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Impact de la guerre en Ukraine sur les marchés financiers
Après avoir dû s’adapter à la crise de la Covid-19, les Banques Centrales sont aujourd’hui entrées dans la « société civile ».
L’activité économique mondiale a, à ce jour, atteint son plus haut niveau depuis 40 ans. Entre crise sanitaire et guerres, dans un monde post Covid où tout est devenu plus dangereux et fragmenté socialement, où les populations et les entreprises s’endettent, où nous sommes en pleine mutation climatique… Comment nous adapter dans ce monde en perpétuelle évolution et quels sont les impacts de la guerre Ukrainienne sur les marchés ?
Et si le pire n’était pas sûr ?
En ces premiers jours de mars, Vladimir Poutine semble déterminé à conquérir militairement l’Ukraine et renverser le régime en place. Il se heurte cependant à des difficultés plus importantes que prévu : la résistance ukrainienne paraît plus coriace qu’escompté par les forces Russes, elles-mêmes prises dans des difficultés logistiques. En même temps, les sanctions économiques occidentales contre la Russie montent en puissance, allant même jusqu’à intégrer le gaz et le pétrole dans celles-ci.
À ce stade, la Chine reste très en retrait, consciente de sa position d’arbitre et de ses intérêts stratégiques. De plus, l’opposition interne ne peut infléchir la position de Poutine. Les opérations de l’armée Russe pourraient donc s’intensifier pour permettre à la Russie l’ouverture de négociations à son avantage. Seul espoir pour l’heure dans l’évolution du rapport de force, une inflexion des revendications du dirigeant Russe (Cf. Les Echos du 08/3/2022). Mais doit-on le croire ?
Les marches ont-ils déjà intégré l’essentiel des risques économiques a venir ?
L’impact sur les marchés aura été aussi soudain qu’ample. Entre le point haut de début janvier et le 08 mars, le CAC et le DAX ont perdu 20 % de leur valeur. Ces niveaux de variations, sans être comparables à ceux que nous avons traversé en 2008 lors de la crise des « subprimes » ou en 2020 lors de celle de la Covid, sont néanmoins des corrections extrêmes. Tellement que le ratio entre le prix des actions européennes (indice Stoxx600) et les résultats réalisés par ces entreprises est proche des minima historiques : les actions s’achètent l’équivalent de 13 fois les résultats 2022 attendus par les analystes financiers. À titre de comparaison, ce même indicateur observé en 2019 avant la crise de la Covid s’établissait à 16 fois les résultats de l’année.
Même constat sur les obligations d’entreprises dont les prix ont baissé (-5,5 % sur le segment « High Yield »*), faisant du même coup remonter le taux de rendement des obligations dites « spéculatives » de 3,4 % début janvier à 5,6 % à date.
Des perspectives de croissance économiques entachées
La baisse des cours consécutifs à l’invasion de l’Ukraine se justifie par son impact négatif sur les perspectives de croissance économique. Trois canaux de transmission sont à l’œuvre.
En premier lieu, les sanctions économiques prononcées contre la Russie contrarient également les entreprises occidentales.
De plus, la hausse du prix des matières premières qu’il s’agisse des hydrocarbures, des matières premières agricoles ou de certains métaux exportés par la Russie, va faire croître davantage l’inflation. Sur le mois de février, la hausse des prix à la consommation a atteint 5,9 % contre une hausse initialement attendue à 5,1 % par la Banque Centrale Européenne (BCE). Cette inflation induit donc une réduction du pouvoir d’achat des consommateurs et des taux de marge des entreprises. L’INSEE estime que chaque hausse de 10$ du prix du baril se traduit par une hausse de l’inflation de 0.2 point et un ralentissement de la croissance de 0.2 point, ce que qualifie les observateurs de stagflation.
Enfin, la période d’incertitude qui s’ouvre à nous amène les entreprises et les consommateurs à différer les dépenses non essentielles.
