Français à l’étranger (F.A.E.) : Quelles sont vos missions au sein du Conseil consulaire du Luxembourg et du CESGR ?
Bruno Théret (B.Th.) : Avec mes collègues, nous abordons un ordre du jour qui porte sur des questions relatives à l’enseignement, aux bourses (56.000 euros/an de bourses scolaires), à l’aide sociale, l’emploi, la formation, les subventions aux organismes d’entraide et de solidarité mais aussi la culture, la sécurité et la défense. Les élus de proximité que nous sommes, élus au suffrage universel direct pour une durée de six ans, conseillons l’ambassadeur et le consul et sommes le relai des citoyens auprès d’eux. Nous formulons des avis sur des questions consulaires ou d’intérêt général et demandons des justificatifs à l’administration, pouvant d’ailleurs nous opposer à certaines décisions. Enfin, en tant que grands électeurs nous participons à l’élection des sénateurs des Français de l’étranger et pourrions, le cas échéant, présenter un candidat à l’élection présidentielle.
Notre conseil consulaire, celui de la neuvième plus grande circonscription au monde en termes d’inscrits au registre (n’oublions pas qu’il y a 54.000 résidents et 110.000 travailleurs frontaliers au Luxembourg), se compose de cinq élus des Français de l’étranger, de l’ambassadeur (actuellement S.E. Mme l’Ambassadrice Claire Lignières-Counathe), du consul et de membres du personnel diplomatique et consulaire.
Quant au CESGR, l’un des trois piliers de la Grande Région avec le Sommet des exécutifs et le Conseil parlementaire interrégional, il est depuis 25 ans la voix indépendante de la société civile à travers ses partenaires sociaux. Sur base des orientations politiques de sa présidence, il transmet avis, motions et recommandations au Sommet des exécutifs. J’ai donc établi, en concertation avec le comité de coordination du CESGR, une feuille de route pour mes deux années de présidence et je fais remonter au Sommet les travaux collaboratifs du CESGR.
Je veux mieux faire connaître l’existence, les réflexions, les avis du CESGR, de façon à sensibiliser le grand public, mais aussi nos décideurs politiques, à l’essentialité de notre Grande Région, multiculturelle, plurilingue, qui peut faire émerger un espace de collaboration du mieux être ensemble dans un bassin de vie de 12 millions d’habitants et un territoire d’expérimentation européen qui couvre 5 régions et 4 pays.
F.A.E. : Le CESGR est un organe consultatif. Quel est l’état des échanges entre les partenaires économiques et sociaux qui le composent ? Vous semblent-ils définir des objectifs communs ?
B.Th. : La nomination – au sein des représentations patronales et salariales – des membres titulaires et suppléants par chacune des régions, et, en complément, la nomination d’experts par le comité de coordination du CESER permet l’émergence d’idées nouvelles à travers des sensibilités diverses qui reflètent les grandes tendances de la société et les souhaits de nos entreprises et de nos concitoyens. Ceux-ci peuvent être contradictoires, mais notre ambition est de faire émerger, dans un esprit consensuel, des propositions au service du bien commun.
Quatorze groupes de travail, répartis entre « Économie & Développement durable », « Emploi et Formation », « Transports et Mobilité » et « Santé », se réunissent chacun deux fois par an pour présenter leurs recommandations. Elles ont pour but de lever les obstacles (principalement administratifs et réglementaires) aux frontières afin de faciliter la vie de nos concitoyens et d’assurer une croissance qualitative. Deux séances plénières annuelles permettent de confronter les différents points de vue. L’objectif commun est triple : une plus forte résilience économique et sociale de nos territoires, un souci d’égalité d’accès des frontaliers à des services de qualité et un renforcement de la lisibilité de l’identité institutionnelle de la Grande Région.
Les réflexions du CESGR enrichissent celles du Conseil parlementaire interrégional (CPI), autre organe consultatif de la Grande Région et contribuent à l’atteinte des objectifs du Sommet des exécutifs. Singulièrement, la crise sanitaire nous a permis d’élargir nos audiences en nous appuyant sur les visioconférences.
F.A.E. : De quels types de fonds dispose le CESGR pour mener à bien sa mission ?
