Avec le développement d’une offre de services à distance, malgré la crise du Covid-19, l’institution n’a jamais coupé les ponts avec ses usagers dans leur projet à l’étranger. Mieux, elle a pu encore plus personnaliser l’accompagnement de ces publics isolés du fait même du confinement. Entretien avec Florence Dumontier, directrice Europe et relations internationales à Pôle Emploi.
Français à l’étranger : Comment s’est passée cette rentrée inédite ?
Florence Dumontier : Pôle emploi a procédé à la réouverture de ses agences en tenant compte des règles sanitaires. Pour les demandeurs d’emploi en mobilité internationale, la pandémie a finalement eu peu d’impact car nous les suivons à distance : les services sont délivrés par téléphone, e-mail, Skype ou visioconférence. Nos équipes ont réintégré les locaux et conduisent leurs activités en partie en agence et en partie en télétravail. Nous avons constaté un léger fléchissement des entrées, car la mobilité internationale capte moins l’intérêt, il y a moins de départs avec des opportunités plus compliquées à mettre en œuvre. Par conséquent les sorties pour des emplois à l’international sont aussi un peu ralenties. Pour autant, les personnes que nous avons dans nos portefeuilles sont accrochées à leur projet. Lorsqu’un demandeur d’emploi veut partir à l’étranger, son projet lui tient souvent à cœur, suffisamment pour continuer à l’explorer même s’il peut prendre un autre job en France ou bénéficier d’une formation, le temps de concrétiser son départ.
FAE : Où en sont les offres ?
F. D. : Sur le site www.pole-emploi.fr, il y a environ 646 000 offres, et près de 2 000 pour l’étranger, aussi bien pour des postes de boulanger que d’ingénieur ; on couvre une très large palette de métiers. Parmi les demandeurs d’emploi en France, près de 70% cherchent à aller en Europe ou au Canada. Et pour l’Europe, sur le site Eures, il y a plus de 2.779.000 offres, c’est moins qu’avant le Covid où l’on approchait les quatre millions. Au Canada, les frontières sont fermées sauf pour certains secteurs. Si un employeur démontre que c’est le recrutement dont il a besoin, il pourra faire les procédures nécessaires. Les opportunités concernent les secteurs de la construction et de la santé. En Europe, la situation varie d’un jour à l’autre.
Le conseil que l’on peut donner à un candidat qui souhaite partir à l’étranger, c’est de se mettre en veille : une frontière fermée peut être ouverte le lendemain, et vice-versa. Des offres d’emploi sont disponibles par exemple au Luxembourg, en Roumanie, en Grande-Bretagne ou au Portugal. On en a même reçu pour la Finlande, la Laponie, pour les fêtes de fin d’année. Il faut aussi regarder les propositions de V.I.E (volontariat international en entreprise) sur le site de Business France. Ce ne sont pas exactement des offres d’emplois mais il y a des opportunités à saisir.
FAE : La mobilité internationale suscite-t-elle toujours le même engouement ?
F. D. : L’étranger pour les jeunes est souvent un accélérateur d’expériences. C’est vraiment quelque chose qui, en matière de compétences, va faire grandir. Il est recommandé de consulter le site du ministère des Affaires étrangères pour tous les conseils aux voyageurs. Pour certains pays, le processus d’émigration peut s’avérer compliqué. En Europe, la libre circulation des travailleurs facilite les formalités administratives. Le site www.reopen.eu , mis en place par la Commission européenne, permet de s’informer sur les conditions d’accès au pays au regard de la situation sanitaire. En fonction du pays que vous ciblez et de celui où vous résidez, vous profiterez de conseils utiles : est-ce qu’il y a une quarantaine ? Est-ce qu’il faut faire des tests ? Les informations sont actualisées quotidiennement et fiables.
FAE : Les profils ont-ils changé ?
