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Martin Rigaud-Pezzoni
25 mars 2021

Covid : comment les Alliances françaises ont tenu dans la crise

Lieux d’apprentissage et de rencontres culturelles, les 832 Alliances ont dû apprendre à s’adapter à cette crise inédite. Après un an de pandémie, nous faisons le point avec Jean-François Hans, délégué Afrique, océan Indien, Asie et Océanie à la Fondation des Alliances Françaises.

Français à l’étranger : Après un an de crise sanitaire où en sont les Alliances françaises et comment font-elles pour s’adapter en temps de pandémie ?

Jean-François Hans : La situation est à la fois contrastée et évolutive. Contrastée parce que les Alliances françaises n’ont pas toutes été touchées de la même façon. Certains réseaux sont passés entre les gouttes dans les pays peu impactés par le virus. C’est notamment le cas de Taiwan, de la Corée du Sud ou encore de la Nouvelle-Zélande. Dans d’autres cas, nous avons été obligés de fermer immédiatement au public et d’arrêter les cours en présentiel. A l’heure actuelle, la situation est très volatile. J’étais récemment en contact avec le réseau indien qui m’a informé que le virus reprenait dans la région. On peut donc imaginer que des mesures seront à nouveau prises pour ralentir l’activité en présentiel.

Actuellement, quelles sont les régions du monde qui sont les plus touchées ?

L’Europe est évidemment très impactée. C’est problématique, car nous avons un réseau très important d’Alliances françaises sur le Vieux continent. Plus de trente antennes sont par exemple installées en Italie. En ce qui concerne l’Asie, on se dirigeait vers une reprise depuis la rentrée d’automne, mais dernièrement de nombreuses fermetures ont eu lieu. À la date d’aujourd’hui, la situation reste également très compliquée au Brésil ou bien dans la ville de Melbourne, qui a été confinée pendant plusieurs mois.

Certaines Alliances ont-elles mis la clé sous la porte ?

Seules deux Alliances françaises ont dû fermer définitivement à la fin de l’année dernière. Mais elles avaient déjà un volume d’activité réduit et étaient localisées en France. En revanche à l’étranger aucune antenne n’a fermé. On peut parler d’une certaine forme de résilience des Alliances françaises. Nombre d’entre elles ont réduit leurs dépenses, se sont séparées d’une partie de leurs salles ou ont limité leur personnel. Mais étrangement, la crise du Covid n’a pas forcément entravé la création de nouvelles Alliances françaises. Les projets d’ouverture sont élaborés sur plusieurs mois, voire plusieurs années. C’est pourquoi de nouvelles antennes peuvent encore voir le jour aujourd’hui.

La crise sanitaire a-t-elle impacté les finances de vos Alliances ?

La situation financière des Alliances françaises est extrêmement variable. Certaines ont pu rapidement reprendre une activité, tandis que d’autres avaient des réserves financières ou ont limité leurs dépenses. En tout cas, les Alliances avaient des budgets prédéfinis. Ils étaient d’abord prévus pour trois mois, puis six. Les Alliances françaises possèdent une certaine autonomie, car ce sont des associations de droit local. Mais cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas été aidées. Tout au long de cette année 2020, les ambassades ont apporté à ces Alliances des moyens supplémentaires. Chaque année, les réseaux sont notamment soutenus financièrement par le ministère des Affaires étrangères. Cela sera à nouveau le cas en 2021, ce qui leur permettra de maintenir une activité malgré la crise.

Quelle a été l’importance des outils numérique pour faire face à cette crise ?

Un tournant a véritablement été franchi avec la crise sanitaire. Les Alliances françaises ont fait définitivement le saut de la transition numérique en 2020. Dès le printemps dernier, elles ont immédiatement basculé en distanciel. La mutation s’est faite quasi-immédiatement grâce à une mobilisation totale de nos équipes. Évidemment, certains de nos réseaux étaient mieux préparés. Que ce soit en terme d’équipements qui permettaient de passer au numérique ou bien ce qui concerne les enseignants davantage formés. D’autres Alliances ne disposaient malheureusement pas de ces moyens, notamment sur le continent africain. La connexion internet au domicile des apprenants ne permettait pas toujours de maintenir les cours à distance. Mais de façon générale, nous avons fait preuve d’un fort taux de réactivité.

Est-ce que vous allez continuer les cours à distance ?

D’ailleurs, le numérique nous permet de toucher des publics demandeurs de ce type de cours à distance. Notamment les individus qui habitent loin de l’Alliance ou qui ont une activité professionnelle. Un certain nombre d’apprenants nous ont d’ailleurs fait savoir qu’ils souhaitaient continuer à suivre le programme à distance, notamment pour les cours du soir. Pour eux, le numérique est une vraie solution.

Avec le numérique ne risque-t-on pas de perdre la convivialité propre aux Alliances françaises ?

Absolument ! Il y a des gens qui restent très attachés au fait de pouvoir fréquenter nos locaux. Ce sont véritablement des lieux de rencontres où l’on peut « vivre à la française ». Les Alliances sont des établissements pluridisciplinaires qui proposent d’autres activités que les cours. On retrouve ainsi des salles de cinéma, des médiathèques, des restaurants… La plupart de nos antennes sont implantées dans des bâtiments qui sont historiques mais également extrêmement conviviaux. Cet environnement « à la française » dans un cadre local est particulièrement apprécié.

Quelles ont été les initiatives originales et insolites qui ont été mises en place à travers le monde ?

La transition numérique est abordée aujourd’hui dans toute sa diversité : les cours de langue française, mais aussi les expériences culturelles. Nous avons travaillé à développer le « culturel numérique ». Grâce à l’aide de plusieurs institutions culturelles, comme le château de Versailles ou le musée du Louvre, les Alliances ont pu proposer d’introduire l’art français via des dispositifs numériques. Ces collections reconnues à l’international ont été proposées au public. Des Alliances françaises, comme celle de Nairobi, ont également offert de nombreux concerts ces derniers mois. Nous voulons absolument que ces initiatives perdurent dans le temps.

Dans ce contexte de crise mondiale, le français est-il toujours aussi attractif ?

Bien que le Covid a momentanément ralenti notre activité, la demande locale reste extrêmement forte. Notre nombre d’apprenants ne cesse de croître chaque année. Des réseaux comme l’Inde ou Madagascar accueillent plus de 25 000 étudiants. Le français reste une langue attractive. Lorsque l’on apprend le français aujourd’hui à Shanghai, c’est que l’on a besoin du français pour développer un projet de mobilité ou de migration. Dans les pays anglophones d’Afrique de l’Est, par exemple, apprendre le français permet de travailler avec les pays francophones qui sont voisins. Les Alliances que nous créons dans le monde répondent à ce besoin. C’est pour cela que nous avons créé trois antennes en Thaïlande l’année dernière, une en Russie… Le français est une langue d’avenir, car il offre des opportunités nouvelles dans un monde de la diversité et dans un monde de mobilité.

Quels sont les prochains défis que devront relever les Alliances françaises ?

Nous espérons une stabilisation en 2021. Il faudra que les Alliances reprennent une activité à peu près normale pour nous permettre d’évaluer l’état de la situation. Il est très clair que le distanciel a ouvert une brèche et doit perdurer sous une forme hybride dans le futur. Depuis quelques années, tous les signaux montrent que le mouvement des Alliances françaises continue à s’étendre dans le monde. Donc j’imagine que dès 2022 ou 2023 nous aurons une reprise de notre croissance.

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