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La « finance » est-elle décalée des réalités économiques ?
Le FMI a une nouvelle fois ajusté à la baisse ses perspectives de croissance mondiale pour les années 2022 et 2023 (respectivement 3,2 % et 2,9 %). Les mauvaises nouvelles s’amoncellent sous le coup de l’inflation, des conséquences de la guerre en Ukraine et des répercutions encore palpables des confinements de 2020. De son côté, le CAC 40 a repris plus de 7 % après avoir touché un point bas le 5 juillet (-19 % en 2022). La « finance » est-elle décalée des réalités économiques ?
Les marchés actions et obligataires sont en baisse
Le prix des actifs financiers et les données économiques entretiennent des liens qui peuvent sembler parfois distants. Les marchés actions et obligataires ont connu des mouvements de baisse importants au cours du premier trimestre, qui se sont poursuivis – certes avec une moindre ampleur – au second semestre. Au 30 juin 2022, l’indice des obligations d’État de la zone Euro et l’Euro Stoxx 50 sont respectivement en repli de 9 % et 14 %. Ces mouvements de correction se sont réalisés en anticipation de mouvements économiques qui s’imprègnent dans notre quotidien. Le passage des taux obligataires en territoire positif en fin d’année 2021 a précédé de plus de 6 mois celui de la hausse de 0,50 point des taux de la BCE opérée ce 21 juillet. De même, la baisse du cours des actions en 2022 s’est effectuée en anticipation de l’impact du cycle économique sur les résultats futurs des entreprises. La hausse de 0,75 point des taux de la réserve fédérale américaine ce 27 juillet, a eu peu d’impact sur un dollar déjà fort et aucun sur les valeurs de croissance (Nasdaq) qui s’est envolé de 4 % sur la même journée. Effectivement, la rentabilité procurée par un portefeuille financier repose pour beaucoup sur les conditions économiques futures. C’est le cas pour les obligations dont le taux d’intérêt courant dépend (en partie) de l’évolution attendue de la politique monétaire. Pour les actions, l’évolution des résultats futurs sera un facteur déterminant pour la performance à posteriori des investissements réalisés aujourd’hui.
L’inflation toujours en progression
Les investisseurs scrutent ainsi les données économiques pour établir des perspectives qui justifient leurs décisions d’investissement. Ce mode de fonctionnement inhérent aux marchés financiers amène un premier constat : le prix des actifs peut fluctuer de manière contre-intuitive par rapport aux changements visibles à travers les indicateurs économiques. Ainsi, malgré des chiffres d’inflation élevés et en progression en zone Euro comme aux Etats-Unis et des banques centrales qui relèvent leurs taux directeurs, les rendements obligataires ont amorcé une décrue sensible (0,70 point de taux) depuis le 14 juin de part et d’autre de l’Atlantique. L’inflation est certes importante mais elle provient pour moitié du secteur de l’énergie, des prix agricoles et ceux de l’automobile (notamment aux Etats-Unis). Les investisseurs sur le marché obligataire, cherchant à se projeter sur l’avenir, font l’hypothèse que ces prix vont se stabiliser. Ils observent par exemple que le cours du pétrole (Brent) fluctue autour de 105 dollars le baril aujourd’hui contre 122 dollars le 8 mars dernier. Si les cours se maintiennent à ces niveaux tout au long de 2023, l’or noir contribuera à faire baisser l’inflation en 2023. Ces replis par rapport aux points haut s’observent également sur les métaux, les matières premières agricoles, les coûts du fret. Elles contribuent à nourrir des anticipations de résorption de l’inflation sur 2023. Ajoutons que l’action de normalisation de la politique monétaire des banques centrales et le ralentissement économique qui se profile vont contribuer eux aussi à résorber les tensions inflationnistes observées sur le marché du travail. Ainsi, les niveaux d’inflation implicites donnés par les prix des instruments obligataires situent une inflation moyenne en deçà de 3 % sur les 10 prochaines années. Toutefois, les coûts liés à la transition énergétique comme ceux inhérents à une mondialisation plus raisonnée des chaines d’approvisionnement, vont nourrir l’inflation qui sera au-dessus des valeurs anciennes (moins de 2 %) mais contenue dans des niveaux acceptables (un peu moins de 3 % pour les économies avancées selon le FMI).