F. D. : Il y a deux sortes de profils : ceux qui veulent rejoindre leur famille à l’étranger et cela prendra peut-être plus de temps ; et ceux qui ont le projet d’une mobilité à l’international parce que ça reste une expérience bénéfique mais dont la mise en œuvre s’avère moins souple dans le contexte actuel. À l’échelle européenne, la Commission s’engage à maintenir la libre circulation des travailleurs. Ce mouvement va continuer avec Eures, le portail européen de la mobilité de l’emploi. Le travail de synthèse qu’il réalise quant à l’impact sur le marché du travail de chaque État membre vise à donner une visibilité sur l’ensemble des marchés du travail en Europe.
FAE : Quels sont les objectifs de Pôle emploi à l’international ?
F. D. : Aujourd’hui nous accompagnons 7 400 demandeurs d’emploi qui souhaitent travailler à l’étranger et nous sommes en capacité d’accueillir encore plus de candidats. Un demandeur d’emploi qui envisage une mobilité professionnelle à l’étranger doit continuer à « travailler » son projet dans la durée. Il peut, en s’inscrivant à Pôle emploi, bénéficier du suivi par les équipes dédiées à l’international. Nos conseillers vont l’aider à mûrir son projet de façon à ce que, quand la frontière ouvre ou que les conditions sont réunies, il puisse partir. L’enjeu, c’est de se préparer pour l’avenir : se former aux langues, se renseigner sur le pays, décrocher des entretiens par visioconférence, etc.
FAE : Et pour ceux qui rentrent ?
F. D. : Nous déployons une offre de services pour les personnes qui reviennent en France. Elles pourront suivre des webinaires pour les sensibiliser à ce qu’est le travail en France, la question des codes de recrutement, de la pratique des réseaux. Cette offre sera accessible à ceux qui sont inscrits à Pôle emploi. Sur l’espace « Emploi Store » de Pôle emploi, le e-service « b.a.-ba du retour » donne quelques clés pour commencer à préparer son arrivée en France.
FAE : Où en est-on du télétravail chez Pôle emploi ?
F. D. : Comme tous les établissements, nous réfléchissons à sa mise en œuvre, de façon plus systématique mais aussi plus organisée. Au mois de mars, tout le monde a télétravaillé dans le cadre du confinement et d’une gestion de crise sanitaire nationale. En ce qui concerne notre offre de services, nous réfléchissons pour nos usagers en étant encore plus dans la personnalisation grâce au numérique. Pour certains demandeurs d’emploi, l’accès au numérique n’est pas une chose facile. Cela nous conduit à aller au plus près des besoins de ce public et de mieux l’accompagner pour lui permettre d’accéder à ces outils.
Aller plus loin : www.pole-emploi.fr
> La belle histoire de Juliette
Elle a 39 ans. Inscrite comme demandeur d’emploi et bénéficiaire du RSA (revenu de solidarité active), elle était à la recherche d’un emploi stable. Après des études de psychologie, elle a enchaîné plusieurs postes dans des secteurs divers. Grâce à Pôle Emploi, elle a trouvé son bonheur au Luxembourg.
Travailler à l’étranger, Juliette y avait pensé mais cela lui semblait inaccessible ! Son conseiller Pôle emploi l’a orientée vers l’une des sept équipes Mobilité internationale. Le suivi s’est effectué à distance, avec des contacts réguliers par téléphone, visioconférence et mail. Pendant huit mois, grâce à un accompagnement personnalisé, elle a pu préciser, construire et réaliser son projet. Sa conseillère dédiée à l’international l’a aidée à sécuriser sa recherche d’emploi : appui à la rédaction du CV, simulations d’entretiens, coaching et aide financière pour se rendre à l’entretien de recrutement qu’elle a décroché au Luxembourg. En ce début octobre, Juliette va rejoindre son nouveau lieu de travail dans une galerie d’art ancien au Luxembourg ; « l’emploi de ses rêves » selon ses propres termes ! Malgré le contexte de crise sanitaire, la remobilisation par sa conseillère