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Didier Bras
3 décembre 2021

Les travailleurs frontaliers et le télétravail

Au goût du jour depuis la pandémie, le télétravail est aussi une réalité pour certains travailleurs frontaliers. La Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) mène actuellement une étude sur ce phénomène qui draine des enjeux plus complexes qu'il n'y paraît. Aurélien Biscaut, son secrétaire général, nous en dit plus.

Français à l’étranger : Parler de télétravail semble paradoxal à propos de travailleurs frontaliers qui, par définition, exercent sur un sol étranger. Pourquoi cette étude et concerne-t-elle un grand nombre de travailleurs ?

Aurélien Biscaut : Nous avons été sollicités par plusieurs de nos adhérents (la MOT est une association qui comprend une centaine d’adhérents, Ndlr) pour engager une étude sur le télétravail frontalier et ses différents impacts : territoriaux, économiques, environnementaux, etc. Nous venons de démarrer ce travail mais selon les premiers éléments dont nous disposons, nous pouvons évaluer que, avant la pandémie, entre 3 et 5% de travailleurs frontaliers étaient concernés par le télétravail. Toutefois, ce taux est variable selon les secteurs d’activité et il a évidemment été fortement majoré par la crise sanitaire. Par exemple, de premières estimations évoquent un taux de 40% de télétravailleurs frontaliers entre France et Luxembourg sur la dernière année.

FAE : Quelles professions seraient les plus concernées ?

A.B : Selon les données de la Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares) dont nous disposons, c’est sans surprise le secteur des services – métiers de l’information et de la communication, activités financières ou encore immobilières, etc. – où le télétravail est le plus développé. Mais notre objectif n’est pas forcément de réaliser un travail exhaustif sur cette question qui revient davantage aux acteurs locaux, frontière par frontière, avec une approche très affinée. Notre travail consiste principalement à mesurer ces grandes tendances pour mieux comprendre le phénomène et envisager des projections. Ceci afin qu’à l’issue de cette période de crise sanitaire, que nous espérons proche, nous puissions mieux définir les besoins, les attentes des usagers et des entreprises. Notre mission tend à apporter un éclairage sur les choix de politique publique à venir en donnant des clés pour mieux appréhender ces multiples enjeux du télétravail.

FAE : La fiscalité et la réglementation européenne en font partie. Pouvez-vous nous en rappeler les grandes lignes ?

A.B : La réglementation européenne détermine les régimes de sécurité sociale. Selon celle-ci, si vous êtes frontalier, vous ne pouvez pas réaliser plus de 25% de votre temps de travail dans votre pays de résidence – donc en télétravail – au risque de ne plus être éligible au régime de sécurité sociale du pays dans lequel vous exercez professionnellement, avec tous les inconvénients que cela suppose.

En revanche, les régimes d’imposition sont des conventions d’État à État. Par exemple, si vous travaillez en Belgique ou en Italie, vous serez imposé en France. Mais si vous exercez au Luxembourg ou à Genève vous serez  imposé au Grand-Duché ou dans ce canton suisse.

En effet, la situation est un peu complexe avec la Suisse car dans le cas présent, les conventions fiscales ne sont pas établies entre nos deux États, mais en fonction des cantons. Ainsi, les accords fiscaux entre la France et le canton de Genève (qui datent de 1973) ne sont pas les mêmes que ceux qui existent avec d’autres cantons suisses (établis en 1983). Concrètement, si vous travaillez à Genève, dès votre premier jour d’exercice vous serez soumis à la fiscalité suisse, ce qui n’est pas le cas avec les autres cantons. En résumé, ce sont bien les conventions bilatérales qui s’imposent.

Pour autant les choses ne sont pas figées et l’on remarque par exemple que les conventions fiscales évoluent constamment avec le Luxembourg. Elle ont été renégociées il y a trois ans, et une commission franco-luxembourgeois a voulu récemment en modifier encore les règles, proposant pour le sujet qui nous intéresse de passer à 34 jours de télétravail. C’est-à-dire que si vous habitez la France et travaillez au Luxembourg, vous pouvez honorer ces 34 jours de télétravail en France sans être requalifié sur votre imposition luxembourgeoise.

FAE : Un autre enjeu, pour ne pas dire un réel intérêt du télétravail, en France comme dans les zones frontalières, repose sur son bénéfice en matière d’environnement, notamment de pollution automobile…

A.B : Des réflexions sont en cours, y compris sur cette question environnementale qui fait partie d’une problématique bien plus large. Nous avons été sollicité côté français au niveau parlementaire car il y a une proposition française de résolution européenne en cours de rédaction. Nous accompagnons aussi certains projets pilotes au niveau européen. Des réflexions sont avancées et des études assez lourdes vont être engagées autour de nombreux sujets, dont le télétravail. Globalement, il me semble qu’une réflexion est ouverte autour de cette question « du monde d’avant et du monde d’après » consécutive à la crise sanitaire. Mais nous avons besoin aujourd’hui d’évaluations plus précises pour mesurer les effets exacts du télétravail, notamment sur les questions environnementales que vous évoquez, mais également dans les domaines économique, de consommation, d’aménagement du territoire qui influent sur les choix stratégiques.

FAE : Votre étude associe-t-elle d’autres partenaires ?

A.B : Nous comptons aujourd’hui près d’une centaine de membres, un chiffre en progression constante, avec qui nous travaillons de part et d’autre des frontières, et une dizaine d’entre eux sont étroitement associés à cette étude. Au niveau européen nous travaillons aussi avec la Commission européenne, le Parlement européen et avec le Comité européen des Régions.

FAE : Que dire pour rappeler l’intérêt d’une association comme la MOT ?

A.B : Vous savez, Il y a environ 2 millions de frontaliers en Europe et un quart habitent en France ! Les flux de travailleurs frontaliers ne cessent d’augmenter et cette réalité pose de nombreuses questions. Globalement, ce sujet est assez difficile à appréhender compte tenu de la multiplicité des enjeux et des acteurs qui interviennent. C’est pour cette raison que la MOT a été créée il y a vingt-cinq ans par l’État français et quelques site pilotes pour comprendre ces problématiques nouvelles, après les accords de Schengen (juin 1985) et l’ouverture des frontières.

Ces nouvelles possibilités de mouvements des personnes et des biens allaient soulever bon nombre de questions pour la France qui a compté très vite un grand nombre de travailleurs frontaliers. Des questions, aujourd’hui encore, sur des sujets très variés. Ces problématiques transfrontalières deviennent de plus en plus importantes en Europe, et c’est le cas particulièrement en France. Donc aujourd’hui, et plus que jamais, notre mission d’aide à la décision est essentiel. C’est aussi pour cette raison que beaucoup d’adhérents locaux nous ont rejoints récemment.

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