Etudier et travailler
Ubisoft, l’entreprise qui a su miser sur le Québec
Ubisoft est une entreprise française de développement, d’édition et de distribution de jeux vidéo, implantée depuis 1997 au Québec. Avec près de 4000 employés, Ubisoft Montréal est désormais le plus gros studio de développement de l’entreprise. Mais comment expliquer le succès de l’implantation d’Ubisoft au Québec ? Entretien avec Francis Baillet, vice-président aux affaires corporatives depuis 2013.
Français à l’étranger (F.A.E.) : Quels facteurs ont déterminé l’implantation d’Ubisoft à Montréal ?
Francis Baillet (F.B.) : Le premier facteur se situe du côté de la France avec cette envie de prendre de l’ampleur à l’international, d’avoir des équipes diversifiées dans le monde. D’un autre côté, cette volonté de s’implanter à l’international a trouvé au Québec un contexte politique favorable. L’ex-ministre de l’Économie, Bernard Landry, cherchait, au lendemain des années 90, à relancer l’économie. Le taux de chômage étant très élevé, il voulait rebâtir le Québec en misant sur les métiers d’avenir et avait alors identifié le secteur du jeu vidéo comme étant prometteur. L’implantation d’Ubisoft à Montréal est donc en partie due à cette volonté du gouvernement, notamment avec des crédits d’impôts très intéressant, ainsi qu’à celle de Yves Guillemot [NDLR : cofondateur Ubisoft] de miser sur le Québec avec des investissements importants.
F.A.E. : Comment expliquer le fait que le plus grand succès d’Ubisoft – Assassin’s Creed – soit né au Québec ?
F.B. : Le jeu ne doit pas seulement son succès à son implantation au Québec, il est né d’une collaboration entre Montréal et Paris grâce à un travail d’équipe de grande ampleur. Avant de devenir ce qu’Assassin’s Creed est aujourd’hui, le jeu devait faire partie de la série Prince of Persia, un des grands succès d’Ubisoft. Nous l’avons transformé et fait évoluer en un tout nouveau type de jeu. Un de nos autres succès qui nous a permis d’acquérir une certaine reconnaissance au Canada a été le jeu Splinter Cell, sorti en 2002.
F.A.E. : Comment se sont déroulés les débuts d’Ubisoft au Québec ?
F.B. : Nous avons été assez chanceux. Il y avait déjà une base de talents implantés au Québec dans d’autres secteurs, et un petit vivier pour supporter les produits d’animation. Parallèlement à cela, il y avait déjà, à Montréal, quelques étudiants spécialisés dans ce domaine. Nous avons su regrouper toutes ces sources de talents et avons décidé de miser sur la jeunesse. Pour faciliter la formation de cette relève, nous avons mis en place plusieurs collaborations avec des universités et des cégeps (Collèges d’enseignement général et professionnel) québécois. Le Québec compte aujourd’hui 314.000 étudiants dans les universités, dont 20.000 dans les technologies de l’information. Sur la période 2018-2020 nous avons embauché 613 stagiaires dont plus du quart ont été engagé à temps plein.
Enfin, nous avons toujours souhaité avoir une capacité d’attraction des travailleurs étrangers. La moitié d’entre eux est originaire de France. Par ailleurs, les premières années, nous avons fait venir un grand nombre de nos employés français pour former cette relève, dont la fondatrice du studio et le président-directeur général du studio de Montréal.
F.A.E. : Avez-vous des liens avec la chambre de commerce et d’industrie française de Montréal ?
F.B. : Nous sommes membres des deux chambres de commerce, en France et à Montréal, et également membres du recrutement des entreprises franco-québécoises. Nous collaborons aussi avec d’autres sociétés françaises, car nous ne voulons pas oublier nos racines.
F.A.E. : Pourquoi la grande majorité de vos studios est-elle située à Montréal ?
F.B. : Certes, le Canada compte de nombreux studios d’Ubisoft, mais il y en a aussi en Angleterre, en France et ailleurs. Chaque province du Canada est engageante et nous sommes très sollicités. Quand la croisée des chemins est bonne, nous choisissons de nous implanter et, ar ailleurs, aujourd’hui, les équipes de jeu ne sont plus cantonnées à leurs studios.
Propos recueillis par Fanny Lardillier
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