Dans son pays d’origine comme à l’étranger, la notion de réseau est déterminante pour son insertion professionnelle et un projet de travail au-delà de ses frontières est largement facilité dès lors qu’on dispose de contacts et d’un minimum de connaissances sur son environnement futur. En amont, les nombreux programmes d’échanges étudiants développés depuis plusieurs décennies, notamment via Erasmus, ont permis d’œuvrer en ce sens. Dans une optique de facilitation des échanges internationaux, le processus de Bologne, signé en 1999 par 29 pays européens, a été une date importante. Il a permis de faire converger les différents systèmes d’enseignement supérieur à partir de six objectifs : des diplômes lisibles et comparables, une structuration des études supérieures en cycles (aujourd’hui système licence master, doctorat – LMD), le recours au système européen de transfert des crédits (ECTS), le développement de la mobilité, la coopération en matière de garantie de la qualité et le développement de la dimension européenne de l’enseignement supérieur (1). Après plusieurs phases d’évolution, ce mécanisme de coopération intergouvernementale au niveau des études supérieures concerne aujourd’hui 48 pays européens.
Pertinence des échanges universitaires transfrontaliers
Si cette mobilité aux quatre coins de l’Europe, et maintenant du monde avec Erasmus+, a ses vertus, un étudiant lorrain sera tout aussi enclin à étudier sur un campus allemand voisin, tout comme son collègue des Hauts-de-France au sein d’une université belge. D’autant que cette proximité géographique préfigure également une possibilité de mobilité professionnelle plus aisée dès la fin de son cursus.
Plus largement, le développement des échanges universitaires transfrontaliers permet aussi de cimenter la construction européenne à laquelle la France – qui prendra la tête du Conseil de l’Union européenne au 1er janvier prochain – est attachée. Cette conviction est portée par la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) et la Conférence des présidents d’université (CPU) qui ont d’ailleurs lancé au printemps dernier un appel pour renforcer les coopérations universitaires transfrontalières (2).
Boostée par l’avènement de la première génération de programmes dits «Interreg» de coopération transfrontalière en 1990, cette proximité universitaire, comme le rappelle Françoise Boutet-Waïss, inspectrice générale de l’Éducation, dans sa contribution à la revue Réalités Industrielles (3) «est le plus souvent motivée par les attentes du milieu socio-économique du territoire ou des secteurs sous tension». À ce titre, les cursus en lien avec des besoins locaux que l’on peut trouver dans ces programmes universitaires transfrontaliers, notamment en matière de formation ou de recherche, sont aussi un atout dans une optique d’insertion professionnelle. Pour autant, Jean Peyrony, directeur général de la Mission opérationnelle transfrontalière, apportait un bémol dans cette même revue en août 2020, soulignant que «les instruments européens sont insuffisamment adaptés à la coopération entre établissements frontaliers».
Toutefois, faisant fi des contraintes, nombre d’universités, souvent soutenues par les collectivités territoriales, ont noué des partenariats transfrontaliers qui renforcent leur attractivité pédagogique, notamment par la possibilité d’accès à des doubles diplômes. Ces partenariats s’inscrivent dans des contextes différents, avec une entité juridique propre comme pour Eucor et l’Université de la Grande Région (voir ci-dessous), ou encore par de simples accords-cadres.
Des programmes emblématiques
Eucor – Le campus européen : Ce Groupement européen de coopération territoriale (GECT) – doté d’une structure juridique opérationnelle portée exclusivement par des universités – puise son existence dans la longue coopération entre les universités du Rhin Supérieur, réunies dès 1989 en Confédération européenne des universités du Rhin Supérieur (Eucor) et dont les missions ont été reprises ensuite par le GECT. Le Groupement implique cinq universités : l’Université de Bâle (Suisse), l’Université Albert-Ludwig de Fribourg-en-Brisgau et le Karlsruher Institut für Technologie (Allemagne), l’université de Strasbourg et celle de Haute-Alsace (France). Le campus accueille plus de 117.000 étudiants qui peuvent suivre les cours de leur choix dans les cinq établissements. Il donne accès à une dizaine de cursus conjoints (avec possibilités de doubles ou triples diplômes)
Université de la Grande Région (UNIGR) : Ce réseau regroupe sept universités (universités de Kaiserslautern, de Liège, de Lorraine, du Luxembourg, de Sarre, de Trèves ainsi que la HTV Saar, à Sarrebruck, en tant que partenaire associé). Ces université sont implantées sur cet espace frontalier qui comprend l’Allemagne (Sarre et Rhénanie-Palatinat), la Belgique (Wallonie-Bruxelles), le Grand-Duché du Luxembourg et la France (Grand Est). Les différents campus accueillent quelque 141.000 étudiants avec trois langues d’enseignement (français, allemand, anglais). L’UNIGR donne accès à 30 cursus transfrontaliers autour des disciplines suivantes : Sciences, Mathématiques et Informatique ; Sciences sociales, Commerce et Droit ; Lettres et Art ; Ingénierie, Fabrication et Construction.
Au-delà de ces deux importants réseaux, bon nombre d’universités françaises ont mis en place des programmes de part et d’autre des frontières. On note par exemple l’implication de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA) qui a développé des relations privilégiées, dans l’enseignement comme dans la recherche, avec trois universités transfrontalières : l’Université du Pays basque, l’Université de Saragosse et l’Université publique de Navarre.
C’est aussi le cas dans l’arc jurassien entre l’Université de Franche-Comté (UFC) qui a signé en 2013 la convention du Collégium franco-suisse SMYLE, avec l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) pour la partie suisse. L’UFC fait également partie de la Communauté du savoir, un réseau de coopération franco-suisse d’établissements supérieur et de recherche qui a pour objectifs de renforcer les capacités d’innovation, de recherche et de formation dans cet espace de l’Arc jurassien.
De son côté, l’Université de Savoie-Mont-Blanc (USMB) entretient des liens forts avec l’université de Turin, à l’origine du premier double diplôme franco-italien il y a plus de quarante ans. Les deux universités font partie de l’Alliance Unita (qui rassemble cinq autre universités dont l’UPPA évoquée précédemment),
Dans le nord de la France, l’Université de Lille (UDL) ambitionne de devenir la première université française de l’Europe du Nord-Ouest avec la perspective de bâtir un «campus européen» inspiré du réseau Eucor. Et il convient aussi de mentionner l’ouverture de l’Université de Reims-Champagne-Ardenne (URCA), géographiquement rattachée au programme «France-Wallonie-Vlaandereen» qui a pour objectif de renforcer la coopération dans la zone transfrontalière franco-belge.
(1) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/le-processus-de-bologne-questions-reponses-47254
(2) http://www.espaces-transfrontaliers.org/fileadmin/user_upload/documents/Documents_MOT/Communiques_Presentations/CP/CP_appel_cooperations_universitaires_tfes.pdf
(3) in Annales des Mines, août 2020
- Eucor : https://www.eucor-uni.org
- UNIGR : http://www.uni-gr.eu
- UPPA : https://www.univ-pau.fr/fr/index.html
- UFC : https://www.univ-fcomte.fr
- USMB : https://www.univ-smb.fr
- UDL : https://www.univ-lille.fr