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Emmanuel Langlois
28 décembre 2021

"La relation franco-britannique s’inscrit dans une relation de voisinage"

Durant deux mois, le Journal des Français à l'étranger vous propose un grand dossier sur les nombreux aspects des échanges frontaliers. Entretien avec d’Arnaud Vaissié, cofondateur et président directeur général d’International SOS, et cofondateur du Cercle d’outre-Manche.

Français à l’étranger (FAE) : Vous dirigez International SOS, leader mondial en matière de services Santé et Sécurité pour les collaborateurs d’entreprises ou employés gouvernementaux. Votre groupe est très présent au Royaume-Uni. Quel impact le Brexit a-t-il sur vos activités ?

Arnaud Vaissié (A.V.) : International SOS avec l’ensemble de ses sociétés a en effet une forte présence au Royaume-Uni puisque nous y avons plus de 1 000 collaborateurs.  Le centre régional de nos activités pour l’Europe du Nord est à Londres et nous sommes également présents en Ecosse à Aberdeen. J’ajoute que nous avons également 4 cliniques reparties dans le Nord de l’Angleterre et en Ecosse : Stockton-on-Tees près de Newcastle, Glasgow, Aberdeen et Inverness.

La mission d’International SOS est d’aider ses clients à gérer les risques Santé et Sécurité de l’ensemble de leurs collaborateurs où qu’ils se trouvent 24h/24 et 7 jours/7. Nous sommes donc un groupe de services à forte valeur ajoutée en matière d’expertise Santé et Sécurité. Nos collaborateurs ont un haut niveau de formation : médecins, urgentistes, experts en sécurité et en tech/digital.

Pour nous, le sujet majeur que pose le Brexit est la fin de la libre circulation des personnes et la fin d’un accès direct et rapide aux talents européens.  Les questions liées à l’export comme celles de la réglementation douanière sont importantes mais elles sont relativement marginales au regard de nos activités. Le Brexit fixe un nouveau cadre juridique pour les ressortissants européens souhaitant venir travailler au Royaume-Uni. Un jeune diplômé ou un cadre européen souhaitant venir travailler outre-Manche depuis le 1er janvier dernier doit faire la demande d’un visa de travail. Ce nouveau processus a des conséquences importantes pour les entreprises. D’une part, un coût en temps pour ces recrutements qui demandent un accompagnement légal et administratif. Et d’autre part, un coût financier puisque ces visas de travail sont pris en charge par les entreprises. Ce surcoût est significatif, de l’ordre de 8 000 euros en moyenne pour un visa de 5 ans, ce qui augmente considérablement le coût d’embauche.

Par conséquent, de nombreuses entreprises basées au Royaume-Uni et ayant des opérations dans des pays de l’UE ont progressivement délocalisé certaines parties de leurs activités vers d’autres centres européens, ce qui est d’ailleurs notre cas.

La Chambre de Commerce française de Grande-Bretagne, qui compte plus de 400 entreprises membres, a mené un sondage récemment. 30 % des entreprises interrogées déclarent que l’augmentation des coûts associés au recrutement de ressortissants de l’UE est la raison pour laquelle elles ont diminué le nombre de recrutements.

Un an après le Brexit, il apparait clairement que la fin de la mobilité des travailleurs a un impact important tant sur les entreprises opérant au Royaume-Uni que sur l’attractivité du pays. Les pénuries de main-d’oeuvre et les perturbations des chaînes d’approvisionnement que connait le pays en sont la conséquence directe.

FAE : La vocation initiale du Cercle d’outre-Manche que vous co-présidez est de comparer les modèles français et britannique. Malgré le Brexit, quelle serait selon vous la bonne pratique britannique qui demeure et dont la France devrait s’inspirer ? 

A.V. : Depuis 5 ans, Le Cercle d’outre-Manche est également devenu un observatoire économique du Brexit.  Nous savons par exemple que 42% de nos membres n’ont pas réalisé entre 2017 et 2020 les investissements qu’ils auraient dû faire au Royaume-Uni en raison de l’incertitude qui entourait le Brexit. Un investissement qui ne se fait pas ne se rattrape pas et ce chiffre montre encore une fois l’impact négatif du Brexit qui n’a pas commencé en janvier dernier mais il y a près de 5 ans.

Toutefois, le Royaume-Uni demeure un pays avec lequel la France doit continuer de se comparer. Je crois beaucoup en l’émulation entre pays et la comparaison franco-britannique est toujours très éclairante puisque les forces de la France sont souvent les faiblesses britanniques et vice versa.

Il y a outre-Manche des bonnes pratiques dont la France doit s’inspirer et je pense en particulier au digital. Le Royaume-Uni est devenu au cours de ces 15 dernières années, une société avec une culture digitale forte, ce qu’illustrent notamment les services online et les apps des services publics qui sont de très haut niveau par rapport à d’autres pays européens. Ces outils ont été pensés par et pour les utilisateurs avec une ergonomie simple et parfaitement lisible.

Je mentionnerai également un atout compétitif majeur du Royaume-Uni qui est sa R&D. Le pays a su mettre en place il y a 20 ans un triangle vertueux avec les « 3 C » : Cerveaux, Commerce, Capital. Cet écosystème qui rassemble Université, Recherche et Entreprise est particulièrement remarquable et c’est en bonne partie grâce à cet environnement que le Royaume-Uni a été en capacité de sortir rapidement un vaccin anti-Covid en début d’année. Le vaccin Oxford-AstraZeneca est en effet le produit d’une alliance entre un centre de recherche universitaire et une entreprise.

FAE : La relation franco-britannique est particulièrement difficile aujourd’hui en raison des règles d’application du Brexit mais aussi de la récente alliance AUKUS. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?

A.V. : La particularité de la relation franco-britannique est qu’elle s’inscrit dans une relation de voisinage. En ces temps diplomatiques difficiles, je pense il n’est pas inutile de rappeler d’une part, le lien historique et millénaire qui unit la France au Royaume-Uni et d’autre part, les nombreux intérêts communs de nos deux pays.

Il est à mon sens essentiel qu’à terme le Royaume-Uni et la France puissent définir une relation de coopération bilatérale apaisée et servant leurs intérêts respectifs. Qu’ils soient stratégiques (sécurité et défense), économiques, industrielles ou scientifiques, la France a en réalité aujourd’hui davantage de points communs avec le Royaume-Uni qu’avec l’Allemagne ou l’Espagne.

Au cours de ces dernières années, les traités de Lancaster House ont permis la mise en place d’une force binationale conjointe pouvant monter jusqu’à 10 000 hommes mobilisables rapidement et pouvant mener des opérations de haute intensité. Cette coopération est indispensable pour assurer la sécurité et l’indépendance de nos deux pays. Or, le Brexit implique que les dirigeants britanniques n’assistent plus au Conseil européen et à d’autres réunions de haut niveau, ce qui réduit grandement la fréquence de leurs interactions avec les dirigeants français. Par conséquent, il serait souhaitable d’institutionnaliser un Conseil franco-britannique annuel de défense et de sécurité avec la présence du Président de la République française et du Premier ministre britannique.

La parenthèse communautaire du Royaume-Uni (1973 – 2020) s’est refermée le 1er janvier dernier. Les institutions comme les gouvernements sont mouvants mais la géographie demeure et Paris est toujours à 2h20 d’Eurostar de Londres.

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