Il faut avoir de bonnes raisons pour franchir les frontières, et le tourisme est évidemment une motivation première pour se rendre en l’Italie. En revanche, les échanges professionnels entre la France et son voisin transalpin sont loin de connaître la même affluence. Notre série sur les échanges transfrontaliers a rappelé une constante, celle de l’attractivité salariale qui pousse bon nombre de nos compatriotes à rejoindre le Luxembourg, la Suisse, l’Allemagne, et à un degré moindre la Belgique pour de meilleures rémunérations.
Si l’on excepte des professions à forte valeur ajoutée – qui, par définition, se monnayent bien un peu partout – globalement, les salaires italiens ne s’inscrivent pas dans cette logique de gain salarial pour un travailleur français. Pour rappel, le Smic national n’existe pas en Italie, malgré les quelques tentatives, pour l’heure infructueuses, d’établir un équivalent transalpin. Notons tout de même que certains salaires minimums y sont en revanche fixés par branche sur la base de négociations collectives entre les partenaires sociaux.
Le high-tech et les services côté français
Les données bibliographiques à propos de ces flux professionnels entre la France et l’Italie sont assez rares. Le document de référence sur cette question renvoie à l’excellente étude réalisée par la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), sur commande de la Direction générale de Pôle emploi et de sa Direction régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2011. En préambule, celle-ci rappelait qu’en raison des contraintes topographiques de cette zone frontalière, le littoral franco-italo-monégasque est vraiment le lieu qui concentre la plus grande part de la population frontalière. Cette zone géographique recèle également l’essentiel de l’activité économique et des infrastructures.
À l’image de la tendance européenne, voire mondiale, cette région transfrontalière a enregistré un recul progressif de son activité agricole, tandis que la tertiarisation de son économie a gagné du terrain, d’une manière même supérieure à la moyenne européenne. L’étude relevait que la part des activités de services, de l’administration et du commerce représentait 79% du total des emplois en Région Sud, Provence-Alpes-Côte d’Azur, et 78% en Ligurie, cette région littorale méditerranéenne du nord-ouest de l’Italie.
Côté italien, l’activité industrielle est plus marquée dans le Piémont, plus au nord, concentrant environ 25% des emplois contre 13% en Ligurie. L’agroalimentaire y occupe une place de choix, boosté par l’essor du bio et décliné via des productions très diversifiées qui vont des vins aux fromages, de l’élevage à l’exploitation des ressources céréalières (riz, pâtes), etc. Plus largement, selon l’étude de la MOT, « la province de Turin est spécialisée dans l’industrie automobile (dont les historiques usines Fiat), l’informatique, les télécommunications, les assurances, les services bancaires et la recherche (sciences du goût, aéronautique, réalité virtuelle et multimédia). La province de Cuneo se caractérise quant à elle par de petits établissements industriels très dynamiques spécialisés dans le textile, l’édition, l’industrie ferroviaire, les pneumatiques, le verre et agroalimentaire (Buitoni, Ferrero) ».
Côté français, l’activité industrielle est davantage centrée sur les activités à haute valeur technologique, avec comme emblème Sophia Antipolis, la grande technopole française et européenne située dans les Alpes-Maritimes, ou encore le Centre spatial de Cannes-Mandelieu qui construit des satellites. Toutefois ce sont les secteurs des services et du commerce qui sont les plus demandeurs, notamment dans les services aux entreprises et aux particuliers, ainsi que l’hôtellerie-restauration où évoluent bon nombre de travailleurs saisonniers. Toujours côté français, les secteurs de la construction et de l’industrie peinent régulièrement à trouver des profils qualifiés.
Le projet MA.R.E, pour un renforcement du travail transfrontalier
Financé par le Programme de coopération territoriale Interreg Italie-France Maritime 2014-2020, ce projet vise à mettre en place des services conjoints pour favoriser la fluidité des échanges entre offres et demandes d’emploi dans l’espace transfrontalier. Une initiative qui passe par la construction d’un réseau entre les services pour l’emploi, pour une meilleure adéquation des besoins au sein de la zone de coopération. Celle-ci implique les cinq régions du littoral méditerranéen franco-italien : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse, Toscane, Ligurie et Sardaigne.
Pôle emploi Paca, acteur essentiel de l’emploi et du développement économique et social du territoire transfrontalier franco-italien, est partenaire de ce projet. Il y est impliqué notamment dans la définition des profils professionnels conjoints et les parcours de validation des compétences.
Rappelons aussi que ce projet MA.R.E est aussi une déclinaison concrète des enjeux de mobilité durable et de développement d’emplois nouveaux inscrits dans le Traité de coopération bilatérale renforcée(1) signé entre la France et l’Italie le 26 novembre dernier. Celui-ci comporte en effet un volet de coopération économique, industrielle et numérique qui vise notamment à «coordonner les investissements de leurs plans de relance nationaux, dans les secteurs stratégiques pour l’autonomie européenne tels que les infrastructures cloud, les batteries électriques, l’industrie pharmaceutique et le matériel de santé, l’énergie, les semi-conducteurs et la connectivité», dans le dessein de «rapprocher les tissus économiques et les industries», tout en «améliorant les liaisons transfrontalières». Autant d’objectifs qui pourraient se traduire par de nouvelles opportunités d’emplois de part et d’autre de la frontière franco-italienne.
(1) https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/italie/relations-bilaterales/le-traite-du-quirinal/
- Le Journal des Français à l’étranger remercie particulièrement Noëlle Versaveau-Gautier, correspondante régionale Europe & Relations internationales à la Direction régionale Paca, pour son précieux concours.
- Sources : Eures, Pôle emploi Paca, enquête sur les Forces de travail, Eurostat ; Monaco en chiffres 2017, Imsee ; Insee, 2013.