« J’ai été extrêmement chanceux. Je ne suis pas sûr que mon profil puisse servir de modèle ». Après vingt ans d’expatriation en Allemagne, Mathieu Pouydesseau porte un regard humble sur son parcours. Le Français, originaire du Sud-Ouest, a dû emprunter des chemins de traverse pour gravir les échelons et « vivre aujourd’hui confortablement à Berlin ». Après l’obtention d’un diplôme à Science Po Bordeaux, Mathieu Pouydesseau a pendant un temps connu « la précarité salariale contemporaine ». Alors qu’il se rêvait journaliste ou enseignant, il a rapidement enchaîné les contrats de très courtes durées dans des centres d’appels.
Au début des années 1990, Mathieu Pouydesseau prend la décision de traverser le Rhin pour rejoindre une amie à Berlin. Jusque-là, il n’avait connu l’Allemagne qu’à travers un échange scolaire en Bavière. « Je suis parti avec seulement trois mois d’épargne… si je n’avais pas trouvé de travail je serais rentré en France ». Un pari risqué, mais un pari gagnant pour le Lot-et-Garonnais. Reconverti dans le secteur de l’informatique, il s’est parfaitement intégré à la société et travail depuis nombreuses années en allemand. Il occupe aujourd’hui un poste de direction au sein de la société Salesforce.
Ne pas oublier sa langue maternelle
C’est véritablement à travers la langue que Mathieu Pouydesseau a commencé à appréhender l’Allemagne. Dès son arrivée Outre-Rhin, le Français a dû se faire violence pour réapprendre une langue qu’il maîtrisait mal. « Un collègue m’a beaucoup aidé. Il parlait un allemand très imagé, avec de nombreux jeux de mots. C’est grâce à lui que j’ai appris la flexibilité de cette langue ». Cela lui a permis de se socialiser avec les locaux et de s’intégrer dans le monde professionnel.
Au bout d’une dizaine d’années passées en Allemagne, Mathieu Pouydesseau a ressenti un manque dans son rapport à la langue française. Conscient de l’appauvrissement de son vocabulaire, l’expatrié a commencé à faire du théâtre d’improvisation en franco-allemand et s’est inscrit au Parti socialiste. Bien que rapidement dans le camp des frondeurs, une fois François Hollande élu, Mathieu Pouydesseau avait l’idée de renouer avec ses racines pour ne pas les oublier. « Ma vie était très allemande. Je suis donc revenu dans un engagement politique, associatif, culturel mais aussi personnel sur ma relation avec la France ». Ce changement de cap à l’orée des années 2010 lui fait redécouvrir les problématiques de la communauté française d’Allemagne, chose qu’il commençait à oublier avec le temps. Que ce soient les relations avec les services de l’état français, l’accès aux aides sociales, la gestion des certificats de vie pour les retraités… C’est d’ailleurs cette nouvelle prise de contact avec les Français expatriés en Allemagne qui l’a inspiré pour s’engager pour la première fois dans les élections consulaires.
Faire remonter les revendications des expatriés
Mathieu Pouydesseau reconnaît que la communauté française d’Allemagne est plurielle. De par son expérience, il distingue les primo-arrivants, les expatriés de longue date et ceux qui sont dans la vie active. Selon lui, chaque situation est différente et nécessite une réponse adaptée de la part du conseiller consulaire.
Certains auront besoin d’être épaulé pour comprendre les subtilités de la vie allemande, tandis que d’autres ont besoin de retrouver la communauté française par le biais de programmes culturels, politiques ou encore linguistiques. Enfin, de nombreux travailleurs expatriés rencontrent des problématiques qui sont similaires à celles de résidents allemands. Mathieu Pouydesseau pointe la spécificité des Français expatriés en Union européenne : ce sont des citoyens européens qui ont le droit de vote aux élections municipales dans leur pays de résidence. Selon lui, ce droit de vote donne aux Français d’Allemagne une certaine légitimité auprès des autorités allemandes. « Le conseiller des Français de l’étranger doit sortir de sa coquille et se préoccuper de la relation des expatriés avec les autorités locales. Il ne faut pas hésiter à s’allier avec des associations allemandes pour faire remonter les revendications spécifiques aux expatriés ».
C’est pour tenter de répondre aux attentes de ces communautés diverses, que Mathieu Pouydesseau et son équipe misent sur un travail collectif. Un mandat tournant sera mis en place par la liste « En Commun » en cas d’élection. La tête de liste devra donc changer au bout de deux ans et demi. « On est transparent, on l’annonce, donc personne ne sera surpris » ajoute Mathieu Pouydesseau. Ce modèle démocratique vise à éviter que le mandat soit attaché à une seule personne, qui s’installera dans le temps, « à la manière d’un baron municipal ».
« Je souhaite continuer à vivre en Allemagne »
« Si je disais que c’est la nourriture qui me séduit en Allemagne, ce serait mentir », plaisante Mathieu Pouydesseau. Le Français a, par contre, été marqué par la grande décontraction des Allemands. Ce « laisser vivre » donne l’impression d’un fort sentiment de liberté. « J’aime également leur côté très direct. C’est très reposant dans les relations personnelles et le travail. Je me sens à l’aise dans cette manière de faire ». Enfin, l’expatrié a remarqué que la culture du diplôme et des grandes écoles était quasiment inexistante outre-Rhin. « On ne m’a jamais demandé la nature de mon diplôme. Ils regardent avant tout les compétences et l’expérience acquises. C’est ce qui m’a permis de faire carrière » raconte Mathieu Pouydesseau.
Pendant très longtemps, le Français a refusé la double nationalité, car il se sentait profondément européen. Mais face au repli identitaire en Europe et à l’officialisation du Brexit, Mathieu Pouydesseau n’a pas eu d’autre choix que de demander la nationalité allemande. « Berlin est entrée dans mon cœur et je souhaite continuer à vivre en Allemagne. Du coup, c’est un moyen de me protéger ».