« C’est presque un déni de droit de vote ! » Francine Watkins ne mâche pas ses mots quand il s’agit de commenter les conditions dans lesquelles les Français du Canada sont allés dernièrement voter. « Pour les législatives de juin dernier, ça n’a pas posé trop de problèmes puisqu’on pouvait voter par internet, explique-t-elle. En revanche, pour la présidentielle d’avril, on n’avait que deux bureaux sur toute la circonscription, un à Ottawa et un à Toronto, mais aucun à Winnipeg (Manitoba). On ne pouvait voter que physiquement ou via une procuration, mais il fallait prendre rendez-vous et se rendre en personne au consulat pour la faire valider ! Un Français de Sault-Sainte-Marie aurait ainsi pratiquement 1 500 kilomètres à effectuer aller-retour juste pour venir voter ou faire valider sa procuration au consulat à Toronto ! » Le cas risque d’ailleurs de se reproduire pas plus tard qu’au mois d’octobre prochain puisque les électeurs de la quatrième circonscription (Moncton, Montréal et Halifax) sont appelés aux urnes. L’élection des sept conseillers consulaires élus en juin dernier a en effet été annulée par le Conseil d’État. Seul le vote à l’urne et par procuration étant autorisé (alors qu’en mai dernier le vote par internet était également possible), cela va défavoriser de nouveau tous les électeurs potentiels des petites villes ou celles dans lesquelles il n’y a pas de bureau. La Française propose ainsi que le vote par internet soit étendu à toutes les élections, et pas seulement réservé aux législatives. Elle suggère aussi que les procurations soient validées et l’identité de la personne vérifiée par vidéo via un outil de visioconférence sur internet.
Ni téléphone ni courriel
Originaire de Metz, en Lorraine, Francine Watkins est donc l’une des quatre conseillers à l’AFE, l’Assemblée des Français de l’étranger, du Canada. Sa deuxième circonscription englobe l’Ontario et le Manitoba. La Française n’est pas une nouvelle venue au Canada puisqu’elle vit à Toronto, où elle a ouvert une agence de traduction il y a vingt-cinq ans. Avant cela, depuis les années soixante-dix, elle a mené une carrière dans la fonction publique fédérale et régionale canadienne. L’Ontario a beau être anglophone, la province compte la première communauté francophone du Canada hors Québec, forte
de 670 000 personnes.
Francine Watkins s’emporte d’ailleurs aussi quand on évoque avec elle la fermeture des services consulaires : « Ils disparaissent et sont remplacés par une dématérialisation sans numéro de téléphone et adresse courriel la majeure partie du temps, ce qui fait que les Français sont souvent livrés à eux-mêmes et ne savent plus vers qui se tourner. » Quand on vit loin d’une grande métropole, il faut donc attendre les tournées consulaires qui sont assez rares, ne couvrent pas l’ensemble du territoire mais seulement quelques villes, et qui ont été interrompues avec la Covid-19. « Quand vous n’avez plus aucun service de proximité, les gens sont désemparés quand ils ont des problèmes de retraite par exemple, observe-t-elle. De fil en aiguille, certains renoncent alors jusqu’à leur appartenance française. »