Français à l’étranger a organisé, avec le ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, vendredi 12 février, une réunion publique virtuelle destinée aux Français du Royaume-Uni. Pour répondre à leurs questions, un ministre et un député. Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Tourisme, des Français de l’étranger et de la Francophonie, s’était prêté au jeu, tout comme Alexandre Holroyd, élu de la troisième circonscription des Français de l’étranger (les îles Britanniques, les pays nordiques et les pays baltes). Devant le succès de ces échanges, en particulier sur les réseaux sociaux, Français à l’étranger publie toute le semaine un best of de cette heure de dialogue direct.
Français à l’étranger : On perçoit un peu d’angoisse, comme si la Manche était devenue subitement un océan. Les Français du Royaume-Uni, à cause du Brexit mais surtout du virus, sont-ils devenus, Monsieur le Ministre, persona non grata en France ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Les Français établis au Royaume-Uni vont demeurer ce pont si précieux entre les deux pays. Il y a eu en effet cet épisode du Brexit que nous n’avons pas forcément souhaité. Effectivement, ce vote change beaucoup de choses dans la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. C’est pour cela que nous avons besoin, plus que jamais, de la richesse de cette communauté établie hors de France. Je suis certain que grâce à eux, on pourra bâtir une relation toujours plus étroite. Dans un nouveau cadre, certes, mais elle doit rester étroite et les Français du Royaume-Uni y ont un rôle clé à jouer.
Pour ce qui est de la mobilité, les Français établis hors de France ont naturellement la capacité à revenir en France. Néanmoins, nous sommes ici dans un contexte particulier de lutte contre la pandémie qui nous oblige à mettre en place un certain nombre de restrictions, comme les fameux motifs impérieux, auxquels tous les Français sont soumis. Je reconnais que c’est une situation très pénible car il y a parfois des familles qui n’ont pas pu se voir pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. J’espère que cette mesure sera la plus limitée dans le temps possible et que nous aurons réussi à vaincre le virus et ses variants. Chaque semaine qui passe, nous arrivons à stabiliser la situation et avec un peu d’espoir, cela nous permettra de desserrer l’étau. Mais aujourd’hui, ces efforts sont nécessaires, nous avons besoin de limiter la mobilité pour éviter toute diffusion excessive de ce variant. J’ai conscience que les Français de Grande-Bretagne sont, comme tous les Britanniques, dans une situation encore plus entravée que celle des Français de France. Le confinement étant en vigueur au Royaume-Uni, on ne peut sortir de chez soi que pour des cas très limités.
Français à l’étranger : Vous ne craignez pas que ces Français du Royaume-Uni se sentent depuis le Brexit et la pandémie marginalisés, encore plus éloignés et à l’écart de la France ?
Alexandre Holroyd : Les Français du Royaume-Uni vivent dans une immense inquiétude depuis le vote qui a remis en cause tous leurs droits il y a quatre ans et demi. Depuis 2016, le président de la République, le ministre des affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, se battent chaque jour à Bruxelles pour que tous les droits des Français qui habitent au Royaume-Uni soient préservés. C’est ce qu’il s’est passé dans l’accord de retrait. Il est légitime que cet accord complexe créé une grande inquiétude. Leur statut change, la façon dont ils cotisent pour leur retraite, leur capacité à rentrer en France, etc. Il y a toutes sortes de sujets qui découlent de cet accord de retrait. A ceci se télescope maintenant une crise sanitaire extrêmement grave au Royaume-Uni puisque c’est le pays le plus touché du continent européen. Donc évidemment, ils vivent dans une angoisse que je vois au quotidien. Il est très clair qu’il faut qu’on amène des réponses les plus concrètes possibles et du soutien. Des idées très conséquentes ont été développées pour les Français du Royaume-Uni. Pour sortir de chez soi au Royaume-Uni aujourd’hui il faut un motif impérieux sous droit britannique. Il faut être très clair, les Français pourront toujours revenir dans le besoin en France. La mesure aujourd’hui a pour vocation de limiter le plus possible les flux parce que c’était essentiel pour préserver la situation sanitaire ici en France mais aussi au Royaume-Uni. Mais cette mesure a vocation à être temporaire, c’est une situation de crise. Nous avons toujours été aux côtés des Français de l’étranger et nous le serons toujours.
Français à l’étranger : Comment voyez-vous l’avenir de la relation bilatérale depuis que le Brexit est acté ? Est-ce que nos deux pays sont voués à s’éloigner ?
J-B.L : Géographiquement, nous sommes voisins de quelques dizaines de kilomètres. Cela signifie que la France et le Royaume-Uni resteront définitivement des états voisins, des états riverains, des états qui ont forgé justement des liens très forts entre les populations. Beaucoup de Britanniques résident en France et beaucoup de Français résident en Grande-Bretagne. Ces communautés seront donc plus que jamais des ponts précieux. Cela signifie que nous avons aussi des parties prenantes ensemble. Nous sommes membres du conseil de sécurité, du G7 et de l’OTAN ensemble. Nous avons donc plein de sujets sur lesquels nous allons justement continuer de travailler ensemble.
Avec Jean-Yves le Drian, Clément Beaune et les parlementaires, nous allons oeuvrer pour apporter des réponses sur divers sujets de la vie quotidienne pratique des Français établis au Royaume-Uni. Mais pour cela, nous avons aussi besoin des Britanniques parce que ces réponses on les bâtit à deux, pas tout seul.
Français à l’étranger : Avez-vous découvert des trous dans la raquette depuis l’entrée en vigueur du Brexit ? Des situations qui n’avaient pas été prévu dans la vie quotidienne des Français au Royaume-Uni ?
A.H : Je pense qu’il y a beaucoup d’interrogations qui se posent sur la mise en œuvre de cet accord parce qu’il est très complexe. Il y a des questions qu’il faut que l’on résolve au fur et à mesure du temps. Cela prendra un certain temps, il faut amener des certitudes et des réponses très claires à tous les Français du Royaume-Uni pour les rassurer, pour leur dire que leurs droits sont préservés. Je rejoins parfaitement ce que Monsieur le ministre disait, les liens que nous avons tissés ensemble ne sont pas voués à disparaître. Par contre, il nous revient de faire l’effort respectivement des deux côtés de la Manche, de continuer à les construire. Je veux saluer l’ensemble des Français de l’étranger qui se mobilise pour maintenir ces liens. Ceux qui habitent au Royaume-Uni qui, par le milieu associatif, des écoles flammes, etc., maintiennent vivant ce lien humain qui unit nos deux pays.