Les entrepreneurs français de l’étranger (EFE) sont des Français installés à l’étranger, qui ont créé leur entreprise selon les règles du droit local. Ils ne reçoivent, à ce titre, aucun soutien de la France et pourtant ils peuvent contribuer à son rayonnement économique et culturel. Pour les aider, CCI France International et les Conseillers du commerce extérieur ont décidé de créer une structure. Baptisée EFE International, elle leur permettra notamment d’avoir recours aux Volontaires internationaux en entreprise (VIE), alors que ça n’était pas le cas jusqu’à présent.
Alain Taieb, président d’EFE International et Charles Maridor, directeur général d’EFE International, ont réservé à Français à l’étranger l’annonce de ce lancement. Alain Taieb est également président du groupe AGS Mobilitas et conseiller du commerce extérieur ; Charles Maridor est délégué général de CCI France International.
Français à l’étranger : comment est née cette idée de créer une structure pour les entrepreneurs français de l’étranger ?
Alain Taieb : le sort des EFE est souvent abordé au cours de nos réunions de conseillers du commerce extérieur. On ne les a jamais dénombrées, elles n’ont jamais été mises en valeur, et pourtant ce sont des relais de la France. Pendant la crise, elles ont beaucoup souffert, mais la France ne leur est pas venue en aide. Et pour cause : on n’a pas de dispositif pour cela. Ca n’a pas de sens et la conséquence de cela, c’est que ce maillon important pour le pays souffre.
FAE : est-ce qu’on les connait bien ?
A.T. : non. Personne n’a jamais cherché à les recenser. Il y a une véritable méconnaissance. On est là pour y remédier. Et on va les aider. Ces gens n’avaient droit à rien. Et par exemple pas aux VIE, à l’inverse d’une filiale d’une entreprise française basée à l’étranger. Si vous êtes un EFE, que vous n’avez pas de base en France, vous ne pouvez pas embaucher un VIE. On a voulu trouver une solution rapide à cela. On crée donc une société française et on demande aux EFE qui le veulent de prendre une action. La société est basée en France, elle est inscrite au registre du commerce de Paris. Il faut quelqu’un en France qui soit responsable, ce sera elle.
FAE : comment a été reçue cette initiative ?
A.T. : on a eu l’approbation enthousiaste de Jean-Yves le Drian, et Bercy a suivi également. En six mois on a convaincu tout le monde. On a déjà quatre EFE actionnaires, on discute avec beaucoup d’autres et on en espère des milliers ! Je connais beaucoup d’EFE qui veulent recruter des jeunes ingénieurs, par exemple, qui ont besoin d’un second, éventuellement pour leur succéder. Nous, entrepreneurs privés, avons réussi à régler un problème que personne ne savait régler. Il faut faire confiance aux opérateurs privés.
FAE : EFE International aura-t-elle d’autres missions que de permettre aux EFE d’engager des VIE ?
A.T. : oui. Outre le portage administratif de VIE qui sera de loin son activité première, EFE International aura également vocation à porter assistance aux EFE, pour renforcer leurs liens avec la France, notamment pour sourcer des produits et services en France. Cette structure, qui réunit les deux principaux réseaux d’affaires français à l’étranger, s’efforcera également de favoriser la mise en contact de ces EFE avec de potentiels investisseurs français, de France et de l’étranger.
Il est important de signaler que l’accès à ce dispositif sera réservé à des EFE répondant des critères stricts liés à leur contribution au commerce extérieur ou au rayonnement de la France. Grâce à EFE International nous ambitionnons d’ailleurs d’en convaincre beaucoup plus à promouvoir des produits et services de notre pays.
FAE : en quoi les EFE contribuent-ils au rayonnement de la France à l’étranger ?
A.T. : les EFE au sens large sont des entreprises fondées et/ou dirigées par un ou des Français. Elles font, pour nombre d’entre elles, partie du « soft power » français à l’étranger, en diffusant produits ou services d’origine française, ou en faisant la promotion de notre « french touch ».
Celles qui seront ciblées par EFE International sont celles dont l’activité abonde l’économie française, soit directement, à travers la représentation, l’importation, la distribution de produits ou services français, soit indirectement par la recommandation de technologies, produits, services français. Seront également considérée toutes les EFE dont l’activité assure la promotion de la France et d’un savoir-faire français dans le pays de résidence et toutes celle dont le projet est de développer de façon significative les flux d’importation depuis la France ou encore d’investir en France. Pour résumer, il s’agira en quelque sorte d’EFE « portant la marque France ».
FAE : le dispositif ne sera-t-il pas trop coûteux pour les entrepreneurs français de l’étranger ?
A.T. : le coût final du V.I.E. ne sera pas forcément toujours avantageux pour une EFE sur certaines géographies, mais la motivation principale sera évidemment de pouvoir sélectionner et recruter des compétences, des talents français, des personnes qui connaissent bien la France, en bénéficiant par ce statut d’un accès plus facile aux visas de travail notamment. Ces entreprises auront nécessairement la volonté de développer leur courant d’affaires avec la France et de mener une politique de recrutement sur le long terme, visant à renforcer la fibre française dans l’E.F.E.
JFE : Quelles sont les actions qu’engagera EFE International dans les prochaines semaines ?
Charles Maridor : il va falloir faire connaître ces nouvelles possibilités qui s’offrent aux EFE. Nous allons devoir communiquer largement auprès de ces dernières et nous appuyer sur tous les canaux de communication à l’étranger.
Nous avons d’ailleurs lancé il y a quelques jours une grande enquête mondiale, sous une forme inédite, depuis un site web spécialement dédié aux EFE www.forum-EFE.org. L’objectif recherché est de mieux appréhender cette typologie d’entreprise et de mieux mesurer son impact. Cette enquête est en ligne et se réalisera en continu sur plusieurs mois.
Sur le plan opérationnel, nous allons constituer dans tous les pays cibles, des comités de sélection, associant le président du Comité local des CCE, le président et le DG de la CCI FI (CCI françaises à l’international) et un représentant local de Business France ou des services économiques de l’ambassade. Ces comités se chargeront de la promotion du dispositif, de la sélection des EFE et du suivi des VIE, autant que de besoin.
Chaque année, de nouvelles entreprises françaises de l’étranger auront l’opportunité d’entrer au capital d’EFE international, permettant ainsi la création d’un puissant maillage d’EFE partout dans le monde faisant rayonner l’économie française.
FAE : dans le contexte actuel de crise économique, pourrait-on envisager de faire davantage pour les EFE ?
A.T. : La crise sanitaire et maintenant la crise économique que nous traversons ont un impact inédit sur l’activité économique mondiale, sur le commerce international et sur ce tissu d’entreprises initiées ou gérées par des Français de l’étranger,
Bien évidemment dans le contexte actuel, les EFE auraient besoin d’appuis allant bien au-delà de notre initiative sur les VIE, notamment via des soutiens temporaires à leur trésorerie via des prêts garantis par l’Etat (PGE), piste qui est en cours d’exploration avec la Direction Générale du Trésor, mais qui pose encore beaucoup de questions.