouver. Pour la France, elle partage les liens des deux pétitions créées, ainsi qu’un document avec toutes les adresses mail des députés pour permettre à chaque Français de contacter celui de sa circonscription afin de l’alerter sur son sort.
Prévenus par les Français de leur circonscription, de nombreux élus, députés, sénateurs ou conseillers des Français de l’étranger ont mis le sujet sur la table. La députée de la République en marche Anne Genetet a notamment créé un sondage pour recenser le nombre de couples dans cette situation. À l’heure où nous écrivons, plus de 700 personnes se sont manifestées.
La sénatrice Républicaine des Français à l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam ainsi que la sénatrice Socialiste Hélène Conway-Mouret ont chacune adressé une lettre à ce sujet aux ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur.
Les demandes formulées
Entre les élus et les particuliers, plusieurs demandes ont été formulées. La plus populaire est de créer un système similaire à ce qui existe en Suède ou au Danemark. Ces pays mettent à disposition un formulaire à signer sur l’honneur. Il permet aux personnes habitant dans des pays avec lesquels l’Union européenne a rouvert ses frontières de pouvoir venir sans visa. Ce qui facilite grandement les choses, dans la mesure où les demandes de visa sont toutes annulées pour des raisons sanitaires. Cependant la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret, constate que “la liste des pays ouverts reste extrêmement limitée”.
Une autre solution proposée est de simplifier les démarches administratives des visas à courte durée. Aujourd’hui lorsque vous faites une demande de visa à l’étranger, ce n’est plus l’État français qui assure la gestion des dossiers de visa, mais des sociétés privées. Avec la crise, ce système s’est vite révélé compliqué. Ainsi il est également demandé de pouvoir connaître la raison du refus de visa.
Enfin, une totale transparence est demandée au gouvernement. La Fédération des Français à l’étranger du parti socialiste, (FFE-PS) veut notamment connaître le nombre de demandes de visas de retrouvailles en cours d’examen. “Cela permettra d’obtenir des chiffres”, explique Florian Bohème, porte-parole de la FFE-PS. Il est aussi demandé que les consignes données par l’État français pour pouvoir rentrer en France soient publiques et précises. Le porte-parole déplore: “tous ces gens veulent respecter les règles, mais faut-il encore les connaître”.
Les réponses du gouvernement
Malgré ces nombreuses sollicitations, l’Etat français reste évasif. Une source supplémentaire d’agacement pour ces couples. “Presque tout le monde a reçu le même type de réponses standard”, déplore Florian Bohème, qui regrette que la France ne se contente que de ce “courrier-type”.
La sénatrice Hélène Conway-Mouret explique cette confusion par la longue attente de la nomination du secrétaire d’État des Français de l’étranger, Jean-Baptiste Lemoyne.
Des couples non reconnus
L’administration française ne reconnaît que les couples mariés, pacsés ou en concubinage. N’ayant pas de point fixe, les couples binationaux ne peuvent souvent pas prouver leur concubinage, ce qui les exclut de leur droit de rapprochement.
Pour Florian Bohème, “il faut que la France applique les recommandations de l’Union européenne dans ce domaine”. Dans une lettre écrite le 7 juin, l’Eurodéputée suédoise Ylva Johansson, recommande aux États membres de permettre de simplifier les mesures pour permettre aux couples non mariés de se retrouver. “La situation est pire pour les jeunes, il est très dur pour eux de prouver leur couple”, explique Florian Bohème. Il précise: “On se bat, pour expliquer à l’État français qu’un couple ce n’est pas forcément un homme, une femme et des enfants”.
De plus, beaucoup de couples non mariés ne savent pas comment justifier leur concubinage. Ainsi, beaucoup se demandent si des photos publiées sur Facebook où le couple est ensemble est une preuve de vie en commun. Mais également si des billets d’avion peuvent être une preuve supplémentaire. Toutes ces questions n’ont toujours pas obtenu de réponses pour le moment.