Le 22 octobre, 33 personnes des services généraux ont été licenciés et 7 enseignants ont été informés du non renouvellement de leur contrat à la fin de l’année scolaire. Ces suppressions de postes doivent permettre d’économiser 220 000 euros par an.
“Tristesse, désarroi et indignation”
Pour les membres du lycée, la pilule est amère. Dans un courrier adressé le 30 octobre à Olivier Brochet, le directeur général de l’AEFE, les syndicats représentant les personnels de l’établissement (FSU, SNES, SNUIPP Chili) font part du choc provoqué par ces coupes salariales: “Nous nous tournons aujourd’hui vers vous pour vous exprimer notre grande tristesse, notre profond désarroi et notre indignation (…) Il nous est très difficile d’accepter une telle décision, prise sans concertation préalable avec les membres de la communauté scolaire concernés et sans recherche d’autres solutions qui auraient pu atténuer l’effet dévastateur d’une telle mesure (…) Aucun signe ne laissait présager cette coupe claire, le comité de gestion s’étant même engagé à ne pas licencier de personnels”.
Les 33 techniciens de service devraient être remplacés par une entreprise externalisée, permettant de faire ainsi baisser les coûts d’entretien du lycée. Pour les syndicats, ce remplacement constituera un coût humain déplorable: “les techniciens de service sont des employés appréciés, travaillant en collaboration et en totale confiance avec toute la communauté, des piliers fondamentaux pour le bon fonctionnement du lycée, où certains exercent leur labeur depuis plus de 20 ans et connaissent parfaitement les spécificités de notre établissement scolaire. Le choix d’une entreprise externalisée permettrait, certes, de baisser les coûts mais signifie d’un autre côté une précarisation du travail, un personnel fluctuant et peu impliqué dans les liens avec les enseignants, les élèves et l’administration”. Le courrier est, au jour où nous écrivons, resté sans réponse.
Sous le choc de ces annonces, les membres du personnel du lycée se sont mis en grève le 9 novembre. Le mouvement a été suivi par la moitié des salariés de l’établissement.
“La décision la plus douloureuse de son histoire”
C’est en ces termes que la direction du lycée privé Antoine de Saint-Exupéry qualifie ces coupes dans sa masse salariale, prise à l’unanimité par les neuf membres de son conseil d’administration. La crise sanitaire liée au coronavirus a largement amputé les revenus du lycée: “en raison de la pandémie, 85 élèves qui arrivent habituellement de l’hémisphère nord en milieu d’année ne sont pas venus compenser les départs. Parallèlement, les impayés ont doublé, affectant fortement la trésorerie de l’établissement. Cette situation a fragilisé l’établissement qui a dû prendre des mesures pour passer la crise actuelle, notamment la création d’un Fonds de solidarité pour les familles les plus affectées, qui a permis d’aider plusieurs familles pour un montant que 541 millions de pesos (600 000 euros ndrl), afin de les aider à couvrir une partie des mensualités, de mars à novembre”, explique la direction du lycée. Les revenus de l’établissement provenant des frais de scolarité, son conseil d’administration a bien tenté d’en augmenter le coût. Mais cette mesure a été rejetée par les parents d’élève à l’occasion des trois dernières assemblées générales du lycée.
La direction du lycée affirme ne pas vouloir laisser tomber les personnels remerciés. Aussi, des mesures compensatoires ont été mises en place: les employés du lycée disposent d’une bourse couvrant plus de 90% de la scolarité de leurs enfants et il a été proposé aux licenciés de maintenir cet avantage jusqu’à la classe de terminale. Douze élèves sont concernés par cette mesure. “Par ailleurs, nous accompagnons de manière personnalisée tous les personnels concernés dans leur recherche d’emploi”, veut rassurer l’établissement.
L’AEFE, un soutien en arrière-plan
Le lycée Antoine de Saint-Exupéry est un établissement privé du réseau AEFE, conventionné avec l’Agence. De par ce statut, l’AEFE n’a ainsi pas la responsabilité du lycée: c’est le comité de gestion de l’établissement qui assume sa gestion économique et budgétaire. Une croissance des effectifs a conduit l’établissement à s’engager dans un projet immobilier représentant un investissement de 40 millions d’euros. Or, le lycée a connu ces dernières années des difficultés qui l’ont conduit à restructurer sa dette avec le soutien de l’Agence qui l’a accompagné dans ses efforts. L’équilibre budgétaire était censé être retrouvé en 2022.
Mais la crise économique et sociale au Chili a remis en cause ce plan de de restructuration de la dette, qui ne devait initialement pas avoir d’impact sur les ressources humaines. Contacté par nos soins, Olivier Brochet, le directeur général de l’AEFE, estime que l’Agence ne pouvait pas davantage venir en aide à l’établissement: “en liaison avec l’ambassade de France au Chili, l’AEFE s’est assurée que ces décisions difficiles soient mises en œuvre dans les meilleures conditions possibles, avec humanité et respect: tous les agents ont été reçus, les conditions de licenciement sont allées au-delà des règles de la législation chilienne”. Alors que les Chiliens ont voté en faveur de l’adoption d’une nouvelle constitution fin octobre, afin d’ouvrir une nouvelle page politique du pays, le lycée Antoine de Saint-Exupéry doit lui aussi réinventer son modèle.