B.Th. : Le CESGR dispose d’un budget annuel de 75.000 EUR dont une grande partie est dédiée à la publication du rapport sur la situation économique et sociale. La Grande région bénéficie quant à elle du Fonds européen de développement régional (Feder). Pour 2021-2027 le montant programme Interreg Grande Région s’élève à 180 millions, dont 90 pour la France, 46 pour l’Allemagne (27 Sarre, 19 Rhénanie-Palatinat), 23 pour le Luxembourg et 22 pour la Belgique.
F.A.E. : Quelles sont les grandes lignes du programme à venir ?
B.Th. : Il se concentrera sur quatre objectifs politiques, divisés en onze objectifs spécifiques, permettant de répondre au mieux aux enjeux actuels de l’espace transfrontalier. Au travers de ces objectifs, le programme traitera également de thèmes transversaux comme la mobilité, l’innovation, la digitalisation et le soutien aux PME.
Les quatre actions que nous soutenons et développerons sont :
– Une Grande Région plus verte grâce à la prévention des risques (sanitaires et pluviaux), l’économie circulaire, la protection/préservation de la nature, la biodiversité et les circuits de proximité.
– Une GR plus sociale en renforçant l’efficacité et l’intégration des marchés (métiers en tension, télétravail, apprentissage, égalité des chances, inclusion sociale, promotion de l’ESS et accès aux soins de santé sans coûts supplémentaires pour le patient.
– Une GR plus proche des citoyens en défendant inclusion sociale, économique et environnementale, culture, patrimoine et tourisme durable.
– Une gouvernance de la coopération transfrontalière optimisée : meilleure coopération juridique et administrative, expérimentation, co-développement et dialogue renforcé.
Concrètement le CESGR fera des propositions concrètes sur le co-développement, le télétravail, la santé en Grande Region notamment la création d’un observatoire de Santé er de risques et la libre circulation des patients sans couts supplémentaires.
FAE : De quels leviers disposez-vous pour renforcer les opportunités de travail frontalier et de formation professionnelle ?
B.Th. : Le levier « naturel » au sein du CESGR est notre groupe de travail « Emploi et Formation » qui œuvre avec le souci constant d’un renforcement des opportunités d’emploi et de formation dans la Grande Région. Il travaille en étroite collaboration avec les autres acteurs de la GR, notamment la Task force transfrontalière composée de juristes compétents (basés à Sarrebruck) qui agissent dans la durée, et l’Observatoire interrégional pour l’emploi (OIE), qui nous soumet à intervalles réguliers un rapport sur la situation du marché de l’emploi dans la Grande Région. D’autre part nous travaillons en bonne entente avec le Secrétariat du Sommet et le Conseil parlementaire interrégional. J’ai bon espoir de voir aboutir notre proposition de nouvelle convention sur l’apprentissage transfrontalier et obtenir gain de cause dans la reconnaissance du chômage partiel en Allemagne.
FAE : Avez-vous des attentes particulières de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ?
B.Th. : Oui : donner un nouvel élan à la coopération décentralisée transfrontalière, oser les expérimentations pour produire de la croissance, permettre les co-développements et décentraliser la gouvernance au niveau des régions. Il s’agit d’intensifier les coopérations autour de projets structurants tant en matière de santé – en créant un observatoire de la santé et de la prévention des risques et en proposant des formations transfrontalières – que de transition numérique et climatique et d’IT en mutualisant les moyens mis en œuvre. Et travailler au bien-être social en réduisant les disparités entre les pays.
F.A.E. : Les débats autour des frontières extérieures de l’Europe peuvent-ils selon vous avoir un impact sur l’ouverture des frontières intérieures de l’UE ?
B.Th : Le traité de l’UE définit clairement la libre circulation des personnes et des biens. Cela est remis en cause par certains, en raison des crises migratoire, sanitaire et climatique, et ce jusque dans cet espace privilégié qu’est l’espace Schengen. Or, nous devons au contraire resserrer nos liens pour protéger nos droits fondamentaux et la libre circulation de nos concitoyens, tout en renforçant bien sur le contrôle et la sécurité des frontières extérieures de l’UE.