Français à l’étranger : Quel est votre parcours ?
Romain Duriez : J’ai grandi au Havre puis étudié à Rouen avant de partir vers différentes expériences, universitaires d’abord en Allemagne ainsi que professionnelles au Royaume-Uni et en Blegique. J’ai poursuivi par la Suisse pour un premier passage en 2000, où je suis revenu fin 2003 comme chef de projet à la CCI France Suisse. J’en ai repris la direction commerciale en 2005 puis la direction générale en 2008, avec notre siège à Genève, mais aussi des bureaux à Bâle et à Zurich. Notre double mission nous amène à agir pour les entreprises françaises déjà installées ici, de les fédérer, d’animer le réseau et d’informer ; mais nous servons également chaque année plus de 1’200 prestations de services à des entreprises françaises et suisses pour leur permettre d’accéder rapidement et facilement à l’autre marché.
FAE : Combien d’entreprises françaises sont-elles présentes en Suisse ?
R. D. : Nous avons aujourd’hui plus de 750 entreprises membres. Le nombre de nos adhérents a ainsi doublé entre 2008 et 2017. Le budget de la CCI France Suisse, lui, a quasiment triplé sur la même période. Ceci grâce naturellement au recrutement de nouveaux membres, mais également à la montée en puissance de nos services d’appui opérationnel aux entreprises et aux PME françaises en particulier. Nous les accompagnons quotidiennement sur le marché suisse, au travers d’opérations collectives sectorielles et de services d’appui individuel pour se développer, se structurer et s’implanter durablement sur un marché mature et souvent complexe.
FAE : Quelles sont les spécificités du marché suisse ?
R. D. : La Suisse est en dehors de l’Union européenne. C’est une confédération avec 26 États ayant un certain degré d’autonomie, 4 langues nationales et des cultures marquées. La tendance pour beaucoup de PME françaises est souvent de s’implanter en premier lieu en Suisse romande, en particulier pour les entreprises basées en Auvergne-Rhône Alpes ou en Île-de-France par exemple, le tropisme peut être différent pour les sociétés du Grand Est et de Bourgogne Franche Comté. Le marché romand est toutefois restreint et constitue une sorte de test sur le marché suisse, avant de se développer en Suisse alémanique trois ou quatre années plus tard.
FAE : Quels conseils donner à un Français qui souhaiterait s’installer en Suisse ?
R. D. : Il est important de bien comprendre le marché dans lequel on va évoluer et à ce titre il convient de prendre de nombreux contacts pour bien appréhender ce nouvel environnement, cas les similitudes sont souvent trompeuses et le fait d’avoir une langue commune n’aide pas nécessairement et peut être piégeant.
3 éléments clefs à prendre en considération : la culture du compromis, la notion de sécurité et de qualité de service (et des relations), l’humilité ; en travaillant sur ces 3 axes il est possible de réussir son intégration sur un marché complexe et mature mais qui offre aussi beaucoup d’opportunités.
Le premier est de prendre du temps pour bien comprendre le marché et bien appréhender la culture ou plutôt les cultures suisses, les schémas d’organisations professionnelles plutôt orientés sur un système de milice, la relation employé-employeur pensée comme un partenariat, la culture d’entreprise avec ses sphères de responsabilité bien déterminées et souvent une aversion pour le modèle du leader trop bruyant. Si nous parlons la même langue – en tout cas pour la partie romande – nous ne disons pas nécessairement les mêmes choses et il ne faut pas que cette proximité linguistique, géographique et culturelle d’un certain point de vue, masque aux yeux du français souhaitant installer son entreprise en Suisse romande les différences qui existent. Les échecs arrivent mais les succès sont nombreux.
Lui écrire : rduriez@ccifs.ch