Etudier et travailler
Le grand entretien : Michel Miraillet, ambassadeur de France au Canada
En septembre dernier, Michel Miraillet est devenu le nouvel ambassadeur de France au Canada. Diplômé de Sciences-Po Paris, il débute sa carrière au ministère des Affaires étrangères avant de devenir premier secrétaire à la mission permanente de la France auprès de l’ONU à New York en 1992. De 2013 à 2017, il est ambassadeur de France aux Emirats arabes unis, puis au Brésil de 2017 à 2020. Avant de prendre ses fonctions à Ottawa, il était directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international à l’administration centrale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Quelle est votre feuille de route ?
Le président de la République m’a confié une mission claire : renforcer le partenariat d’exception qui unit nos deux pays. Nos relations, fondées sur une histoire et des valeurs communes, sont d’ores et déjà excellentes. Elles peuvent cependant être encore densifiées, notamment dans les secteurs d’avenir : l’innovation, la santé, l’énergie ou encore les transports. C’est ce à quoi les services de l’Ambassade et moi-même nous employons au quotidien.
Par ailleurs, la France et le Canada, dont les positions sont particulièrement proches dans les instances bilatérales, au G7 comme au G20 et sur tous les grands sujets de l’actualité internationale comme sur la promotion du multilatéralisme, ont tout intérêt à promouvoir des initiatives communes relatives aux thématiques auxquelles nous sommes particulièrement attachés : lutte contre le dérèglement climatique, promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, défense de la francophonie. Je vais m’y atteler.
Où en sont les échanges économiques et culturels entre la France et le Canada ?
Côté économique, avec près de 3,6 Md € d’exportations françaises à destination du Canada et 3,9 Md € d’importations françaises depuis le Canada en 2021, le commerce bilatéral France-Canada est en nette progression. Les échanges bilatéraux ont en effet non seulement dépassé leur niveau pré-pandémie, mais même atteint un record historique, qui se prolonge d’ailleurs au premier semestre 2022. Il faut y voir notamment l’impact de l’application provisoire du Ceta (accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada) qui a dynamisé les échanges dans certaines filières, notamment l’agro-alimentaire français.
Avec ces résultats, la France a conservé en 2021 sa place de 5e exportateur européen vers le Canada et de 9e partenaire commercial du Canada (8e pour ses exportations et 11e pour ses importations). Cette part relative, qui peut sembler modeste au regard de l’ancienneté des liens économiques entre le Canada et la France, s’explique en partie par un autre chiffre : l’importance des entreprises françaises au Canada. En 2021, l’Insee recensait ainsi 1 200 filiales françaises au Canada, c’est-à-dire la quasi-totalité des grandes entreprises françaises et un nombre non-négligeable de PME.
Au total, les entreprises françaises sont à l’origine de 124 000 emplois au Canada. La richesse de cet écosystème, ainsi que le renforcement sans précédent intervenu avec la reprise d’une partie des activités de Bombardier par Alstom et Airbus, explique par exemple qu’en 2021 le Canada ait été le premier pays au rang des pays de destination de nos IDE (investissements directs à l’étranger).
Bien entendu, il est possible, et nécessaire – c’est là l’un des objectifs de ma feuille de route – d’approfondir le volume de nos échanges. Parmi les axes de développement, on peut penser à une présence française plus homogène à l’échelle du Canada, notamment dans les Prairies, l’Ouest du pays, ou encore les provinces maritimes. De nouveaux domaines de coopération pourraient également permettre d’approfondir la relation bilatérale ; c’est le cas en particulier de la question des minéraux critiques, qui est d’importance stratégique pour assurer la transition environnementale des économies et permettre d’assurer la permanence de nos chaînes de valeur. Le Canada offre de ce point de vue un potentiel unique en minéraux et métaux stratégiques comme le lithium, le graphite, le palladium ou bien le nickel.
