La persistance du lien juridique entre l’entreprise française et le salarié détaché ou expatrié, critère décisif du bénéfice de la participation et de l’intéressement
Tous les salariés de l’entreprise où a été conclu un accord d’intéressement ou de participation doivent avoir la possibilité de bénéficier de la répartition des résultats de l’entreprise, sans que puisse leur être opposé le fait qu’ils n’exécutent pas leur activité en France ou qu’ils n’y sont pas rémunérés[1].
À cet égard, toute clause d’un tel accord qui exclurait les salariés détachés ou expatriés « est réputée non écrite »[2]. En d’autres termes, elle ne peut pas s’appliquer.
Par conséquent, le salarié qui n’a jamais cessé d’appartenir à l’effectif d’une société française durant sa période d’expatriation ou de mise à disposition dans un pays étranger, est éligible aux dispositifs de participation et d’intéressement.
La solution n’est pas nouvelle, le droit français ne fait que rappeler qu’il respecte strictement le champ d’application des accords de participation et d’intéressement en rejetant toute exclusion, sauf à ce qu’elle soit liée à l’ancienneté du salarié[3] et dans la limite de 3 mois seulement[4].
Les salariés détachés ou expatriés, quelles que soient les conditions d’exercice de leurs fonctions (soumission à une loi étrangère[5], rémunération par l’entreprise étrangère en totalité ou en partie, etc.), doivent donc toucher la participation et l’intéressement, dans la mesure où la qualité de salarié et donc la non-rupture du lien juridique avec l’entreprise, est démontrée.
Indifférence de l’octroi d’une compensation financière pour compenser le non-versement de la participation et l’intéressement
Le versement d’une prime qui viendrait compenser l’absence du versement de l’intéressement ou de participation ne dégage pas l’employeur de son obligation.
Si la question des primes a été abordée par la jurisprudence à maintes reprises, donnant généralement raison aux salariés, tantôt du fait de l’imprécision de l’objet de la prime, tantôt du fait du manque de preuve du motif de la prime[6], d’autres juges estimaient que s’il était prouvé que la compensation financière venait pallier le non-versement de la participation et de l’intéressement, l’employeur n’avait pas à verser ces sommes[7].
La haute juridiction est venue trancher ces débats : les salariés détachés ou expatriés sont éligibles au versement de la participation et de l’intéressement, qu’ils aient reçu une prime visant à compenser ce manque ou non.
Un enjeu prud’homal inéluctable
Le principe selon lequel tout salarié, même expatrié ou détaché, a le droit de bénéficier des stipulations des accords d’intéressement et de participation et ce, même si ces derniers ont reçu paiement d’une compensation financière visant le même but, ne peut souffrir d’aucune exception.
Dans l’hypothèse d’un contentieux, les employeurs pourraient avoir à verser :
- la prime spécifique d’expatriation promise ;
- les primes d’intéressement et de participation sans pouvoir bénéficier des règles d’exonération, et ce de manière rétroactive sur les trois dernières années[8];
- les potentiels intérêts de retard.
[1] C. trav., art. L. 3342-1
[2] Cass. Soc., 20 septembre 2018, n° 16-19.680
[3] Cass. Soc., 6 juin 2018, n° 17-14.372 ; 28 novembre 2006, n° 04-19.623 ; 29 octobre 2002, n° 00-14787 ; 22 mai 2001, n° 99-12.902
[4] C. trav., art. L. 3342-1, op. cit.
[5] Voir ici notre article « Salarié à l’étranger : à la naissance d’un litige, quelle loi appliquer ? », 27 janvier 2022.
[6] Cour d’appel de Paris, 5 juillet 2018, n° 17/08990
[7] Cour d’appel de Colmar, 24 mai 2016, n° 15/00891
[8] C. trav., art. L. 3245-1