Pong. Ceux qui se souviennent de ce jeu ont aujourd’hui les cheveux gris. Cette sorte de tennis de table électronique sur fond noir – où les raquettes étaient symbolisées par un petit rectangle blanc que l’on faisait monter ou descendre pour tenter de renvoyer la balle, représentée, elle, par un petit carré blanc – a rendu addicts bon nombre de joueurs au tout début des années 1970. Un demi-siècle plus tard, le jeu vidéo embrasse le réel, à tel point que certaines réalisations créent la confusion entre numérique et charnel. Il en va de même pour les scénarios de ces productions dont beaucoup n’ont rien à envier au cinéma.
Cette immense évolution technologique est le fruit de nombreux savoir-faire qui ont nourri l’industrie du jeu vidéo, toujours encline à repousser les limites du genre. Mais au-delà de ses aspects techniques, le jeu vidéo est aussi une culture. Ainsi il n’est guère étonnant, comme l’explique Emilien Roscanu, directeur des communications à la Guilde du jeu vidéo du Québec, que «les seniors [soient] très prisés» par les entreprises du secteur dans leurs projections d’embauches.
Autre point important, les francophones sont très présents dans le jeu vidéo au Québec, et même en proportion majoritaire. D’ailleurs, la Guilde précédemment citée travaille sur différentes initiatives pour encourager le travail en français, notamment par l’utilisation de termes francophones.
Un écosystème qui pèse lourd
Avec quelque 1,4 milliard de dollars canadiens de retombées annuelles, l’industrie du jeu vidéo occupe une place importante dans l’économie du Québec. Cette réussite ne semble pas près de s’arrêter selon les statistiques 2020 du gouvernement de la province qui a relevé que les métiers de l’information et de l’industrie culturelle étaient ceux qui présentaient (pour la période étudiée, 2014-2017) la plus forte croissance au Québec, que ce soit en termes d’emplois comme de chiffre d’affaires.
Au niveau de l’emploi, justement, la Guilde du jeu vidéo du Québec en recense 13.500, répartis dans 290 studios dédiés au jeu vidéo dans la province. Le Grand Montréal compte la plus grande concentration de filières internationales au monde en jeu vidéo. Par ailleurs, fort d’une créativité reconnue mondialement reconnue dans la diversité de ses productions, avec des jeux primés à l’international, le Québec se positionne comme le troisième pôle mondial du jeu vidéo, derrière Tokyo et la Californie.
Cette vigueur n’est pas le fruit du hasard. À la fin des années 1990, le gouvernement québecois a largement favorisé l’arrivée de studios de renommée internationale (dont Ubisoft dès 1997) en leur octroyant des crédits d’impôt (les principaux centres de production étaient alors situés aux États-Unis, en Europe et au Japon). À l’origine, ces crédits d’impôt pouvaient aller jusqu’à 50% des coûts des salaires, avant qu’ils ne soient ramenés à 37,5% en 2003. Mais à l’aube du nouveau millénaire, ce coup de pouce fiscal a aussi permis la création de nombreux petits studios de développeurs, dont trois firmes pionnières à Montréal et à Québec : Strategy First, Megatoon (également connu sous les noms de Behavior et de A2M) et Kutoka Interactive.
Les leaders du secteur
Ubisoft est l’acteur le plus important. Il dispose de studios à Montréal, Québec, Saguenay, Sherbrooke et emploie également le plus grand nombre d’employés à l’échelle québécoise. D’ailleurs, fait intéressant, le studio de Montréal est le plus gros studio d’Ubisoft à travers le monde, dépassant de beaucoup celui de la France.
D’autres sociétés de grande envergure sont également présentes dans la province. C’est le cas par exemple de Eidos-Square Enix, Electronic Arts, Warner Bros Games, Epic, Microsoft pour ne nommer qu’elles, sans omettre des sociétés indépendantes québécoises très en vue, telles que Behaviour Interactive (qui emploie près de 1.000 employés) ou encore Frima, Beenox ou Red Barrels. D’ailleurs, bon nombre de ces studios indépendants sont nés à l’initiative d’anciens salariés des grands studios. Leurs démarches sont souvent considérées comme très avant-gardistes, au point de faire figure de leader de cette industrie.