Côté culturel, les échanges entre la France et la Canada reprennent une dynamique très encourageante après la pandémie. Les étudiants canadiens reviennent progressivement en France, au niveau pré-pandémie. Dans le secteur culturel, nous avons avec le Canada une coopération de pointe en matière d’industries culturelles et créatives, et des écosystèmes français et canadiens partout, que ce soit à Toronto, Vancouver ou Montréal. Notre réseau d’écoles françaises au Canada s’étend – avec l’homologation par l’AEFE d’une nouvelle école en 2021 – ce qui porte donc à huit nos écoles homologuées. Enfin, la France et la Canada sont résolus à hisser leur dialogue scientifique à un niveau stratégique, ayant conscience dans un monde tourmenté, de la nécessité d’approfondir nos liens et notre connaissance mutuelle.
Quels sont les opportunités d’emploi pour les Français au Canada ?
Il y a aujourd’hui près d’un million de postes vacants au Canada, dont la moitié dans les secteurs de proximité comme la restauration, la santé et le commerce de détail, ce qui naturellement crée des opportunités d’emploi non négligeables pour les Français au Canada. Cela ne s’arrête pas là puisque tous les secteurs de l’économie canadienne ont besoin de main-d’œuvre, ce qui indique qu’il y a des opportunités d’emploi pour les Français au Canada, quel que soit leur secteur d’activité ou leurs qualifications. Pour autant, la plupart de ces filières connaissent également des tensions en France, si bien que les opportunités canadiennes ne sont pas très différentes, dans leur nature, de celle que les Français (ou les Canadiens !) peuvent trouver dans notre pays.
Les formalités pour obtenir un visa sont souvent critiquées car trop longues. Pouvez-vous améliorer les choses ?
Au Canada, comme partout ailleurs, le contexte de la pandémie a sans aucun doute rendu les procédures relatives à l’entrée et au séjour d’étrangers plus longues et complexes. Je tiens toutefois à signaler qu’au cours des deux dernières années, nos interlocuteurs canadiens ont toujours fait montre de réactivité et d’efficacité en vue de traiter les demandes les plus urgentes.
Par ailleurs, l’Ambassade a eu au cours de cette période des échanges très constructifs avec l’administration canadienne afin que certaines catégories de ressortissants français – je pense aux étudiants notamment – puissent se rendre au Canada et y réaliser leurs projets. Je ne manquerai pas de poursuivre ce dialogue afin de fluidifier les échanges humains entre nos deux pays.
Où en est-on en matière d’immigration des Français au Canada ?
Je relève que nos deux pays se sont dotés d’un instrument particulièrement utile, l’accord relatif à la mobilité des jeunes du 14 mars 2013 – dans lequel entrent les fameux PVT très appréciés de nos jeunes concitoyens ! Cet accord favorise la découverte mutuelle de la culture et de la société de la France et du Canada. La mise en œuvre de cet accord s’avère très satisfaisantes et de nombreux ressortissants français et canadiens – notamment des étudiants et des jeunes professionnels – y ont recours chaque année.
Beaucoup de métiers sont « protégés » par des ordres et peu accessibles aux Français. Les choses avancent-elles ?
Dans le cadre du Ceta, un comité a été créé pour favoriser la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Près d’une décennie après le début de discussions et cinq ans après l’entrée en vigueur du Ceta, un premier accord a été conclu cette année entre le regroupement des ordres d’architectes du Canada (ROAC) et le Conseil des architectes d’Europe (CAE) : celui-ci devrait entrer en vigueur d’ici le début de l’année 2023, permettant aux architectes européens d’exercer au Canada, et inversement, sous certaines conditions. Il s’agit d’un premier accord qui pourrait ouvrir la porte à d’autres.
Illustration :
Remise des lettres de créances de l’ambassadeur à la gouverneure générale du Canada, Son Excellence la très honorable Mary Simon.
Crédit photo : Rideau Hall ; Sgt Mathieu St-Amour.
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