Etudier et travailler
Covid-19 : «Le réseau d’enseignement français à l’étranger a bien résisté»
Secoué mais toujours debout ! Après avoir traversé une crise inédite de plus de deux ans, les lycées français de l’étranger tiennent bon. Les établissements se mettent désormais en ordre de marche pour atteindre l’objectif ambitieux fixé par le chef de l’État Emmanuel Macron : un doublement des effectifs à l’horizon 2030 pour atteindre les 700 000 élèves.
Il y a d’abord eu l’effet de sidération, détaille Matthieu Peyraud, directeur de la Culture, de l’Enseignement, de la Recherche et du Réseau au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), où il a succédé à Laurence Auer, dont chacun salue ici l’excellence du travail mené : « Au printemps 2020, juste après le déclenchement de la crise, sur nos 522 établissements de par le monde, 520 étaient fermés ! résume M. Peyraud. On a mis en place en urgence des dispositifs d’enseignement à distance dans l’ensemble du réseau. La différence avec la France, c’est que notre réseau est présent dans des géographies très diverses et parfois c’est plus difficile en termes de moyens et de connexion pour mettre en place l’enseignement à distance, mais le défi a été relevé.» Il a fallu aussi former les enseignants à ces outils informatiques. Cette demande logistique a d’abord fragilisé financièrement le réseau.
150 millions d’euros d’aides
Le gouvernement a donc mis sur la table un plan de soutien massif de 150 millions d’euros, voté par le Parlement dès juillet 2020. «C’est trois fois 50 millions, résume M. Peyraud : 50 millions pour des bourses attribuées aux enfants français, et aussi, à ma connaissance c’est unique, pour les familles étrangères. Deux élèves sur trois dans nos lycées ne sont, en effet, pas français, mais souvent locaux, et le réseau a besoin de ces enfants-là aussi. Le deuxième paquet de 50 millions a été attribué aux établissements les plus en difficulté pour s’équiper en gel hydroalcoolique, en masques et autres protections, et faire face à des impasses financières. Enfin les 50 millions d’euros restant ont permis d’octroyer des avances remboursables de trésorerie à des établissements dans une situation difficile.» La grande satisfaction au MEAE est qu’aucun établissement du réseau n’a dû fermer définitivement. C’est en Asie, en Chine notamment, là où la crise a commencé, que la situation a été le plus compliqué, reconnaît M. Peyraud : «Les mesures imposées par les autorités locales ont été drastiques. Nos personnels français avaient l’habitude de rentrer en France pour les vacances ou d’avoir de la visite. Il y a eu un effet d’isolement pendant deux ans.» En Amérique latine aussi, les établissements sont restés longtemps fermés.
Un plan en quatre axes
Un plan de développement du réseau a été défini avec un premier objectif qui est d’accueillir davantage d’élèves. «Il s’agit de développer une véritable politique d’attractivité et de travailler sur notre offre, explique M. Peyraud. On n’est pas toujours aussi attractifs qu’il le faudrait car concurrencés par d’autres écoles qui proposent elles aussi un enseignement international de qualité. L’un de nos atouts est qu’on enseigne un certain nombre de langues différentes et cela se concrétise par le futur bac français international (BFI).» Les premiers diplômes seront ainsi délivrés en 2024. Ils remplaceront l’option internationale du baccalauréat traditionnel. Ce nouveau sésame aura une plus grande visibilité et intégrera davantage le côté bilingue ou trilingue de l’enseignement des lycées français.