À contrario, la résurgence de ces risques économiques permet de réduire ceux d’un resserrement monétaire que les observateurs craignaient. Si la BCE a confirmé qu’elle injecterait moins de liquidités dans l’économie qu’auparavant, l’accès au financement bon marché des entreprises devrait perdurer plus longtemps que prévu puisque les anticipations de hausse des taux monétaires ont été décalées à la fin 2022.
Cette période ouvre également des perspectives à long terme sur les thèmes de l’indépendance stratégique dans les économies occidentales. La transition énergétique soutenue déjà par les plans de relance va voir ses investissements s’intensifier pour réduire la dépendance de l’Europe aux hydrocarbures. Bien que les dettes publiques aient déjà atteint des sommets, les politiques budgétaires sauront trouver les ressources pour financer les dépenses militaires et de sécurité.
Comment investir dans ce contexte anxiogène ?
Aussi brutale que puisse paraître cette correction et ses implications majeures, nombre d’entreprises se positionnent sur les tendances de long terme pour créer de la valeur dans la durée. Elles ont également fait preuve à l’occasion de la Covid (et avec l’aide des gouvernements) d’une capacité d’adaptation extraordinaire. La reprise de 2021 leur a permis de reconstituer des marges de manœuvre pour aborder les enjeux actuels. L’une des dernières publications de résultats montre que la dynamique des bonnes surprises se poursuit. Les entreprises arrivent globalement à « digérer » la hausse des coûts et les perspectives d’activité demeurent solides avec des carnets de commandes souvent supérieurs aux attentes.
Les énergies renouvelables devraient croître à un rythme supérieur à 25 % par an au cours des prochaines années. La cybersécurité, l’efficacité énergétique des bâtiments et des processus de production, les nouvelles mobilités sont autant de thèmes assurés d’un fort développement.
Si le pire n’est jamais sûr, céder aujourd’hui des actifs long terme pour se protéger contre la dernière phase de baisse serait prendre le risque de la double peine, celle de subir la chute et celle de ne pas bénéficier de la reprise des marchés. En effet, les actions des entreprises positionnées sur les thématiques de croissance à long terme ont été plus résilientes lors de la correction liée à l’Ukraine que les entreprises dont l’activité est plus cyclique.
En cas d’escalade du conflit, les obligations dont les coupons sont indexés sur l’inflation devraient continuer d’offrir une vraie protection, notamment face à de nouvelles sanctions sur le front énergétique qui entraîneraient une envolée des prix du pétrole et du gaz.
Coté « High Yield », la volatilité restera élevée mais les spreads avaient déjà souffert du resserrement monétaire anticipé. Les Banques Centrales plus attentistes devraient contrebalancer une partie de l’aversion du risque et les niveaux de rendements ayant atteint 5,60 % en Europe sont d’ores et déjà très attractifs. D’un autre côté, l’écartement des spreads de crédits** sur le crédit « Investment Grade » s’est matérialisé plus tôt que prévu suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Avec un taux de rendement (1,26 %) en forte hausse depuis Août dernier (0,13 %), qui permet à la classe d’actifs de retrouver son attractivité.
Évidemment, une extension des conflits dans le temps aurait un impact fortement négatif sur le prix et/ou la disponibilité des matières premières et sur le rythme de croissance des entreprises. À l’inverse, une sortie de crise constituerait un signal d’achat. Notre stratégie actuelle est donc neutre en attendant d’obtenir plus de visibilité sur ce conflit.
En conclusion, l’imprévisibilité de cette nouvelle période conflictuelle rend difficile toute expression à court terme. Dans ce contexte, les Banques Centrales devraient se montrer plus prudentes et plus accommodantes, en particulier en Europe où les risques pèsent sur la croissance. L’inflation apparaît parallèlement moins sous contrôle étant donné son risque d’accroissement en cas d’accélération des sanctions sur le front de l’énergie, ce qui ralentirait notamment l’activité et laisserait craindre une période de stagflation.
La prudence reste de mise concernant les niveaux des marchés actions qui paraissaient attractifs avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Une intervention de la Chine, qui reste en retrait aujourd’hui, pourrait modifier les équilibres, cette dernière subissant notamment un ralentissement économique qu’elle commençait tout juste à endiguer.
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