Français à l’étranger : que représente pour vous la Francophonie ?
Olivier Brochet : pour moi, la francophonie, c’est à la fois une langue en partage, à laquelle on est très attachés, partagée par des centaines de millions de locuteurs dans le monde, une langue associée à des valeur fortes, démocratiques, liées aux droits de l’homme, une langue qui est du coeur et de la raison, qui créée son espace, un espace qui va bien au-delà de l’espace politique des frontières, dans lequel se retrouvent des femmes et des hommes qui aiment cette langue, qui y sont attachés, ainsi qu’aux idées portées par notre langue. C’est un espace linguistique qui n’est pas celui de l’exclusion, au contraire, mais qui accepte et qui valorise la notion de plurilinguisme.
FAE : le président de la République a défini une stratégie internationale pour la langue française et le plurilinguisme, quel en est l’objectif ?
O.B. : cette stratégie définie il y a trois ans dans un discours devant l’Académie française avait voulu marquer son attachement personnel aux valeurs incarnées par langue française et l’espace francophone. La France doit s’engager davantage dans cet espace, car elle a tendance à rester à l’écart de ces combats ou de cette dimension. Les gens ne prennent pas assez conscience de la réalité francophone, il y a une fermeture sur cette question. C’est l’une des raisons pour lesquelles a été décidé la création d’un centre international de la francophonie à Villers-Cotterets, pour donner à la francophonie une nouvelle impulsion.
L’enseignement en français, dans le monde, est porté par notre agence et plus généralement dans tous les système éducatifs en français, toute la communication en français, tout ce qui est fait dans domaine des médias pour renforcer la présence de la langue française dans espace médiatique ou de l’édition. La francophonie connait une croissance démographique importante, notamment en Afrique francophone. Il faut que cette croissance ne soit pas seulement politique, mais aussi culturelle et linguistique.
FAE : quelle est la mission de l’AEFE ?
O.B. : en tant que responsable de l’enseignement français à l’étranger, nous avons une place importante. Nous sommes présents dans 139 pays, à travers 540 établissements qui regroupent 365.000 élèves, dont les deux tiers sont étrangers, non francophones; Nous sommes en première ligne dans la lutte pour la promotion de notre langue au-delà du monde francophone. Nous ne sommes pas seuls. Il y a d’autres opérateurs qui sont actifs, comme les Instituts français et les Alliances françaises. Nous avons une façon d’apprendre, une façon de voir le monde, nous attachons une grande importance à l’esprit critique. Nous sommes un fer de lance de cette francophonie active, dans un réseau en croissance : chaque année davantage d’élèves rejoignent notre réseau. C’est la vitalité de la francophonie que le président de la République nous demande de soutenir. Notre action permet de toucher des familles qui dans leur pays ont une influence dans les milieu économiques, politiques, artistiques. Nous formons de futures francophones qui resteront attaché à notre langue.
FAE : c’est du soft power ?
O.B. : oui, c’est du soft power que Jean-Yves Le Drian décrit comme de plus en plus du “hard power“. Nous sommes à l’avant-garde de ce soft power. Et nous sommes porteurs des qualités du modèle éducatif français, avec des adaptations au contexte international, notamment sur le plurilinguisme. Nos établissements sont des établissements d’excellence, francophones et plurilingues,. Plus de 80 langues sont enseignées dans les lycées français du monde. On adapte les parcours linguistiques dès le primaire, à travers le dispositif “PARLE”, qui permet d’acquérir dès le primaire les bases d’une deuxième ou troisième langue vivante. La plupart de nos élèves maîtrisent quatre langues en fin de cycle.
FAE : comment est célébrée la journée internationale de la Francophonie dans le réseau de l’AEFE ?
O.B. : dans le réseau, avec la crise, beaucoup d’établissements ont dû fermer, les conditions sont difficiles, mais il y a une bonne dynamique pour s’associer aux différents événements lancés depuis Paris. Il y a une bonne association aussi aux événements organisés par les postes diplomatiques eux-mêmes. Quelques exemples : dans le concours “dis-moi dix mots”, on a deux classes qui ont été reconnues, qui sont lauréates de ce concours, à Nyamey au Niger et à Praya au Cap Vert. L’institut Saint Dominique à Rome a organisé une table ronde numérique sur le français comme langue internationale. Une classe de CM2 à Pretoria
a organisé un concours orthographe et de vocabulaire, “Spelling bee”. Et enfin le CE2 du collège Malraux, à Londres, a publié un livre bilangue sur deux enfants qui partent à la découverte du monde.