Entre mer et montagne, le deuxième plus petit État indépendant après le Vatican présente une des plus fortes densités de population au monde (19.000 hab/km2) pour une population d’un peu moins de 40.000 résidents. Sur cette petite superficie de quelque 2 km2 des profils sociologiques bien différents sont présents, et pas seulement les grosses fortunes qui participent du cliché monégasque. Parmi celles et ceux qui font tourner l’économie locale, on trouve un grand nombre de travailleurs frontaliers, essentiellement français. Un constat qui ne surprend guère compte tenu de l’implantation géographique de Monaco, ville-État enclavée (hors sa façade maritime) dans le département des Alpes-Maritimes.
En 2017, sur les 44.711 frontaliers qui exerçaient à Monaco, 40.745 résidaient dans l’Hexagone (soit 91% de ce total), les autres étaient essentiellement issus d’Italie. Ces Français qui rejoignent le Rocher pour travailler viennent, là aussi sans surprise, pour 99% d’entre eux du département des Alpes-Maritimes. Avec ses 54.303 emplois actifs recensés en 2017 (soit plus que la population locale, surtout si l’on compte les saisonniers), la Principauté est, après le bassin d’emplois Nice-Cannes, le second pôle d’activité de cet espace transfrontalier.
Des avantages salariaux
Qui sont ces frontaliers français qui travaillent à Monaco ? Ce sont d’abord des employés (32%), suivis de la catégorie des professions intermédiaires (26%). Les cadres et professions intellectuelles supérieurs représentent 20% de cet ensemble, tout comme les ouvriers dans cette même proportion. Enfin, les artisans, commerçants et chefs d’entreprise ne constituent que 2% de ces frontaliers. À titre de comparaison, les travailleurs frontaliers italiens à Monaco sont surtout présents dans l’industrie et le bâtiment, mais sont sous-représentés dans la gestion de biens et les services.
Dans son étude sur les frontaliers monégasques publiée en mai 2019, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) relevait que «tous secteurs d’activité confondus, les travailleurs frontaliers [français] sont majoritairement des hommes (58% contre 51% pour l’ensemble des habitants des Alpes-Maritimes en emploi)». L’institut statistique précisait également que «le travail frontalier est parfois une affaire de famille puisque 23% des frontaliers ont un conjoint qui travaille aussi à Monaco».
Pourquoi un tel engouement pour la Principauté ? Avec des salaires de 10 à 15% en moyenne plus élevés que dans l’Hexagone, l’attractivité du marché du travail monégasque est indéniable. Des rémunérations plus importantes qui s’expliquent entre autres par des taux de charges salariales qui ne dépassent pas les 12,5% (contre environ 22% en France). Les salariés qui ont une famille bénéficient aussi d’une prime de 146 à 306,50 euros par enfant (contre 129 euros à partir du deuxième enfant en France). Seul bémol, il faut rappeler que la durée hebdomadaire de travail est ici de 39 heures. Un moindre désagrément pour qui veut travailler à Monaco, d’autant que le trajet vers la Principauté peut s’effectuer via une ligne TER (la plus fréquentée de France en comparaison avec les autres espaces transfrontaliers) ou en empruntant plusieurs lignes de bus interurbaines.
La quête du sésame
Sur le plan fiscal, rappelons que le travailleur frontalier français vivant dans l’Hexagone et travaillant en Principauté voit les revenus de son emploi monégasque imposés en France. De quoi nourrir une possible amertume envers le citoyen monégasque qui, pour sa part, ne paye… aucun impôt sur le revenu (ainsi que les résidents de la Principauté, mais à l’exception, justement, des nationaux français régis par la Convention bilatérale franco-monégasque de 1963).
Notre ami frontalier français aura peut-être aussi une once de jalousie à l’endroit de son collègue frontalier italien à Monaco qui, lui, bénéficie d’un allégement fiscal de 7500 euros (depuis 2015) lorsqu’il travaille sur le Rocher. Une chose est sûre, les prix exorbitants de l’immobilier local ne permettent guère d’envisager y résider. Pour le reste, l’intérêt pour l’emploi en Principauté n’est pas près de se tarir. Les flux de travailleurs transfrontaliers avaient en effet déjà enregistré une hausse de 8,7% entre 2003 et 2007 en provenance de France, et de +3,6% à partir de l’Italie.
Reste cependant à décrocher le sésame : le permis de travail qui permet d’exercer une activité salariée en Principauté. En effet, tout employeur monégasque qui souhaite embaucher ou réembaucher un travailleur de nationalité étrangère doit d’abord publier son offre auprès des services de l’emploi monégasques, puis obtenir une autorisation de la direction de la main-d’œuvre et des emplois.
- Le Journal des Français à l’étranger remercie particulièrement Noëlle Versaveau-Gautier, correspondante régionale Europe & Relations internationales à la Direction régionale Paca, pour son précieux concours.
- Sources : Eures, Pôle emploi Paca, enquête sur les Forces de travail, Eurostat ; Monaco en chiffres 2017, Imsee ; Insee, 2013.