« Préserver le droit des Français de l’étranger de venir en France
Le Conseil d’Etat a décidé le 12 mars de suspendre l’exécution des dispositions réglementaires interdisant, sauf pour des motifs impérieux, le retour sur le territoire national des Français établis dans un pays autre que ceux de l’Union, Andorre, l’Australie, la Corée du Sud, l’Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Saint-Marin, le Saint-Siège, Singapour et la Suisse.
Cette décision du Conseil d’Etat était prévisible tant l’interdiction de rejoindre la France et l’introduction de motifs impérieux permettant d’y déroger apparaissait disproportionnée par rapport à l’objectif recherché : lutter contre le développement de la pandémie. La part de Français de l’étranger parmi les arrivées quotidiennes sur le territoire national est infime. Cette mesure les affectant n’aurait aucun effet sur la situation sanitaire en France.
Elle en aurait en revanche pour eux. Tout Français a le droit de rejoindre le territoire national. Ce droit est fondamental. Se voir privé de la possibilité de l’exercer alors même que le bénéfice de l’interdiction pour la santé publique était impossible à établir ne pouvait que soulever une question de légalité. L’atteinte portée au droit d’aller et venir et à celui de mener une vie familiale normale était à l’évidence disproportionnée.
Nul ne conteste la situation sanitaire dramatique que nous connaissons. Chacun doit prendre sa part de l’effort collectif visant à lutter contre la pandémie, mais à égalité de devoirs et de droits. On ne saurait singulariser les Français de l’étranger au sein de la communauté nationale. La proportionnalité des décisions prises au regard de l’objectif recherché est essentielle autant pour l’Etat de droit que pour l’acceptabilité des efforts demandés.
De cette décision du Conseil d’Etat, il faut tirer un enseignement : la nécessité d’entendre davantage les représentants élus des Français de l’étranger, qu’il s’agisse des sénateurs, députés ou membres des conseils consulaires. Mieux que quiconque, ils connaissent la réalité de leurs circonscriptions respectives et peuvent utilement conseiller l’action publique pour qu’elle soit juste et efficace. »
Pierre-Yves Le Borgn’