Vie pratique
Français à l’étranger au quotidien : la protection sociale
À l’occasion de la 36e session de l’Assemblée des Français de l’étranger, du 14 au 18 mars 2022, retour sur quelques thèmes majeurs concernant les Français établis hors de France.
Avec Anne Genetet et Richard Yung, respectivement députée de la 11e circonscription des Français établis hors de France et ancien sénateur représentant les Français établis hors de France, et Alexis de Saint-Albin, directeur du développement international du groupe Malakoff Humanis.
Français à l’étranger : Nous allons commencer par la question d’actualité qui est celle qui concerne la vaccination anti-covid pour les Français établis à l’étranger. Comment cela se passe-t-il pour eux Anne Genetet ?
Anne Genetet : Le Ministère des Affaires étrangères a très vite pris le sujet à bras-le-corps avec l’ensemble des parlementaires pour établir une cartographie des accès à la vaccination qu’ont les ressortissants à l’étranger selon les pays dans lesquels ils se trouvent. Un peu plus de 80% des Français sont dans un pays dans lequel la vaccination leur est accessible gratuitement. Ces Français rentrent dans le protocole du pays dans lequel ils se trouvent. Reste une quinzaine de pourcent qui sont dans des pays où la vaccination est interdite aux étrangers, d’autres qui ont choisi de ne pas vacciner ou encore certains pays où la vaccination est accessible mais à un prix extravagant. Différents protocoles vont être mis en place et étudiés par le quai d’Orsay jusqu’à même éventuellement pouvoir envoyer des vaccins localement dans un pays. Dans ce cas, il s’agit d’entretiens diplomatiques de haut niveau pour pouvoir avoir une solution pour nos ressortissants à l’étranger.
FAE : Il y a deux domaines à distinguer entre l’Europe et hors Europe lorsque l’on parle de santé. Comment cela se passe-t-il pour les Français qui partent travailler dans un pays de l’Union européenne du point de vue de la santé et de la prévoyance ?
Richard Yung : Dans l’Union européenne, il y a des accords de réciprocité en matière de sécurité sociale. Il y a une organisation centrale qui s’appelle le Cleiss qui s’occupe de faire la compensation. Il y a également des accords concernant la vaccination. Il existe tout de même plusieurs cas de pays de l’Union européenne où le pays demande une inscription spéciale sur une liste qui est très difficile à obtenir comme la Grèce par exemple. Les Français concernés n’arrivent donc pas à se faire vacciner. Il y a très peu de pays qui fonctionnent de cette manière mais cela existe. En dehors de l’Union, cela est différent. Il peut y avoir un accord qui permet la réciprocité. C’est le cas pour une quarantaine de pays. Lorsqu’il n’y en a pas, il s’agit alors d’un cas plus délicat. Cela signifie que le français à l’étranger doit veiller à sa propre protection sociale. Il doit donc prendre une protection, soit par la CFE, soit par des sociétés d’assurance ou par la société Malakoff Humanis qui est la société phare en la matière.
FAE : Alexis de Saint-Albin, quels services proposez-vous chez Malakoff Humanis ?
Alexis de saint-Albin : J’aimerais préciser une chose : les vaccins sont remboursés par la Caisse des Français de l’étranger et par la plupart des complémentaires. Lorsque les prix sont au-delà du raisonnable cela posera un problème mais, généralement, ils sont remboursés. Nous parlons des expatriés c’est-à-dire des gens qui travaillent et habitent de manière permanente à l’étranger et qui relèvent donc des régimes de sécurité sociale du pays dans lequel ils sont. Il faut alors distinguer les pays dans l’UE et hors UE. En dehors de l’UE, le résident dépend du régime de santé de son pays. Dans certains, cela se passe très bien. Dans d’autres, il y a des bons régimes mais ils n’y ont pas accès. Je pense notamment à l’Australie où il n’est pas automatique d’avoir accès au régime de sécurité sociale parce que vous y travaillez. Il y a des conditions de résidence. Il y a également des pays dans lesquels il n’y a quasiment rien. Il faut donc se poser la question d’obtenir une bonne couverture. Par rapport à l’ensemble des risques auxquels on a droit en France quand on travaille et qu’on y réside comme la retraite, la santé, la prévoyance et l’assurance chômage, la santé vient en premier pour les Français. Néanmoins, encore beaucoup de Français se disent qu’ils sont en bonne santé et qu’ils n’ont pas besoin de couverture. Je voudrais alors rappeler une évidence : ça n’est pas une fois que vous avez eu un accident de voiture que vous l’assurez. Pour la santé, c’est pareil. Un assureur d’État ou privé, qui soit à but non lucratif ou pas, assure un risque à venir et pas quelque chose d’avéré. Il faut donc s’assurer en amont. Les Français qui vont essentiellement hors de l’Union européenne doivent rester vigilants et garder une continuité française avec la CFE qui leur procure la sécurité sociale. Bien souvent, il faut une complémentaire parce que la CFE rembourse approximativement comme la sécurité sociale. En fonction des pays, il faut donc prévoir une complémentaire.
FAE : Cela coûte-t-il cher ?