En termes de responsabilités professionnelles, les équipes plus réduites de ces studios indépendants impliquent souvent une plus grande polyvalence chez leurs employés, privilégiant les profils transversaux et expérimentés. Inversement, les multinationales peuvent s’avérer plus adaptées aux candidats de moindre expérience, mais avec cependant des possibilités de progression en interne tout aussi intéressantes.
Quelles professions ?
Entre le financement, la conception, la réalisation et la commercialisation, ce sont beaucoup d’intervenants qui apportent leur pierre à l’édifice. En conséquence, les fonctions sont multiples : programmation, gestion, marketing, conception 2D-3D, production, composition, métiers de l’audio, illustration, effets visuels (VFX), contrôle qualité, tests de jeux, sans oublier bon nombre de métiers connexes, par exemple pour la partie enseignement, ou encore l’implication d’acteurs pour la capture de mouvements et pour le doublage, etc.
En ce qui concerne la formation locale, Montréal propose aujourd’hui 45 formations collégiales et 16 formations universitaires professionnalisantes. Leurs diplômes reconnus sont autant délivrés aux étudiants locaux qu’aux étudiants étrangers. À noter que des établissements privés comme NAD, l’ISART présente à Montréal et à Paris), ou encore le collège LaSalle (https://www.collegelasalle.com) proposent des formations en lien avec les grandes entreprises du secteur.
En outre, deux importantes structures soutiennent les professionnels du jeu vidéo dans les perspectives de formation continue. C’est le cas notamment de Techno Compétences, spécialisé dans les formations en TIC (développeurs, informaticiens, etc.) ou encore Synthèse Pôle Image Québec qui favorise la collaboration entre les artistes, étudiants et professionnels en créativité numérique dans les domaines le jeu vidéo la formation en images de synthèse, les effets visuels et l’animation 2D/3D.
Salaires
Repère :1 dollar canadien = env. 0,70 euro
Le salaire moyen était de 78 000 $ CAD annuels en 2021 au Canada. Cependant les salaires sont poussés à la hausse dans le contexte de pénurie de main d’œuvre.
Comment trouver son emploi
Les entreprises québécoises recherchent beaucoup de programmeurs et de développeurs. Ces deux métiers représente quelque 30% des offres d’emploi disponibles dans le secteur du jeu vidéo. À titre d’indication, en septembre 2020, le Journal de Montréal estimait à 2.000 le nombre de postes à pourvoir à cette période. Compte tenu de ces besoins en main-d’œuvre, les recruteurs sont très ouverts aux talents formés à l’étranger et n’hésitent pas à faire pression sur le gouvernement québécois pour favoriser l’immigration de travailleurs qualifiés.
Montréal est le pôle principal pour accéder à l’emploi dans ce secteur, et de loin. La capitale, Québec, vient en deuxième position. Quelques studios commencent à s’implanter dans certaines régions tels que le Saguenay et Sherbrooke notamment.
Outre l’expérience préalable dans le jeu vidéo, les voies privilégiées sont évidemment la formation. À noter également, comme le précise Emilien Roscanu, «les personnes ayant une expérience dans le domaine des technologies de l’information peuvent également faire le saut depuis leur domaine (web, informatique, réseau, logiciel, sécurité, etc.) et venir travailler dans le jeu vidéo, moyennant une légère mise à niveau souvent offerte par l’entreprise ou un programme scolaire de formation continue».
Pour accéder aux offres d’emploi dans ce secteur, plusieurs ressources sont disponibles, dont :
- Talent Montréal
- Option Carrière
- Par ailleurs, Québec Epix, regroupement d’entreprises et d’acteurs technocréatifs en jeu vidéo, animation et expériences immersives, propose un panorama fort complet sur ce secteur du jeu vidéo au Québec.
- Le Journal des Français à l’étranger remercie la Guide du jeu vidéo du Québec, et particulièrement Emilien Roscanu pour sa précieuse collaboration sur ce dossier.