Nous sommes à Jytomyr, à 200 kilomètres à l’ouest de Kiev. Florian Garnier vit en Ukraine depuis près de 14 ans. Ici, il dirige une exploitation agricole de 10.000 hectares, une taille moyenne pour une ferme ukrainienne. Blé, colza, soja, tournesol, maïs, et depuis quelques années, betterave sucrière : le Français alterne les cultures de printemps et d’hiver. Malgré les bombardements et les pénuries de carburant, il a toujours réussi à maintenir l’activité. « On a une double responsabilité quand on est chef d’entreprise dans le secteur agricole en Ukraine, explique-t-il, c’est d’abord de pouvoir exporter pour que les céréales se retrouvent sur les marchés mondiaux, et on a quasiment aujourd’hui une centaine de salariés. Avec la guerre et les problèmes économiques, on a cette responsabilité vis à vis de nos salariés de pouvoir continuer à payer les salaires, de continuer l’emploi et de ne pas réduire la voilure. »
Florian Garnier reconnaît qu’il ne s’attendait pas à ce que la Russie envahisse l’Ukraine en février dernier : « En bon patron, on a pris les mesures nécessaires, on a fait des stocks de générateurs d’essence en cas de troubles. Mais c’était du raisonnement de gestion d’entreprise, sans être de l’alarmisme par rapport à une guerre qui finalement a éclaté. »
Après une accalmie durant l’été, les bombardements ont repris il y a deux mois, Florian Garnier ajoute : « C’est ce qu’a voulu Poutine et il a réussi. On ne sait plus sur quel pied danser. Le mois d’octobre nous a remis dans le conflit à fond, puisque une à deux fois par semaine, on prend des drones et des roquettes sur la figure dans la ville de Jytomyr. »
Des salariés sur le front
Depuis le début de l’offensive russe, si l’activité est maintenue sur l’exploitation, Florian Garnier, membre de la Chambre de commerce et d’industrie France Ukraine, doit en revanche se passer d’une partie de ses employés. Ceux qui sont formés militairement, et en âge de le faire, sont appelés à aller combattre sur la ligne de front dans l’Est, au Donbass notamment : « On a eu des blessés. Les blessés légers ont déjà été envoyés sur le front parce qu’ils n’ont pas les capacités et le luxe de pouvoir former rapidement les nouveaux soldats. Tous nos salariés qui combattent nous disent qu’il y a entre 30 et 50% de leurs bataillons qui sont en pièces. »
Cette année, la récolte a pris du retard
Les équipes en sont encore cette semaine à moissonner le maïs, alors que l’hiver est arrivé avec trois semaines d’avance en Ukraine, et que les premières chutes de neige ont surpris tout le monde. Le Français doit composer aussi avec des coupures d’électricité quotidiennes et un manque colossal de trésorerie à cause de la difficulté à exporter ses céréales : « Ces problèmes d’électricité se répercutent sur le déchargement des camions au port d’Odessa, puisque c’est une ville très ciblée par les bombardements russes. Et les ports ne peuvent pas fonctionner pendant les bombardements parce quand il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas moyen de transborder le grain du camion jusqu’à jusque dans les cales du bateau. »
Le Français insiste sur l’incroyable résilience des Ukrainiens et fait tout, coûte que coûte, pour maintenir son activité et payer les salaires de sa centaine d’employés. Dans le secteur agricole, avec un optimisme mesuré, il y a plus de signaux au vert qu’au rouge, dit-il. Lire et écouter la chronique ici
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