Aide au développement
Le deuxième axe stratégique sera l’ouverture de nouveaux établissements ou l’extension de lycées déjà en activité afin d’accueillir davantage d’élèves dans des locaux agrandis. Le MEAE mise aussi sur l’homologation. L’objectif fixé par Emmanuel Macron en 2018 de doubler le nombre d’élèves accueillis dans les lycées français de l’étranger d’ici 2030, dans huit ans, reste d’actualité. L’idée est de les faire passer de 380 000 élèves actuellement à plus de 700 000. Matthieu Peyraud est d’ailleurs optimiste puisque ces effectifs ont déjà commencé à progresser rapidement après le début de la crise du Covid-19 : «Au début de la pandémie, nous avions 522 établissements, nous sommes à 552 aujourd’hui. On en a gagné 30 en homologuant des établissements existants avec des programmes d’enseignement en français. Un travail très lourd a été mené pour adopter le même programme scolaire qu’en France. Le processus a été simplifié administrativement, mais pas en termes d’exigence de critères de qualité, il reste très strictement encadré par le ministère de l’Éducation.» Les effectifs ont notamment connu une augmentation en Afrique subsaharienne, en particulier en Côte d’Ivoire, mais aussi en Amérique du Nord, +5%, avec de beaux projets aux États-Unis et au Canada. «Il s’agit notamment de densifier l’existant, explique Matthieu Peyraud. Nous avons créé à l’AEFE un service d’aide professionnalisé au développement qui permet d’accompagner les porteurs de projets. Au départ, ce sont souvent des familles, dans un endroit donné, qui veulent créer un nouveau lycée. Jusqu’à présent, il fallait qu’elles se débrouillent seules. Maintenant, on les aide. On fournit une ingénierie à l’appui d’un projet porté par une initiative citoyenne.»
Réforme en cours de l’AEFE
Le troisième axe qui en découle vise à mieux associer les familles. «Les parents jouent un rôle très important, note M. Peyraud. La majorité de nos établissements sont conventionnés ou partenaires. Souvent, c’est l’association des parents d’élèves et le comité de gestion qui dirigent le lycée. Non pas la direction pédagogique ni au quotidien, il y a un proviseur ou un principal pour cela, mais les parents d’élèves ont la main sur la gestion, sur les finances, etc. Il y a une implication très forte. C’est une spécificité des lycées français à l’étranger.» La gouvernance de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) fait d’ailleurs actuellement l’objet d’une réforme pour accorder une plus grande place aux parents d’élèves. Le quatrième axe vise enfin à une mobilisation accrue des ambassades : «Elles ont toujours été mobilisées sur les écoles mais cela fait vingt ans que je suis au ministère des Affaires étrangères et cela n’a plus rien à voir. Aujourd’hui, pour une ambassadrice ou un ambassadeur de France dans un pays donné, le lycée français et les écoles françaises sont un sujet central qu’on visite, qu’on soutient et auquel toutes les équipes consacrent beaucoup de temps et d’énergie. Ce n’est plus, comme cela a pu être historiquement, quelque chose un peu à côté. On l’a vu avant même cette crise sanitaire, avec la menace sur la sécurité au moment des attentats, c’est aussi par ce type de moment que le réseau diplomatique se rapproche du réseau éducatif de la France à l’étranger», assure Matthieu Peyraud.
Réseau d’instituts régionaux
Au niveau central, un conseil d’orientation interministériel a donc été créé autour de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, et l’ensemble des acteurs du réseau : l’AEFE mais aussi la Mission laïque française ou encore les personnels des lycées, les élus des Français de l’étranger et les parents d’élèves. «Il y a tout un écosystème de l’enseignement français à l’étranger désormais réuni dans ce conseil central unique à Paris et qui discute des orientations d’ensemble» résume Matthieu Peyraud, qui met enfin en avant la formation des enseignants. «C’est une problématique universelle dans le système éducatif et c’est plus difficile quand votre réseau est dispatché dans 130 pays, constate-t-il. Avec l’AEFE, nous sommes en train de mettre en place un réseau d’instituts régionaux pour assurer cette formation initiale et continue des enseignants. Plus la qualité sera au rendez-vous et plus on attirera de familles dans nos lycées français à l’étranger, c’est un plus pour leurs enfants pour leur avenir.» Le premier de ces instituts a été inauguré début janvier par Olivier Brochet, directeur de l’AEFE à Dakar, au Sénégal.
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