Le CNED aura finalement traversé sans trop d’encombre la période Covid-19. «Par définition, nous nous mobilisons dès lors que des élèves sont en situation d’empêchement, rappelle Michel Reverchon-Billot, directeur général du CNED. Pendant ces deux ans, on a fait simplement glisser un peu le curseur puisque ce ne sont pas des élèves qui étaient en situation d’empêchement, mais des établissements et des écoles. Ce qui a été nouveau, en revanche, c’est l’ampleur du phénomène et la nécessité d’une mobilisation rapide.» En quatre semaines, le CNED a donc redimensionné sa plateforme internet baptisée «Ma classe à la maison». «Le moment a été un peu dense pour nous, reconnaît M. Reverchon-Billot, mais cette période a aussi joué un rôle d’aiguillon pour nous amener à réagir toujours plus rapidement et plus efficacement.» Au début de la pandémie, une expérimentation était en cours en Chine et au Vietnam où la crise avait déjà impacté les lycées français d’Asie. Ce dispositif a été ensuite déployé à plusieurs millions de d’élèves et de familles. «Mais comme pour tous les établissements et toutes les organisations publiques et privées de ces dernières années, ajoute M. Reverchon-Billot, la plus grande évolution a été de mettre la quasi-totalité de nos agents en télétravail, sur un délai très court, autour d’une semaine.»
Capacité à réagir
La crise passée, ou en voie de l’être, le CNED se tourne maintenant vers le «Cap 2030» fixé par Emmanuel Macron, à savoir un doublement des effectifs dans les lycées français de l’étranger. «On y a toute notre place, le CNED est déjà très proche et en appui des réseaux, que ce soit l’AEFE ou la Mission laïque française (Mlf), insiste M. Reverchon-Billot. Notre rôle est de renforcer l’attractivité de l’enseignement français à l’étranger. La réussite de la plateforme «Ma classe à la maison» pendant la pandémie a renforcé la crédibilité du réseau et sa capacité à réagir rapidement en situation de crise, mais aussi dans la durée.» La plateforme n’est plus accessible aujourd’hui depuis l’étranger, mais le CNED affirme avoir trouvé des solutions cousues main pour le lycée français de Singapour face à des situations particulières. «Nous sommes également tout à fait aptes à répondre à des enjeux qui pourraient concerner l’Ukraine en proposant à l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) d’inventer des dispositifs qu’elle pourrait mettre en place», précise M. Reverchon-Billot.
Établissement augmenté
L’autre point capital, selon lui, pour rendre les établissements encore plus attractifs, est toute la capacité du CNED à proposer des langues à faible diffusion : «Si un élève scolarisé dans un établissement du réseau souhaite apprendre une langue peu enseignée et qui n’existe pas dans l’établissement où il est scolarisé, il peut tout à fait l’apprendre avec nous à distance. Cet apprentissage sera intégré à son parcours.» Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, a d’ailleurs sollicité le CNED pour établir une carte des spécialités en première et terminale de manière à ce que tout élève, dans n’importe quel lycée en France, puisse choisir sa scolarité, qu’elle soit disponible ou non en présentiel dans son établissement. L’offre a aussi été proposée aux établissements de l’AEFE. «Ils s’en sont emparés, s’enthousiasme M. Reverchon-Billot, puisque dans un certain nombre de lycées, selon la taille même de l’établissement, toutes les spécialités ne sont pas représentées. Le CNED apporte finalement de la valeur ajoutée et crée un genre d’établissement augmenté en appuyant les cours en présentiel de dispositifs à distance.» Les résultats d’une récente enquête d’opinion ont d’ailleurs montré que l’appétence des parents pour la formation à distance était de plus en plus affirmée et qu’eux-mêmes demandaient davantage d’enseignement à distance dans le cursus de leurs enfants.
Renforcer l’influence française
L’objectif du chef de l’État est donc à la fois d’augmenter le nombre des élèves inscrits dans les lycées français à l’étranger, mais aussi de renforcer l’influence française en terme de promotion linguistique. «Le CNED est très présent sur ces deux dimensions, détaille M. Reverchon-Billot. La première est historique, car le CNED est un acteur essentiel de la formation initiale et continue des enseignants et des étudiants en français langue étrangère (FLE). Cela représente pour nous une activité essentielle puisque l’année dernière, on a compté 4 585 inscrits au dispositif, dont plus de la moitié à l’étranger.» Il existe au total trois parcours de formation complémentaire distincts, mis en œuvre en partenariat avec France éducation internationale (FEI), l’Alliance française de Paris et l’Université Grenoble Alpes. Le CNED permet aussi à de nombreux étudiants de se préparer aux certifications en français langue étrangère (DELF, DALF). «Par cet axe-là, on est également un acteur majeur du développement de la francophonie», note M. Reverchon-Billot.
Des BTS français à l’étranger
Le CNED souhaite enfin envisager le français, non pas seulement comme une langue de culture et de communication, mais aussi comme la langue de l’employabilité. «En voyageant à l’étranger, on se rend rapidement compte que même dans les pays francophones, dès qu’on quitte les capitales, la pratique du français est de plus en plus aléatoire, notamment auprès de la jeunesse qui perd de plus en plus notre langue au profit soit de langues vernaculaires, soit de l’anglais, constate M. Reverchon-Billot. Je suis persuadé que si on arrive à faire comprendre à de jeunes étrangers francophones qu’en parlant français, on peut voir du travail, on réussira alors à élargir le spectre de ceux qui souhaitent se réinvestir dans le français.»
Parmi les projets à l’étude, le lancement d’une expérimentation de formation et d’organisation d’examens de BTS dans des centres étrangers, en partenariat avec l’AEFE, est particulièrement prometteuse. «On a déjà essayé avec le CAP, précise-t-il, mais on sent que la demande est davantage sur un niveau bac+2 avec des formations diplômantes courtes de techniciens et de cadres intermédiaires. On est en train de lancer l’opération sur les BTS commerce international, tourisme et gestion des petites et moyennes entreprises, via une formation à distance totalement en français.»
Cette demande émane tout à la fois d’entreprises implantées localement que d’étudiants qui n’ont pas forcément le projet ou les moyens nécessaires d’une poursuite d’études en France. Le CNED est donc chargé de piloter cette expérimentation de formation et d’organisation des épreuves certificatives de 3 BTS (commerce international, tourisme, gestion de la PME) en s’appuyant sur des établissements de l’AEFE. « Ces derniers seront des centres d’examen pour les inscrits dans les pays concernés et proposeront des services d’accompagnement aux cours du CNED (remise à niveau disciplinaire, méthodologie, soft skills …) et/ou serviront de lieux connectés proposant un coaching organisationnel et motivationnel aux étudiants » conclut-il.
©CNED – Gettyimages