Vie pratique
Français à l’étranger au quotidien : les conseillers des Français de l’étranger
À l’occasion de la 36e session de l’Assemblée des Français de l’étranger, du 14 au 18 mars 2022, retour sur quelques thèmes majeurs concernant les Français établis hors de France.
Avec Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français établis hors de France, et Roland Lescure, député de la 1re circonscription des Français établis hors de France.
Français à l’étranger : Pouvez-vous nous en dire plus sur la loi que vous avez rédigé sur la création des conseillers des Français de l’étranger ?
Hélène Conway-Mouret : J’ai été conseiller consulaire pour une très grande circonscription qui rassemble le Royaume-Uni, l’Irlande et les îles anglo-normandes. Pendant mon mandat, j’ai réalisé que j’étais utile et efficace localement mais beaucoup moins sur les autres îles qui faisaient partie de ma circonscription. Il n’y avait pas eu de réforme de la représentation politique depuis 1982 avec Claude Cheysson. Il était donc nécessaire de rééquilibrer la représentation politique sur le plan planétaire car il y a eu d’énormes changements depuis cette date. En effet le nombre de Français est passé de 460 000 à 1,6 million et la répartition était complètement différente. Il y avait besoin d’une représentation de proximité. En 2012, les députés ont été élus et donc le monde était divisé avec une représentation parlementaire. Il fallait un niveau local qui n’existait pas avec des élus de proximité qui serviraient de relais ou de lanceurs d’alerte. Ils nourrissent et informent notre travail parlementaire. Il y a donc une représentation administrative là où un consulat existe. Nous avons créé un nombre d’élus proportionnel au nombre d’inscrits sur la liste électorale. La réforme était à la fois une mise à niveau et une modernisation de ce que nous avions déjà mais également la possibilité de se projeter dans l’avenir avec une représentation complète.
FAE : A-t-il été difficile de faire passer ce texte ?
H.C.-M. : Oui, cela a été très douloureux car, lorsque l’on crée quelque chose de nouveau, on est opposé à un certain conservatisme. Au Sénat, les sénateurs étaient farouchement hostiles à cette réforme. Les députés l’étaient beaucoup moins car ils voyaient l’intérêt sur ces circonscriptions très vastes d’avoir des relais locaux.
Roland Lescure : En créant ces 443 conseillers consulaires, on se retrouve avec de grands électeurs qui élisent des sénateurs et sénatrices des Français à l’étranger qui sont donc élus par un large collège électoral. À l’époque, les sénateurs étaient élus par un collège plus restreint, ils n’avaient donc peut-être pas envie de changer la recette de cette représentation. Quand on est élu du monde ou d’une circonscription, c’est important d’avoir des personnes sur place. Ils sont avant tout les relais des Françaises et Français qui vivent à l’étranger auprès des consulats. Les Italiens, les Grecs, les Ukrainiens, les Espagnols et Portugais sont très grégaires quand ils partent à l’étranger. Les Français ont tendance à vivre chacun chez soi. L’esprit de communauté est moins présent. Nous oublions donc parfois que nous avons des intérêts communs. Les conseillers ont alors ce rôle d’agrégation de la communauté locale pour la représenter auprès des consulats ou de l’administration locale. Ils sont un relais dans les deux sens. Nous pouvons relayer des informations auprès d’eux qui la relaient ensuite. Mais ils nous relaient également des informations que nous pouvons porter ensuite dans des projets de loi.
FAE : Comment ces conseillers ont-ils exercé leur mandat depuis cette loi ?
H.C.-M. : Certains étaient déjà élus et ont donc continué leur mandat. C’était un problème car ils pensaient qu’ils devaient continuer à être ce qu’ils étaient alors que la réforme a changé fondamentalement leur rôle. Ce sont des relais vis-à-vis des consulats, des parlementaires et parfois des autorités locales. Ils n’avaient pas l’habitude de travailler avec leurs députés. Les deux tiers des conseillers étaient nouveaux. Lorsque l’on a un mandat, on peut en faire ce que l’on veut. Certains ont en donc fait beaucoup voire plus que ce que nous leur demandions. D’autres moins. J’ai pu observer que cette réforme a féminisé la représentation car la parité a été imposée. Elle a également largement rajeuni le collège d’élus. Ce sont donc des élus en activité avec un regard différent. Ils sont par exemple des entrepreneurs qui ont des problématiques et qui ont le réflexe de les faire remonter pour que les lois faites en France et qui les impactent les incluent aussi. C’est le rôle des parlementaires des Français de l’étranger de rattacher cette communauté hors hexagone à la communauté métropolitaine. Tout mon travail parlementaire est inspiré de ce qui remonte du terrain par les conseillers. Ils viennent d’horizons différents et permettent une représentation beaucoup plus importante qu’auparavant.
FAE : Est-ce une élection politique ?
R.L. : Si nous comparons ces élections avec les élections nationales, il s’agit plus d’élections municipales que législatives. Il s’agit d’une logique de proximité. Nous avons un défi qui est d’élargir le corps électoral. Aux dernières élections, c’est moins de 20% des Français qui ont élu notamment car le poste était méconnu. Le vote électronique est disponible pour ces élections consulaires. Cela va simplifier les choses en cette période de crise sanitaire.
FAE : Pourquoi si peu de Français ont voté pour les dernières élections ?
H.C.-M. : Il n’est pas possible de faire de propagande électorale localement. En France, lorsqu’il y a une élection municipale, il y a des affiches dans la rue, des interviews à la radio etc. À l’étranger, il y a simplement un rappel du consulat qui est envoyé. Parfois les adresses ne sont pas à jour et donc l’ensemble du corps électoral ne reçoit pas la propagande.
R.L. : Cela est lié à la spécificité de cette élection car les Français à l’étranger sont très dispersés. Je pense néanmoins que le rôle est plus connu maintenant. En termes de participation, j’espère que nous serons plus entre 20 et 30% qu’entre 10 et 20% comme les dernières élections. Nous avons beaucoup fait campagne pour que les Français s’inscrivent sur les listes électorales jusqu’au 23 avril et que leurs coordonnées soient à jour pour pouvoir voter par internet. Je soutiens des listes qui suivent la majorité présidentielle et d’autres sont plutôt proches des socialistes, des écologistes etc. Il ne s’agit cependant pas d’une élection extrêmement partisane. Ce qui fait la différence c’est l’ancrage local des gens et s’ils connaissent les Français de l’étranger. Il y a eu beaucoup de dispositifs d’entraide mis en place pendant la crise et les candidats sont connus pour avoir aidé ou non.
FAE : Pourquoi les Français de l’étranger doivent aller voter ?
H.C.-M. : Nous avons une chance extraordinaire de pouvoir nous exprimer. Nous avons également cette démocratie représentative qui est aussi participative. Localement, on n’appellera pas son ambassadeur pour régler ses petits problèmes mais on téléphonera à son élu local qui aura tous les relais nécessaires. Avec cette chance, nous devons nous exprimer et faire confiance à ceux qui sauront porter ce mandat. Nous avons de belles personnes qui ont réellement envie de s’engager pour les autres.
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