Avec plus de 20 000 élèves dans 22 établissements, l’Espagne, où les élèves ont commencé leur rentrée dès la semaine dernière, est l’un des plus importants pays du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Ici, comme dans de nombreux pays à travers le monde, de nombreuses familles s’inquiètent des protocoles sanitaires et des aides financières mis en place par l’AEFE pour faire face à la crise.
Le casse-tête du protocole sanitaire
En quête de réassurance, ces familles ont ainsi été informées à la rentrée que chaque région avait pris ses propres mesures sanitaires. A Barcelone, au Lycée français, les élèves ont été autorisés à être présents dans la même salle de classe. A Madrid, a contrario, les élèves suivent leurs cours en semi-présentiel, une partie de la classe par vidéo-conférence tandis que l’autre moitié est présente dans l’établissement. Quant aux élèves du Lycée français de Valence, ils suivent seulement leurs classes la matinée en attendant que soient installés prochainement en salles de classe des séparations en plexiglas…
D’après le conseiller des Français de l’étranger, Renaud Le Berre, professeur de sciences économiques et sociales (SES) au Lycée français de Barcelone, la situation est particulièrement complexe à gérer face aux différents stades de l’épidémie à travers le pays : « C’est très difficile d’anticiper. L’épidémie à Madrid, par exemple, est beaucoup plus avancée qu’en Catalogne. A Barcelone, nous avions été touchés par le rebond de l’épidémie plus tôt, mais à l’heure actuelle, l’épidémie semble être mieux contrôlée qu’à Madrid. Cette situation crée un flou artistique ».
Et ces mesures sanitaires restent encore fragiles : en quelques jours, des cas de contaminations ont d’ores et déjà été déclarés dans deux établissements français, à Madrid et à Ibiza, d’après la presse espagnole…
Des familles dans l’incertitude économique
En parallèle de la gestion de la crise sanitaire, ce sont aussi les difficultés financières qui pèsent sur les familles. Selon l’élu de Barcelone, un certain nombre de parents semblent ainsi toujours hésiter à conserver l’inscription de leurs enfants dans les établissements français. « Il y a encore beaucoup d’interrogations. Je pense que beaucoup de familles observent comment se déroulent la rentrée. C’est important pour la survie des établissements que la rentrée se fasse de manière sereine » insiste-t-il.
En Espagne, les risques de désinscription dans le réseau sont très importants, en particulier pour les nombreuses familles frappées de plein fouet par la crise économique. Au Lycée français de Barcelone par exemple, un certain nombre d’inscriptions semblent toujours impayées, une situation qui ne manque pas de préoccuper l’établissement. Du côté des familles, les inquiétudes ont été amplifiées par les réponses tardives pour les demandes de bourses. Comme chaque année, les parents n’ont obtenu le résultat final de la première commission que quelques jours avant la rentrée, leur laissant seulement une quinzaine de jours pour déposer un recours. « Le délai est relativement court, déclare Renaud Le Berre. Quelques jours avant la rentrée, les familles ne savaient pas si elles avaient obtenu leurs bourses. Elles vivent dans l’angoisse ».
Mais, ce qui préoccupe encore davantage l’élu, c’est l’ampleur des démarches administratives : « Les instructions de l’AEFE cherchent plutôt les fraudeurs qu’encourager les demandeurs. Il y a un coût de vérification énorme dans les bourses pour un résultat relativement faible. Cela décourage un certain nombre de demandeurs »
Du fait de ces difficultés, les familles s’appuient, au delà des bourses, sur les fonds de solidarité alimentés par les familles. Ces fonds, présents dans un certain nombre d’établissements, bénéficient d’un fonctionnement beaucoup plus souple, selon Renaud Le Berre. « Par exemple au Lycée Français de Barcelone, un fonds de solidarité de 230 000 euros a été constitué pour aider les familles non-boursières qui avaient une difficulté ponctuelle et qui ne pouvaient pas faire face à leurs frais de scolarité. Ce fonds a encore été renforcé au printemps de l’année dernière ».
Quid des “bourses Covid-19” ?
Face aux difficultés des familles françaises et étrangères, le gouvernement français, dans son plan d’aide aux Français de l’étranger, a promis 50 millions d’euros de subventions pour les établissements français à l’étranger. Ce fonds devait permettre notamment aux établissements d’aider les familles françaises et étrangères en leur octroyant une bourse exceptionnelle, une « bourse Covid-19 », pour régler en particulier le troisième trimestre de la précédente année scolaire. Seulement, en cette rentrée des classes, uniquement un tiers de ce fonds aurait été utilisé, le niveau de demandes restant encore relativement faible.
La députée LREM des Français d’Espagne, du Portugal, de Monaco et d’Andorre, Samantha Cazebonne, membre du conseil d’administration de l’AEFE, s’inquiète de ce dysfonctionnement. Un rapport doit être remis, selon elle, aux parlementaires fin octobre par l’AEFE pour que ces derniers examinent la répartition de ces aides. D’après la députée, ces sommes doivent en outre servir à aider les établissements dans leurs frais de fonctionnement pour faire face à la crise : « J’avais déposé un amendement, qui a été voté, pour que tous les établissements qui demanderont une aide de l’Etat soient aidés sur ces 50 millions, pour faire de la formation, acquérir du matériel informatique et tout ce qui a trait au sanitaire, à la prise en charge du matériel » insiste la députée.
Autre problématique, d’après Samantha Cazebonne, plusieurs établissements chargés de gérer ces sommes, sont toujours forcés d’avancer les fonds : « Beaucoup d’établissements n’ont pas vu la part de subventions qui leur revenait. Il faut que nous cherchions où ça bloque. Certains établissements ont apporté le soutien aux familles en prenant sur leur réserve, alors que l’argent n’avait pas encore été transféré. Pour l’instant, les crédits qui devaient rembourser les établissements pour prendre en charge ces bourses ne sont pas tous arrivés à destination ».
Pour Renaud Le Berre, les critères d’éligibilité pour la bourse Covid-19 sont eux aussi problématiques : « Au niveau global, le budget annoncé pour les bourses Covid-19 est assez important. Cependant les critères d’attribution pour cette bourse, comme pour les autres bourses, sont assez exigeants et découragent un certain nombre de familles. Je pense en particulier au seuil du patrimoine immobilier de 250 000 euros, très restrictif dans les grandes villes où le coût de l’immobilier est élevé. Si certaines familles pouvaient être, il y a quelques années, dans une bonne situation, avoir payé leur appartement, elles peuvent se retrouver soudainement avec très peu de revenus du fait de la crise ».