A.de S.-A. : Cela peut coûter cher mais c’est extrêmement variable. Cela dépend de votre âge, du pays dans lequel vous êtes etc. Par exemple, la Malaisie a un bon système de santé peu cher alors que les États-Unis ont un bon système de santé mais très cher. Souscrire à une complémentaire peut donc varier du simple au triple. Cela dépend aussi du niveau de couverture que vous voulez. Vous pouvez vous assurer uniquement pour les très gros risques comme les hospitalisations ou rapatriements et la médecine de ville avec uniquement la CFE. Certaines couvertures ont, à l’inverse, un plafond très élevé voire pas de plafond du tout. Cela dépend donc de nombreux facteurs. La CFE a, par exemple, des assurances pour les moins de 30 ans pour environ 30€ par trimestre. La CFE permet au moins d’assurer la continuité avec la France. Dans les pays où le régime est correct, il n’est pas nécessaire de se couvrir deux fois.
FAE : Anne Genetet, quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui souhaitent partir dans un pays éloigné en matière de santé ?
A.G : Je suis d’accord avec Alexis. Il faut être couvert même si on a 30 ans. Statistiquement, on sait qu’entre l’âge de 15 et 55 ans on ne va pratiquement jamais chez le médecin. C’est heureux mais on y va quand même de temps en temps. On peut parfois avoir des frais extrêmement importants donc, quand on voyage à l’étranger, on peut en avoir besoin encore plus que d’habitude. Il faut savoir que les difficultés qu’ont régulièrement les consulats à gérer sont des accidents de la route de scooter, de bus ou de voiture. Nous nous retrouvons avec des jeunes à rapatrier parfois en très mauvais état. Cela coûte très cher et certaines familles rencontrent des drames parce que le jeune n’était pas assuré. La première chose à faire lorsque l’on part, même en vacances, c’est de prendre une assurance santé. Cela peut coûter extrêmement peu cher et rapporter très gros au bout du compte.
FAE : Qu’en est-il de la carte d’assurance maladie européenne ?
A.G : C’est une carte pour l’Europe et cela peut ne pas être suffisant. Dès que l’on sort de l’Europe, il faut prévoir une assurance santé quel que soit l’âge. Je pense par exemple au moins jeunes. Si une famille vit à l’étranger et que les grands-parents souhaitent venir, je pense que beaucoup ne pensent pas à prendre une assurance alors que c’est fondamental notamment à ces âges.
FAE : Comment fait-on pour couvrir ces grands-parents qui viennent rendre visite à l’étranger ?
A.de S.-A. : S’il s’agit d’étrangers qui viennent en France, ils doivent prendre une assurance de leur pays d’origine. S’il s’agit de Français, généralement, ils ont des droits donc il n’y a pas forcément une nécessité à prendre une couverture supplémentaire.
A.G. : Beaucoup de Français pensent qu’avec leur carte de crédit, ils sont couverts. Je les encourage à lire toutes les petites lignes avec beaucoup d’attention. Dîtes-vous qu’un assureur est un métier à but lucratif.
A.de S.-A. : Malakoff Humanis est un organisme à but non lucratif mais je rejoins ce que disait Mme la Députée. Les cartes bancaires prévoient généralement des couvertures de rapatriement et non de prise en charge et de remboursement. Vous êtes donc susceptibles de payer. Un avion médicalisé coûte entre 50 000 et 150 000€ à titre d’information.
A.G. : Avec le covid, il est également possible d’avoir besoin d’une réanimation pendant plusieurs jours. Ce sont des soins qui coûtent très cher d’autant plus qu’en réanimation, vous n’êtes pas transportable. La journée de réanimation en France coûte entre 4 000 et 5 000€ par exemple.
FAE : La CFE propose un service avantageux en termes de Covid en ce moment. Qu’en est-il ?
A.de S.-A. : Il y a un an, la CFE a créé une offre pour se couvrir contre les effets de la covid et notamment pour couvrir les Français qui n’avaient pas de couverture. Cette offre n’est pas équivalente à une couverture globale mais il y a des formalités simplifiées pour y adhérer. Il n’y a pas de questionnaire médical. N’importe quel Français peut y adhérer. Il faut préparer son départ à l’étranger. Il est possible de faire des devis en ligne et de consulter des conseillers.
FAE : Quels sont les pièges à éviter d’une manière générale lorsque l’on part à l’étranger sans prévoir suffisamment ?
R.Y. : Il faut regarder le système national du pays en question. Dans l’UE, en général, c’est à peu près au même niveau que la France. Dans d’autres cas, le système peut être défaillant. Il faut donc aller dans une clinique privée qui coûte très cher. Dans certains pays, c’est toute votre fortune qui y passe comme aux États-Unis.
A.G. : Il faut parfois envisager d’aller dans un pays voisin s’il n’y a pas un système de santé suffisant dans le pays sur place. Il faut donc réfléchir à avoir un système de santé du niveau que l’on juge bien pour nous. Il y a peut-être un besoin de maternité ou un service de cardiologie par exemple. Chacun sait ce qu’il lui faut. Il faut donc envisager que ce système soit à moins de 2 heures de chez soi pour pouvoir réagir dans l’urgence.
A.de S.-A. : Il est nécessaire de se renseigner sur le pays et en fonction de son état de santé. Il faut également se demander ce que l’on va faire sur place. Par exemple, passer sa retraite au Maroc n’est pas la même chose que de la passer à Madagascar. Il faut se renseigner sur les obligations, les visas et faire des devis.
A.G. : Il n’y a pas que des Français en situation d’expatriation. Certains partent à l’aventure et prolongent leur séjour et, dans ce cas également, il faut s’assurer.
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