Le ralentissement économique est-il en cours ?
Pour la croissance économique c’est un peu la même chose. La chute des actions post invasion de l’Ukraine et jusqu’à la mi-juin correspond à une anticipation des difficultés à venir pour les consommateurs et les entreprises. La forte dégradation des enquêtes d’activité publiées récemment, comme la révision à la baisse des prévisions de croissance du FMI pour 2022 et 2023, a finalement eu peu d’impact sur le cours récent des actions. Ceux-ci bénéficiant même de l’accalmie sur le front des taux d’intérêt. Si les choses en restent là, on constatera que les marchés financiers en baissant tout au long des 6 premiers mois ont réagi avant que les données économiques anxiogènes déferlent et tétanisent une grande partie des investisseurs. De fait, les cours actuels sur les actions européennes offrent des multiples de valorisation inférieurs aux niveaux moyens historiquement constatés (ratio cours/bénéfice de 12 contre une moyenne de 14 sur les 10 dernières années) tout comme le rendement des obligations High Yield de la zone Euro qui se situent autour des 7 %. De ce point de vue, les actifs risqués apparaissent attractifs et suggèrent à ceux qui ont le temps devant eux d’investir. Mais les anticipations s’appuient sur des hypothèses incertaines. Les intervenants de marchés ont-ils sous-estimé (ou surestimé) la force du ralentissement économique qui se déroule sous nos yeux ? Le FMI alerte sur les risques de récession qui augmentent avec un ralentissement plus marqué.
Les premiers effets sur la consommation et les résultats des entreprises se font sentir
Pour les investisseurs, la saison de publication des résultats des entreprises du second trimestre 2022 permettra d’apporter des éléments de réponse. Au 27 juillet, 98 des 600 valeurs européennes ont publié pour le second trimestre. Il en ressort (données IBES) que 57 % de ces entreprises ont réalisé des résultats supérieurs aux attentes et 37 % en dessous des attentes. Sur un an glissant, les résultats sont en hausse de 27 % tirés par les secteurs de l’énergie (+187 %), tandis que le secteur bancaire et foncier ont vu leurs résultats diminuer respectivement de -13 % et -69 %. À ce stade, les entreprises ont su préserver leurs performances économiques en dépit des vents contraires. Même si le nombre de sociétés qui révisent à la baisse leurs perspectives augmente, les analystes attendent néanmoins des résultats globalement en hausse sur les 12 prochains mois. Les effets sur la consommation commencent néanmoins à se faire sentir. À titre d’exemple, Walmart – le distributeur US – a émis un nouvel avertissement douloureux sur ses résultats du fait de l’inflation record et de la faible consommation. Pour l’ensemble de l’exercice, le groupe table sur un bénéfice par action en baisse de -11 à -13 %, contre -1 % il y a trois mois. Les niveaux croissants d’inflation des aliments et du carburant affectent la façon dont les clients dépensent, a déclaré le DG de Walmart, qui concède de nouvelles démarques notamment sur les vêtements, au détriment des profits. Cette alerte du groupe signale une détérioration supplémentaire de l’environnement « retail » américain, alors que l’inflation affecte durement les consommateurs sensibles aux prix. Le consommateur est sous pression et l’entreprise doit multiplier les efforts commerciaux, comprendre rogner sur ses marges, pour maintenir un niveau d’activité correct. Le titre en a été sanctionné (baisse de 7,6 % sur la journée de publication du 27 juillet dernier), avant de réduire ses pertes le lendemain (+3,8 %). La correction post annonce aura été finalement de faible ampleur et de courte durée, suggérant que la baisse du cours en mai a déjà intégré ces difficultés. Les sociétés qui ont un pouvoir élevé de fixation des prix, quelle qu’en soit l’origine, s’en sortent mieux que les autres (LVMH, Alphabet, Microsoft). Valorisations attractives et résultats relativement solides dans le contexte actuel militeraient pour une appréciation constructive sur l’investissement en actifs risqués tout en gardant à l’esprit que l’incertitude sur les développements économiques futurs reste forte. Sans doute conviendrait-il d’attendre les publications du troisième trimestre afin de mesurer plus précisément la capacité de résilience des entreprises face aux vents contraires qui soufflent.
Article en partenariat avec Crystal Finance
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